
Disons la vérité : le monde entier savait qu’une
pandémie interviendrait un jour ou l’autre. Combien d’alertes en cinquante
ans ! Mais les chercheur·e·s ont été négligé·e·s, et leurs travaux non
financés, alors que s’imposait une intense circulation planétaire, un
capitalisme productiviste destructeur sur le plan écologique et social. Les
politiques d’austérité ont mis à mal les systèmes publics de santé. Cette crise
sanitaire a été engendrée par ce mode de production. Elle a été accélérée et
aggravée par les politiques de la classe dirigeante. Et cela vaut partout, tant
en Europe que dans le reste du monde.
Aujourd’hui doivent s’imposer les exigences de sécurité de l’ensemble de la
population, des personnes qui travaillent (matériel de protection, droit de
retrait et salaires garantis, refus de faire travailler des secteurs
économiques non essentiels). De toute urgence, pour les plus pauvres, des
millions au sud de l’Italie, dans tous les pays des Balkans et d’Europe
centrale, les Etats et la Banque Centrale européenne doivent prendre des
mesures concrètes pour garantir le droit à la vie de tous les sans droits et
les précaires (sans papier, sans toit, sans emploi…). De même ils doivent
s’engager à coopérer avec l’Afrique et les pays du Sud pour la santé,
l’agriculture et le climat. Ces mesures ne justifieront pas une austérité
future, déjà annoncée par les ministres de l’économie et du budget.
Depuis des années nous subissons une dérive sécuritaire (lois et
jurisprudence) et une répression policière contre les mouvements sociaux,
écologistes et, à bas bruit, avec constance et combien de violences contre les
jeunes des quartiers populaires. Les nécessaires mesures de sécurité sanitaire
qui s’inscrivent dans ce contexte dégradé ne doivent pas renforcer une logique
autoritaire pérennisée, avec des mesures gouvernementales qui menacent
durablement l’état de droit, les libertés et les droits fondamentaux mais aussi
la démocratie. Les mesures face au Covid-19 doivent viser à éliminer ce virus
et aussi à rétablir une culture de la prévention, par les formes de sortie du
confinement. Nous refusons d’être mis devant le fait accompli d’une relance anti-sociale,
anti-écologique et liberticide. Notre but est d’agir, en France et en Europe
pour que s’établissent des conditions de vie libre.
Pour que demain ne soit pas la reprise d’hier et d’avant-hier, que faut-il
changer ?
Les drames et les souffrances de cette épidémie auraient pu, en grande
partie, être évités.
* Combien de ministres, de Présidents, de gouvernements et de majorités
parlementaires ont de lourdes responsabilités dans la dégradation des hôpitaux,
des maisons de retraites, de la recherche, dans la dépendance à
certaines productions étrangères essentielles. Des enquêtes doivent permettre
aux citoyennes et citoyens de les juger démocratiquement et décider de leur
avenir politique.
* Loin de favoriser les recherches, ces dirigeants les ont désorganisées,
privatisées, ont coupé les budgets. Au lieu de faire jouer des complémentarités
mondiales…, ils ont fait la course aux profits en délocalisant et en détruisant
les formations et emplois de qualité pour des biens utiles : c’est la
concurrence, qu’ils appellent « libre et non faussée »,
qui en fait exploite la main d’œuvre et les ressources naturelles plus durement
à l’échelle mondiale en lieu et place des coopérations d’intérêt général.
* Pendant des années et des années, les personnels de santé, les usagers
ont lutté. Ils n’ont pas été écoutés et les gouvernements successifs ont fait
l’inverse ; ils ont imposé gestion libérale, privatisations, partenariats
public-privé, diminution drastique des moyens matériels, des lits, des postes,
des moyens de formation, des équipements en matériels, avec aussi la fermeture
et la désorganisation de lieux de soins de proximité (cliniques, hôpitaux
publics, centres de santé, dispensaires, EHPAD …). Pour ne plus subir cette
situation, il faut instaurer les changements dans les budgets (revalorisation
des salaires et embauches de personnel dans les hôpitaux et aussi les EHPAD,
réouverture de lits d’hospitalisation…) ; et surtout, à la place des
ARS d’autres formes de direction et de fonctionnement dans les hôpitaux et les
services… Les personnels doivent avoir un contrôle et un pouvoir d’intervention
pour une autre politique de santé. Imposons de nouvelles règles pour une
médecine rétribuée non plus au nombre d’actes mais pour l’activité dans des
centres de santé publics.
