Depuis maintenant trois semaines, les policiers sont dans la rue. Imitant ceux qu’ils réprimaient le printemps dernier, ils passent leurs nuits debout, cagoulés, à vitupérer le gouvernement.
En cela, comme toute profession en souffrance en raison de conditions de travail et de vie inacceptables, leur colère est compréhensible. Les horaires qui leur sont imposés compromettent leur vie de famille, leur santé physique et mentale. Ils sont dans une situation d’épuisement, un burn out permanent, consécutif à des tâches répétitives et souvent stupides comme, par exemple, garder des caméras de surveillance, - leurs collègues de Viry-Châtillon, blessés grièvement par une agression injustifiable et qui doit être condamnée le plus fermement possible, en savent quelque chose. Tout cela est vrai et mérite notre compréhension.
Àl’heure
où les bombes s’abattent sur Alep, notre indignation peut-elle encore
servir à quelque chose ? Nos concitoyens sont à ce point saturés
d’images dramatiques qu’il est devenu impossible de mobiliser les
consciences. Leur réaction n’est certainement pas d’indifférence, mais
d’incompréhension et de désarroi. Pourtant, oui, nous avons le devoir de
parler, d’écrire et peut-être de hurler devant le massacre commis par
l’infernal tandem Assad-Poutine.
Nos protestations n’arrêteront
évidemment pas le bras du crime, mais elles peuvent au moins nous
permettre de régler un vieux compte avec une vision du monde qui devrait
définitivement appartenir au passé. Un compte avec ces restes de pensée
binaire et ces résurgences d’esprit de système qui, parfois encore,
nous aveuglent. Il faudrait être avec Poutine pour être parfaitement
anti-américain. Il faudrait condamner les déclarations de François
Hollande à l’ONU parce que c’est François Hollande. Il faudrait excuser
ce qui se passe en ce moment à Alep au nom de l’histoire longue du
colonialisme et de la longue histoire des crimes occidentaux. Il
faudrait trouver mille raisons pour justifier l’intervention russe, au
mépris de l’évidence.