vendredi 12 mai 2017

Ecologie politique : maintenant, il faut se refonder !, par Noël Mamère (Reporterre.net)

Les thèmes environnementaux ont été peu présents dans la campagne présidentielle. Celle-ci a validé la faillite d’EELV et la divergence des trois courants de l’écologie politique. Notre chroniqueur voit dans cette période l’occasion de reconstruire un courant qui porte toujours « l’idée propulsive d’un XXIe siècle » confronté à « la survie de l’humanité ».

Je ne ferai pas de commentaire sur le second tour de l’élection présidentielle. Le pire a été évité. Un président par défaut a été élu. La recomposition politique s’accélère et bien malin qui pourrait prédire la suite des évènements. Je voudrais insister ici sur l’état de notre famille politique, celle de l’écologie, à la veille des élections législatives.


Pour la première fois depuis 1974, l’écologie politique n’a pas présenté de candidat issu de ses rangs. Symboliquement, politiquement, médiatiquement, ce simple fait aura des conséquences importantes à court et à moyen terme. On ne peut pas dire que l’élection présidentielle est structurante et faire comme si cette absence écologiste au premier tour de la « mère des batailles » électorales, n’avait pas d’importance. Nous avions fait le choix de Benoît Hamon, parce qu’il avait fait de l’écologie le moteur de son projet… Nous savons ce qui est malheureusement advenu : notre candidat de substitution a été victime de ses propres amis et du vote utile… Et la thématique de l’écologie a disparu des radars. Dans les grands débats du premier et du second tour, pas un mot, pas une question sur l’écologie, qui est pourtant l’une des priorités de ce siècle. Qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite, durant cette campagne, l’énergie, la biodiversité, la pollution de l’air, la question du climat, ont été rendues invisibles aux yeux des Français. L’influence ne se mesure pas seulement aux voix attribuées à chaque candidat, mais à la capacité d’influer sur l’agenda politique du quinquennat. De ce point de vue, 2017 est une défaite sans appel pour l’écologie politique.

La deuxième constatation, c’est la faillite du parti écologiste. EELV est un petit cadavre à la renverse, épuisé par la gestion erratique de ses directions successives depuis 2010. EELV n’est plus que l’ombre de lui-même sur les plans idéologique, politique et organisationnel. Il est devenu un parti zombie, absent des luttes écologiques, même si nombre de ses adhérents y jouent un rôle en tant que militants associatifs. Il est déconsidéré par l’image politicienne que donnent certains de ses élus avant tout préoccupés par leur carrière. Le débauchage de plusieurs de ses dirigeants dans le dernier gouvernement de François Hollande, comme l’affaire Denis Baupin, ont accéléré ce processus de délégitimation.

Au bout de son chemin de croix

Idéologiquement, l’écologie politique apparaît maintenant comme traversée par trois grands courants, issus de la matrice d’EELV ou nés sur ses marges, qui ont chacun décidé de faire chambre à part :
  • Les partisans du capitalisme vert ont rejoint le mouvement d’Emmanuel Macron. Partisans d’avancées minimums, leur écologie est soluble dans le marché, le libre-échange et l’écoblanchiment. En marche, oui, mais en marche arrière !
  • Les défenseurs d’une social-écologie, européenne, cosmopolite, qui lient leur sort à celui de Benoît Hamon et de ses amis et qui sont bien décidés à défendre un projet de société qui passe par la sortie du nucléaire, la transition écologique, le revenu universel, la taxation des robots… À condition de rompre avec un PS en soins palliatifs et de ne pas chercher à tout prix une alliance avec des insoumis… Qui n’ont pas d’autre objectif que la soumission de leurs partenaires !
  • Les tenants de l’écologie sociale, et de l’écosocialisme, qui se sont rejoints dans la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. En phase avec une grande partie de l’électorat écologiste, ils considèrent qu’une écologie populaire et même, à certains égards, qu’un certain populisme écologique est nécessaire pour se battre contre les lobbies et le capitalisme, destructeur de l’homme et de la nature.
Ce débat idéologique entre trois écologies de plus en plus irréconciliables n’a jamais été tranché par EELV. L’heure est donc à la « clarification ».