* Afin de donner des garanties aux usagers, qu’ils disposent d’un lieu
d’expertise et d’information, la création d’un service public démocratique du
médicament et d’une santé environnementale, de la prévention sont
indispensables ; en France, en Europe et dans des règles internationales.
S’impose mondialement l’expropriation des groupes pharmaceutiques.
* La crise sanitaire révèle, aux yeux de tous, la nécessaire priorité aux
reconquêtes et au développement de services publics, à la reconquête de la
Sécurité Sociale et la création massive d'emplois socialement et écologiquement
utiles ; la relocalisation concertée et la reconversion de l'économie,
pour des échanges écologiquement et socialement responsables partout dans le
monde ; le soutien à une agriculture de proximité, paysanne et bio en lien
avec les citoyen·ne·s.
* Le redéploiement des services publics, à rétablir et restaurer, est
inséparable d’un pouvoir de contrôle des salarié·e·s et des usagers. Nous
devons garantir à toutes et à tous un accès égal à des services de
qualité et de proximité pour supprimer les inégalités territoriales. Le
sous-équipement des « quartiers populaires »,
défavorisés, est intolérable depuis trop longtemps. Cette situation est due à
un recul de l’État dans son rôle de régulation et de correction des inégalités
socio-territoriales. Le droit au logement, notamment par le logement social et
la mixité sociale et fonctionnelle des quartiers, doivent s’appuyer sur la
préemption des terrains libérés afin de contrecarrer les appétits privés, la
spéculation immobilière et aussi sur une politique de réquisition des logements
vides. De même s’impose une gestion des transports tournée vers la réponse à
l’impératif écologique et l’égalité sociale. Abandonnés ou ignorés nombre de
territoires ruraux vivent la destruction du lien social.
* Après des décennies d’austérité, une diminution importante du temps et de
l’intensité du travail est urgente, sans perte de salaire, ainsi qu’une relance
de l’embauche selon les besoins. À l’opposé des politiques de destruction des
droits sociaux, il faut un code du travail digne du XXIème siècle, développer
les institutions représentatives du personnel (IRP), renforcer l’inspection du
travail, rétablir et développer les moyens de contrôle des CHSCT, les
prud’hommes… Il faut retirer les contre réformes sur les retraites, la
scandaleuse remise en cause des droits des chômeurs et les « lois
travail ». Les précaires, les ubérisés, les jeunes de 18 à 25 ans,
les « bénéficiaires » des minima sociaux, les
étudiant·e·s, les bas salaires, et beaucoup sont des femmes, doivent avoir un
salaire, un statut et un revenu leur permettant de vivre décemment (60% du
revenu médian), avec l'accès assuré aux biens de première nécessité :
alimentation, eau, énergie, logement, culture, mobilité... Pour tous les
salarié·e·s, ainsi que les chômeurs, retraité·e·s, étudiant·e·s des
revalorisations de salaires, de pensions et d’allocations sont indispensables
pour tous ceux et toutes celles actuellement en-dessous de 5 fois le SMIC. Le
statut de la fonction publique, nécessaire aux usagers comme aux personnels,
doit être défendu et amélioré.
* La réouverture des entreprises utiles devra être imposée, pour assurer la
pérennité des emplois et des savoir-faire et non des dividendes. Y compris sous
forme de SCOP et de SCIC, dès que les travailleuses et travailleurs le
souhaitent : que les fonds publics viennent en aide ! Les collectivités,
l'État doivent être des facilitateurs de ces démarches coopératives. Si des
aides publiques s’avéraient indispensables au maintien des emplois et de
savoirs faire d’utilité sociale; elles devront être conditionnées, contrôlées
et s’adresser en priorité aux TPE-PME. La reconversion de l'industrie
automobile, du nucléaire, des secteurs d'énergie fossile, de l’agrobusiness…
implique des choix humains antiproductivistes qui rompent avec les logiques
mortifères de profit sans contraintes des multinationales et des grandes
banques, afin de s’appuyer sur des pratiques alternatives et de développer une
coopération écologique et sociale à partir des territoires, sur toute la
planète.
