mardi 2 juin 2020

Tribune des 18 et Plan de sortie de crise : une convergence inédite et prometteuse.

Le 27 mars dernier, parmi les nombreuses contributions sur la crise sanitaire, écologique, économico-sociale dans laquelle le monde est plongé, la "Tribune des 18" intitulée 'Plus jamais ça - Préparons le jour d'après" retenait l'attention. Et pour cause : les organisations signataires de cette tribune ont réalisé une convergence inédite en France entre organisations associatives environnementales, altermondialistes et syndicales. 

Une convergence non seulement inédite mais aussi prometteuse : quelques jours plus tard, les 18 lançaient une pétition commune ; des initiatives départementales relayant cette convergence se sont mises en place dans différents départements ; un dialogue -lui-aussi inédit sous cette forme- s'est engagé entre les 18 et des forces politiques de gauche ; enfin, le 26 mai, les 18 ont rendu public un document programmatique intitulé "34 mesures - Pour un plan de sortie de crise", se situant carrément dans une perspective alternative, à la fois sociale, écologique, démocratique, féministe et altermondialiste.

Se fédérer. Appel


Nous sommes nombreuses, nous sommes nombreux : nous sommes tant et tant à penser et éprouver que ce système a fait son temps. Mais nos voix sont dispersées, nos appels cloisonnés, nos pratiques émiettées. Au point que quelquefois nous doutons de nos forces, nous succombons à la détresse de l’impuissance. Certes, parfois cette diffraction a du bon, loin des centralisations et, évidemment, loin des alignements. Il n’empêche : nous avons besoin de nous fédérer. Sans doute plus que jamais au moment où une crise économique, sociale et politique commence de verser sa violence sans faux-semblant : gigantesque et brutale. 

Si « nous sommes en guerre », c’est bien en guerre sociale. D’ores et déjà les attaques s’abattent, implacables : le chantage à l’emploi, la mise en cause des libertés et des droits, les mensonges et la violence d’État, les intimidations, la répression policière, en particulier dans les quartiers populaires, la surveillance généralisée, la condescendance de classe, les discriminations racistes, les pires indignités faites aux pauvres, aux plus fragiles, aux exilé-es. Pour une partie croissante de la population, les conditions de logement, de santé, d’alimentation, parfois tout simplement de subsistance, sont catastrophiques. Il est plus que temps de retourner le stigmate contre tous les mauvais classements. Ce qui est « extrême », ce sont bien les inégalités vertigineuses, que la crise creuse encore davantage. Ce qui est « extrême », c’est cette violence. Dans ce système, nos vies vaudront toujours moins que leurs profits.

Ensemble, tout est possible, soyons responsables

Nous diffusons ce texte pour contribuer aux réflexions en cours. Il s’inscrit dans l’esprit unitaire de l’Appel « Plus jamais ça », signé par 18 responsables de syndicats, d’ONG, d’associations.
Disons la vérité : le monde entier savait qu’une pandémie interviendrait un jour ou l’autre. Combien d’alertes en cinquante ans ! Mais les chercheur·e·s ont été négligé·e·s, et leurs travaux non financés, alors que s’imposait une intense circulation planétaire, un capitalisme productiviste destructeur sur le plan écologique et social. Les politiques d’austérité ont mis à mal les systèmes publics de santé. Cette crise sanitaire a été engendrée par ce mode de production. Elle a été accélérée et aggravée par les politiques de la classe dirigeante. Et cela vaut partout, tant en Europe que dans le reste du monde.
Aujourd’hui doivent s’imposer les exigences de sécurité de l’ensemble de la population, des personnes qui travaillent (matériel de protection, droit de retrait et salaires garantis, refus de faire travailler des secteurs économiques non essentiels). De toute urgence, pour les plus pauvres, des millions au sud de l’Italie, dans tous les pays des Balkans et d’Europe centrale, les Etats et la Banque Centrale européenne doivent prendre des  mesures concrètes pour garantir le droit à la vie de tous les sans droits et les précaires (sans papier, sans toit, sans emploi…). De même ils doivent s’engager à coopérer avec l’Afrique et les pays du Sud pour la santé, l’agriculture et le climat. Ces mesures ne justifieront pas une austérité future, déjà annoncée par les ministres de l’économie et du budget.

vendredi 20 mars 2020

L’épreuve politique de la pandémie, par Pierre Dardot et Christian Laval

« Ce que nous vivons laisse entrevoir ce qui, avec le changement climatique, attend l’humanité dans quelques décennies si la structure économique et politique du monde ne change pas. » 

La pandémie du Covid-19 est une crise sanitaire, économique et sociale globale d’un niveau exceptionnel. Peu d’événements historiques peuvent lui être comparés, du moins à l’échelle des dernières décennies. Cette tragédie, dès maintenant, est une épreuve pour toute l’humanité. Épreuve au double sens du mot : douleur, risque et danger d’une part ; test, évaluation, jugement de l’autre. 

Ce que la pandémie met à l’épreuve, c’est la capacité des organisations politiques et économiques à faire face à un problème global lié aux interdépendances individuelles, autrement dit qui touche à la vie sociale la plus élémentaire. 

Comme une dystopie qui serait devenue réalité, ce que nous vivons laisse entrevoir ce qui, avec le changement climatique, attend l’humanité dans quelques décennies si la structure économique et politique du monde ne change pas très rapidement et très radicalement. 

lundi 24 février 2020

Vers l’indépendance de la Kanaky, acte 2, par Jean-Pierre Martin

Etat des lieux politique après le premier référendum de novembre 2018 

Le résultat a relancé la perspective d’un vote favorable à l’indépendance au 2ème référendum du 6 septembre 2020. Le chiffre de 43,3% du oui à l’indépendance de 2018 montre que non seulement la mobilisation des jeunes kanak a participé de cette avancée, mais aussi de nombre d’océaniens et d’une minorité de natifs caldoches qui ont voté oui car « se vivent plus calédoniens que français ». Ils représentent les 10% de plus que les annonces de sondages précédant l’élection. La reproduction de ce résultat aux élections provinciales de mai 2019 avec 43,6% a confirmé ce mouvement en faveur de l’indépendance. 

Ce paradoxe de la défaite du non comme victoire et du oui comme défaite a un double effet politique : 

1-La remobilisation des partis « loyalistes », anti-indépendantistes, tente de dépasser ses divisions en se rassemblant aux provinciales de 2019 dans un Front qui va jusqu’au Rassemblement National (1)  : L’Avenir en confiance. Ce front, en rupture avec Calédonie Ensemble qui prônait une nouvelle citoyenneté commune avec la France et a été battu à ces élections, a été rejoint par deux nouveaux partis : Génération-NC, à tonalité écologiste « loyaliste », Eveil Océanien, représentant d’une petite bourgeoisie commerçante et d’artisans issue de Wallis-Futuna et de Tahiti.