Peu d'échos dans les médias pour ce qui est pourtant un événement social majeur : les huit plus grandes organisations syndicales françaises, CGT, CFDT, FO, FSU, UNSA, CGC, CFTC, Solidaires viennent de rendre publique une déclaration commune formalisant leurs propositions pour une égalité professionnelle réelle et exigeant du gouvernement des actes. A lire ci-dessous cette déclaration intégrale.
Le mouvement déclenché par la révélation des violences sexuelles subies par des actrices dans
le cadre de leur travail a permis de rendre visible l’ampleur des violences sexistes.
Nos
organisations syndicales alertent sur la nécessité d’agir globalement sur les questions d’égalité
professionnelle et sur les violences au travail, dans le public comme dans le privé.
Le Président de la République a annoncé faire de l’égalité femmes/hommes une grande cause
nationale. Nous en prenons acte, mais pour cela, il faut des mesures ambitieuses, des moyens
humains et financiers à la hauteur de l’enjeu, des dispositifs contraignants et une évaluation
de toutes les politiques publiques à l’aune de l’égalité.
Si nos organisations sont elles-mêmes engagées de longue date dans ce combat pour l’égalité,
nous soulignons aujourd’hui la nécessité d’intensifier la mobilisation de nos militant.es,
d’amplifier nos actions en faveur de l’égalité professionnelle et de faire progresser la mixité
au sein de nos organisations.
A l’occasion du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, nous
interpellons le gouvernement autour des propositions suivantes :
1. Assurer l’égalité salariale et professionnelle.
Dans le public comme dans le privé, ce sont les 26% d’écart de rémunération (1) - qu’ils soient
liés à la carrière, à la part variable de la rémunération, à la dévalorisation des métiers à
prédominance féminine, ou au temps de travail – qu’il faut neutraliser.
Il faut pour cela :
· Rendre effectives les sanctions pour les employeurs qui discriminent et passer,
comme en Islande, d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Donner
à l’Inspection du travail les moyens humains pour garantir l’application de la loi et
affecter le produit des pénalités à un fond en faveur de l’égalité professionnelle.
· Limiter le recours aux contrats à temps partiels et aux contrats précaires en les
rendant financièrement dissuasifs pour les employeurs et en améliorant la protection
sociale des salarié-es.
· Lutter contre les inégalités de carrière. Renforcer et rendre obligatoire les indicateurs
permettant d’identifier et de supprimer les mécanismes de plafond de verre.
· Assurer la mise en oeuvre de la loi qui prévoit un salaire égal pour un travail de
valeur égale par une juste reconnaissance salariale des qualifications et des
compétences dans les classifications. Revaloriser les métiers à prédominance féminine
(santé, éducation, administratifs, propreté, services à la personne…) dans le privé
comme dans le public.
· Promouvoir la mixité des métiers et des filières scolaires et universitaires. De l’école
à l’entreprise, lutter contre les stéréotypes de genre, notamment par des formations
dédiées.
2. Promouvoir une parentalité partagée :
· Mettre en place un temps de travail et une organisation du travail permettant à toutes
et tous une bonne articulation de leur vie personnelle et professionnelle. Limiter les
horaires atypiques (dimanche, soir et nuit, horaires morcelés…)
· Augmenter l’indemnisation du congé parental et le calculer en pourcentage du salaire
pour permettre une parentalité partagée. Allonger le congé paternité et le rendre
obligatoire. Le congé maternité doit être étendu à toutes les travailleuses quel que
soit leur statut et allongé à 18 semaines comme le préconise l’Organisation
Internationale du Travail (OIT).
· Développer les lieux d’accueil accessibles pour la petite enfance et répondre aux
problèmes liés à la perte d’autonomie en renforçant les services publics avec des
emplois stables.
3. Lutter contre les violences sexistes et sexuelles :
Nous nous félicitons que, suite à notre mobilisation, le Gouvernement français ait fait le choix
de soutenir l’adoption d’une norme de l’OIT contre les violences sexistes et sexuelles et nous
demandons à ce que la France mette en oeuvre les mesures suivantes :
· Faire de la prévention des violences sexistes et sexuelles un sujet obligatoire de
négociation et mettre en oeuvre des sanctions pour tous les employeurs qui ne
disposent pas de plan de prévention et de procédure sécurisée pour les victimes et
témoins.
· Protéger l’emploi et la carrière des victimes, que les violences aient un lien avec le
travail ou non, en mettant en place sur présentation d’un certificat médical le droit à
des aménagements d’horaires, de poste, des congés, une mobilité fonctionnelle ou
géographique… La prise en charge médico-sociale et psychologique des victimes doit
être effectuée sans frais.
· Former l’ensemble des professionnel.les (RH et des manageurs, inspecteurs et
inspectrices du travail, magistrat.es, personnels de santé, d’éducation et de
sécurité…), et les représentant.es du personnel. Mettre en place une sensibilisation
annuelle obligatoire de tou.te.s les salarié.e.s sur leur temps et lieu de travail.
· Dans le public comme dans le privé, maintenir les missions et moyens des IRP en
matière d'Hygiène, de santé et sécurité au travail, et mettre en place des
référent.es formé.es et indépendant.es de l’employeur pour accompagner les
victimes et alerter les employeurs.
· Etendre les prérogatives des Commissions Paritaires Régionales Interprofessionnelles
(CPRI) à la prévention du harcèlement et des violences sexuelles et celles des
conseillers du salarié-e à l'accompagnement des victimes.
· Allonger les délais de prescription des licenciements commis suite à des
discriminations ou à des violences sexuelles au travail.
· Débloquer les moyens humains et financiers pour permettre aux structures d’aide aux
victimes de violences de jouer leur rôle, et notamment à l’AVFT, seule association
d’accompagnement des femmes victimes de violences au travail, contrainte de fermer
son accueil téléphonique faute de moyens.
1 Source : DARES 2016. Si on mesure les femmes par rapport aux hommes, il faudrait même parler de 34%
d’écart. Source Jean et Nicole Gadrey, 2017
Montreuil, le 1er mars 2018
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