Tout cela est possible
L’axe stratégique doit être la satisfaction des besoins fondamentaux de la
population et de la préservation du vivant, non pas des actionnaires. Il est temps
de repenser l’économie comme outil pertinent au service du bien-être et du
vivre ensemble, de la solidarité et de la sobriété.
Par une autre utilisation des richesses de ce pays, de nos voisins
européens et bien au-delà. Les richesses sont là mais doivent être utilisées
autrement. Nous avons besoin d'une nouvelle Europe politique, citoyenne,
écologiste et solidaire : des "forums" de salariés, associations,
syndicalistes, d’élus et de forces politiques… traceront un autre avenir,
d’autres politiques. C’est le moment aussi de reconnaître les
droits des migrants, des "exilé·e·s", des résident·e·s
extra-communautaires, de régulariser tous les sans-papiers ; et les
traiter tout·es dignement. Cela devra sûrement aboutir à un nouveau Traité pour
une nouvelle Europe, une construction institutionnelle en rupture avec
les marchés financiers, les multinationales et les lobbies économiques.
Immédiatement s’imposent, non pas le déversement de milliards d’euros pour
sauver le capital, mais la récupération des évasions fiscales, des impôts
conséquents sur les dividendes, des emprunts forcés, l’annulation des contrats
illégitimes du type "public-privé". L’injection de fonds par la
Banque Centrale européenne, la nationalisation et la socialisation des banques
doivent les mettre au service des biens communs et des productions utiles. Cela
passe par un contrôle démocratique (syndicats, usagers, élus, associations…)
fixant leurs activités et missions de services publics en faveur de
l’emploi et de la transition écologique.
En France par exemple, un contrôle démocratique doit organiser les
activités de la Banque Publique d’investissements et de la Caisse des
dépôts ; des socialisations de secteurs stratégiques sont nécessaires, et
doivent donner lieu à des débats publics, pour organiser la transition
écologique et satisfaire l’accès aux besoins fondamentaux de la population. De
façon emblématique, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) doit être
rétabli et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), même
transformé, doit être supprimé.
La Sécurité Sociale – ses 4 branches - doit se développer comme bien
commun, gérée démocratiquement, remplir pleinement son objectif « chacun
cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins » : vers le
100 % Sécu, prise en charge de la perte d’autonomie incluse dans le cadre de la
branche maladie de la Sécurité sociale, maintien et amélioration de l’ensemble
des retraites…
Les mobilisations citoyennes, associatives, syndicales, féministes,
paysannes, environnementales et climatiques peuvent et doivent ouvrir un
nouveau chemin d'alternative : les lois d’urgence liberticides doivent
être abolies, les institutions doivent changer, les formes de démocratie active
sont à l’ordre du jour. La citoyenneté pleine et entière (citoyenneté de
résidence) doit être reconnue pour toutes et tous.
Nous voulons un autre monde !
Avec le confinement, l’auto-organisation sociale s’est développée à travers
l’entraide, la coopération, la mutualisation des pratiques, la relocalisation
des activités, le recyclage des objets, des épiceries sociales… Les demandes
pour un changement des productions, une démarchandisation, la gratuité des
transports en commun et pour des services publics avec des tarifications
solidaires, des premiers accès gratuits à l’énergie se manifestent avec
force…
Depuis des années s’affirment des approches nouvelles, celles des biens
communs, de la révolution féministe, celles d’une priorité écologique et de
droits sociaux et humains… En France même s’est exprimée la volonté de la
démocratisation radicale de la démocratie. Mettons en mouvement les exigences
de débats et décisions (RIC), portées par les gilets jaunes : des
assemblées populaires pour exprimer les demandes sociales et veiller à la mise
en œuvre des lois.
Il est urgent de relier ces transformations des attentes politiques avec
celles exprimées dans beaucoup de pays.
- Le FMI, la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale du Commerce doivent
répondre des politiques qui ont mené le monde à la catastrophe écologique,
économique et sociale. Toutes ces institutions agissent dans l'intérêt d’un
système de surconsommation et de gaspillage pendant que d'autres crèvent de
misère et de faim. Il faut arrêter le pillage des ressources naturelles dans
l'intérêt des multinationales (déforestation, accaparement des terres,
brevetage du vivant, destruction des cultures vivrières au nom de
l’agro-business).
