vendredi 30 juin 2017

Nouveau paysage à gauche, l'édito de Denis Sieffert (Politis)

La gauche a toujours été pluraliste. Elle ne peut se réduire à aucune hégémonie. Malgré ses déconvenues électorales, Hamon incarne solidement une autre gauche que celle de Mélenchon.

C’est une figure de style dont il faut toujours se méfier, surtout en politique : la prétérition. Le fameux « je serai clair » (ou le « je serai bref »), qui n’augure généralement rien de bon… Dans son communiqué d’après conseil national, le Parti socialiste affirme « clairement » son appartenance à l’opposition, dix jours avant le vote de confiance au gouvernement d’Édouard Philippe. Mais pas besoin de creuser bien profond pour voir combien cette clarté est obscure. On a d’abord appris qu’une première version de la résolution finale avait oublié le mot « opposition ». Quant à la seconde, 15 % des présents ne l’ont pas votée. Plus édifiant encore : il a été dit que le texte n’engage pas de « façon impérative » les derniers députés socialistes survivants de l’hécatombe. Chacun pourra donc en faire à sa tête. Le groupe d’une trentaine d’élus se diviserait ainsi en trois tiers : un tiers favorable à la confiance au gouvernement ; un autre qui la lui refusera, et un dernier d’abstentionnistes. Qui a dit que le Parti socialiste n’est pas éternel ? 


Ce que je vous raconte là pourrait n’être aujourd’hui qu’une anecdote qui donne évidemment raison à Mélenchon dans son jugement global sur son ancien parti. Mais c’est un peu plus qu’une anecdote, parce que ce PS, s’il reste pollué par les amis de M. Valls (sinon Valls lui-même, qui vient de prendre la bonne décision en rejoignant LREM), peut conserver un pouvoir de nuisance. L’épisode donne également raison à Benoît Hamon, qui a ostensiblement boycotté ce conseil national pour aller rejoindre la Gay Pride, et dont les amis ont voté contre la résolution.

Au passage, on se demande tout de même pourquoi ces socialistes confiants dans la future politique d’Emmanuel Macron tiennent tant à rester « socialistes ». Si ce n’est pour entretenir un doute qui n’a pas lieu d’être. Car, quelles que soient les modifications qui sortiront des rencontres avec les syndicats, tout le monde sait à présent ce que seront ces ordonnances, et tout le monde peut mesurer l’importance du basculement historique qui s’ensuivra. Nul ne peut ignorer qu’il s’agit d’imposer un nouveau rapport de force extrêmement défavorable aux salariés. En toute logique, les nostalgiques du dernier quinquennat ont vocation à rejoindre La République en marche. « La droite avec la droite » pourrait être un bon slogan. Si le PS veut demeurer une composante de la gauche, cette ultime clarification est indispensable. Sinon, il finira comme le puissant Parti radical de Clemenceau et d’Herriot, toujours là mais comme un vestige de sa propre histoire.

Mais puisque nous parlons de « clarification », la question se pose également à Benoît Hamon. Celui-ci ne laisse planer aucun doute à propos de son positionnement par rapport au gouvernement. L’homme est de gauche, « clairement » de gauche. La question est celle de son rapport à un PS qui se débat toujours dans l’ambiguïté. Rompre ou ne pas rompre ? Telle est la question. En attendant, Benoît Hamon lance samedi un mouvement qui n’est pas un parti et qui donc ne tranche pas. Ce doit être un moment de réflexion et d’approfondissement. Son initiateur fait contre mauvaise fortune bon cœur. Profitons de la défaite pour prendre le temps de la refondation idéologique. Il sera question de transition écologique, de rapport au travail et de démocratie.

Ce sera pour Benoît Hamon l’occasion de réaffirmer une identité politique déjà développée lors de la primaire du mois de janvier. La gauche a toujours été pluraliste. Elle ne peut se réduire à aucune hégémonie. Malgré ses déconvenues électorales, Hamon incarne solidement une autre gauche que celle de Mélenchon, moins jacobine, moins étatiste, plus ouverte du point de vue sociétal, mais aussi économiquement plus libérale. Ce qui n’est pas sans risques par les temps qui courent. On voit très bien comment le thème d’un autre rapport au travail, et du revenu universel, peut être récupéré par la « Macronie », s’il n’est pas manié avec précaution. Toutefois, le risque ne doit pas interdire de penser l’avenir.

Reste la question des alliances. Dans ce paysage nouveau, chacun a son voisin idéologique. Le PC pour Mélenchon, malgré les inimitiés et les contentieux. EELV pour Hamon. Les écologistes n’ont pas d’autre solution à court terme que de s’associer sous une forme ou une autre à l’ex-candidat socialiste. Mais la politique laisse peu de répit. Elle est avant tout action. Et l’actualité n’attend pas les refondations idéologiques. Et là, Mélenchon dispose d’un énorme avantage. Il est en place. Il siège à l’Assemblée à la tête de son groupe. Il a une tribune dont il saura faire le meilleur usage. Sa voix portera, le moment venu, dans le mouvement social. Les rescapés du naufrage socialiste se trouvent eux face à une contradiction : ils appartiennent à un parti dont l’essence même est parlementariste, mais qui est quasiment absent de l’Assemblée. Un parti d’élus sans élus. Un parti qu’il est urgent de quitter.

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