Politiquement, ce qui se joue c’est le choix entre la construction d’une force politique écologique autonome et l’écologisation à géométrie variable des différentes familles d’une gauche éclatée : sociale libérale, sociale démocratie ou gauche de transformation. De fait, à part la période Waechter, celle du ni droite ni gauche, l’écologie n’a jamais été véritablement autonome, coincée dans les filets du système majoritaire à deux tours. Elle a été dans le giron du PS inventant des concepts valises (peuple de l’écologie, autonomie, majorité culturelle) pour mieux cacher sa dépendance à l’égard du grand frère socialiste qui lui permettait, bon an mal an, d’accéder à des positions de pouvoir au sein des institutions. Arrivée au bout de son chemin de croix, elle doit maintenant choisir entre se fondre dans ces gauches, elles-mêmes fracturées, pour mieux les influencer, ou choisir de disparaître un temps des institutions nationales pour mieux réapparaître comme une force issue de la société. Ce choix est devant nous.

Des formes nouvelles apparues en marge de l’écologie officielle 

Organisationnellement, EELV s’est transformé en un appareil de sélection des candidats aux différentes élections. En se réduisant à cette seule fonction, elle a abandonné l’idée même de la coopérative qu’elle a été incapable de traduire dans les faits. Or, les deux mouvements qui ont émergé de l’élection présidentielle se sont construits sur des fondations assez proches de ce que nous voulions, en s’appuyant sur la révolution numérique, la construction de plate-formes au sein des réseaux sociaux, qui jouaient le rôle d’organisateur collectif. Ce nouveau rapport entre horizontalité, implication subjective de ses membres a échappé complètement à une organisation qui n’a pas su ou pas voulu prendre ce tournant de l’ubérisation de la politique. Et qui a refusé, à juste titre, le culte du chef, comme on peut le voir à En Marche ! et chez les Insoumis. Si les partis ne vont pas disparaître, ils n’auront plus rien de commun avec les organisations fondées sous la révolution industrielle et l’ère du journal papier. Les écologistes, qui ont toujours dit vouloir faire de la politique autrement, sont maintenant au pied du mur.

Mais c’est aussi le projet écologiste qui doit être dépoussiéré. Nous sommes absents des débats sur le transhumanisme, la condition animale, la décroissance, les questions internationales ; nous avons perdu le leadership sur la VIe République et même sur le revenu universel, qui a été capté par Benoît Hamon.

Des formes nouvelles sont apparues en marge, à côté de l’écologie officielle. Elles auront leur mot à dire quant à l’avenir de l’écologie politique. Les Zad, tout d’abord, qui sont l’expression d’une radicalité nouvelle cherchant à inventer des formes de vies, de luttes et de communs. Une partie de la jeunesse s’y reconnaît. Ensuite, le mouvement écolo-citoyen : des Colibris au mouvement Demain, issu du film du même nom ; de la candidature de Charlotte Marchandise à Nuit debout, une nouvelle génération de militants écologistes non partidaires a émergé et souhaite s’engager sur le terrain proprement politique. Cette nouvelle génération pourrait utiliser les prochaines élections municipales pour construire, du local au global, une nouvelle saison de l’écologie politique autonome pouvant s’allier, au cas par cas, dans des coalitions de projet à l’instar de ce qui s’est passé dans les villes rebelles espagnoles, de Madrid à Barcelone.

Relever le défi de l’ère de l’anthropocène 

On le voit, l’heure n’est pas à la lamentation mais au débat. Je l’ai déjà rappelé maintes fois dans ces colonnes : Reporterre a un rôle à jouer dans la refondation d’une écologie politique par le bas, une écologie politique qui ne fasse pas l’impasse sur les contradictions qui la traversent, une écologie politique qui ouvre grand ses fenêtres et fasse sa mue.

Au moment où les générations post soixante-huitardes passent la main, où moi-même je passe le témoin à celles et ceux qui vont construire l’écologie politique de demain, c’est un message d’espoir que je souhaite transmettre. Il faut se saisir de ce moment privilégié, qui est celui d’une apparente défaite, pour se régénérer, se refonder, se reconstruire.

L’écologie politique est toujours l’idée propulsive d’un XXIe siècle confronté à une crise existentielle, qui n’est rien d’autre que la survie de l’humanité face à une réelle menace d’autodestruction. Nous devons relever ce défi de l’ère de l’anthropocène, car l’intérêt de notre famille politique se confond avec l’intérêt général : l’émancipation de l’humanité et la défense de notre Terre-Mère.


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