- Nous voulons l’annulation des dettes illégitimes, publiques et privées,
une étape dans la redéfinition d’un nouveau système économique.
- Les absurdes dépenses militaires de 2000 milliards par an et les
opérations militaires imputables aux Etats, doivent cesser et ces moyens
reconvertis dans des politiques de coopération et de protection des peuples.
Nous voulons la paix, le désarmement.
- Une Assemblée générale extraordinaire des Nations Unies, ne se limitant
pas aux représentants des États, doit être convoquée pour organiser
l’effectivité de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et pour
élaborer une déclaration des droits des peuples, qui donnera une force
politique aux conclusions des COP (climat, biodiversité, pollutions…). Elle
doit donner à l’OMS les moyens de son indépendance par rapport aux États et
pour faire disparaître la pénurie des médicaments en organisant une sécurité de
production, coordonnée par grandes zones géographiques. Elle doit réaffirmer
dans des règles le principe de l’Organisation Internationale du Travail
(OIT) : b. Les conventions de l’OIT doivent être respectées
par tous les États. Les Pactes sur les migrations doivent assurer l’égalité des
droits et la liberté de circuler quel que soit le pays de naissance.
En proposant une alternative au productivisme et au capitalisme nous
portons une responsabilité avec les mobilisations sociales, les soulèvements
populaires de ces dernières années et la génération climat. Face à la démesure
productiviste, nous devons regrouper les forces permettant de développer un
mouvement altermondialiste qui rassemblera les mobilisations et pèsera sur les
divers gouvernements pour la nécessaire rupture écologique, démocratique,
sociale et géopolitique.
Signataires :
Étienne Adam (Calvados),
Françoise Alamartine (EELV, Sète), Josette Alesandri (Inseme á Manca,
Corse), Catherine Anglesio (FSU), Michel Angot (FSU), Paul Ariès
(politologue, Les Zindigné.e.s, Lyon), Janie Arnéguy (Ensemble !, cons.
munic. Nimes), Guy Ayats (Aude), Guillaume Balas (Génération-s), John Barzman,
(Le Havre), Bernard Bassemon (ATTAC), Jimmy
Behague (Génération.s), Esther Benbassa (Sénatrice, EELV),Jacques
Michel Pouzol (ancien député 2012-2017, Génération.s), Jacques Bennetot (syndicaliste
paysan), Jacques Bidet (philosophe), Alain Bihr (UCL), Leyla Binici,
(EELV, Alsace), Michel Bock (Génération-s), Laurence Boffet
(Lyon), Nadège Boisramé (GDS Nantes), Benoît Borrits (economie.org), Martine
Boudet (altermondialiste), Jacques Boutault (maire Paris 2e), Géraldine Boÿer (EELV
PACA), Jean-Claude Branchereau (GDS), Florence Braud (Val d’Oise), Patrick
Brody (syndicaliste), Danielle Carasco (Villeubanne), Damien Carême
(Député européen, Président de l'Association Nationale des Villes et
Territoires Accueillants), Jacques Casamarta (Inseme à Manca Ensemble!,
Corse), Françoise Castex (députée européenne de 2004 à 2014), François
Caussarieu (Ensemble !, Pau-Béarn), Jean-Claude Chailley (Convergence
Serv. P.), Gérard Chaouat (SNCS-FSU), Rosine Charlut (Ensemble !, Aude),
Hocine Chemlal (Finistère), Brigitte Cherprenet-Berger (Notre-Dame de
Bondeville, Seine-Maritime), Annie Chicot (Ensemble !, Le Havre), Florence
Ciaravola (militante féministe, Nice), Marianne Coudroy (Ille-et-Vilaine),
Alain Coulombel (EELV, Savoie), Pierre Cours-Salies (Montreuil,
Seine-Saint-Denis), Armand Creus (Ensemble !, Lyon), Michel David
(Confédération paysanne), Laurence De Cock (Historienne), Anne de Haro
(GDS Ile, de France), Christiane Dedryver (Noisy-le-Grand, Seine-Saint-Denis),
Christian Delarue (Indecosa, Ille-et-Villaine) ), Bruno Della-Sudda
(Ensemble !, Nice),
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