Décidément, cette élection présidentielle ne ressemble à aucune autre. L’affaire Fillon n’est que la dernière touche de ce chamboule- tout. Le sentiment de ras-le-bol généralisé devant le si mauvais remake d’un film déjà revu cent fois, percute de plein fouet les « valeurs sûres » du jeu politique ancien.
Le « Fillongate » dépasse de loin tout ce qu’on a connu des Chirac et autres bonimenteurs, dans la mesure où le candidat de la droite a remporté la primaire de son camp sur la vertu, l’intégrité et l’honnêteté, reprochant, en sous texte, à son principal adversaire de ne pas l’être.
Aujourd’hui, malgré une conférence de presse visant à le réhabiliter, François Fillon est devant ses contradictions ; l’homme public soi-disant vertueux ne parvient plus à effacer l’homme d’argent, le gagne-petit, prêt à toutes les combines et à tous les conflits d’intérêt pour épaissir son matelas de châtelain.
Désormais, comment va-t-il pouvoir imposer son programme d’austérité à la Churchill avec « du sang et des larmes », pour les pauvres et une baisse des impôts pour les plus riches, 500 000 fonctionnaires en moins et l’allègement du Code du travail ? Aucune opération de communication, aussi habile soit-elle, ne parviendra à faire oublier ces montages mesquins organisés pour s’enrichir sur le dos du contribuable. Et ces « salauds de pauvres » auxquels il veut s’en prendre devront avoir de la mémoire et dire qu’on ne la leur fait pas.
C’est le même Fillon qui, en 2007, avait déclaré la « France en faillite», tentant d’incarner avec sa figure de triste sire, le remède miracle, la potion magique du redressement du pays, administrée comme des lavements, aux salariés, chômeurs, retraités.
Le candidat de la droite est la caricature de la caste politique dont il était jusqu’alors une des têtes de gondole. Il est victime d’abord de lui-même : ce titulaire incontesté du Master d’Hypocrisie politique a été pris à son propre piège. Il s’est fracassé sur l’autel de la vertu.
Ce qui apparaissait juste normal avec Sarkozy ou Le Pen, est devenu insupportable à l’ensemble des Français mais surtout à son propre électorat qui s’est senti floué, volé, arnaqué. Il avait tant misé sur le personnage que la déception n’en est que plus grande.
Fillon est devenu synonyme de Filou.
Le Cahuzac de la droite est désormais disqualifié politiquement. Ce qui choque dans cette affaire est bien le décalage entre les principes affirmés, les valeurs affichées, les propositions de réformes assumées et la réalité des magouilles de bas étage. Il n’est que la énième confirmation du caractère hors-sol de la politique sous la Vème République.
Il y a toujours eu des scandales depuis que le Parlement existe. Mais auparavant les députés représentaient des intérêts de groupes sociaux ou de territoires : Untel était le porte-parole des bouilleurs de cru, untel celui des ouvriers, tandis que les autres défendaient, qui l’artisan ou le commerçant, qui le paysan de la Beauce ou de Bretagne…
Avec la Vème République, et l’affaiblissement des pouvoirs du Parlement au profit exclusif de l’Exécutif, les députés ne représentent souvent qu’eux-mêmes. Sans moyens, comparativement aux Congressmen américains, ils sont soit des députés godillots, destinés à voter les textes préparés par l’administration, soit une opposition impuissante. A quoi peuvent donc servir des assistants parlementaires dans ce cas ?
Telle est la question que nous devrions nous poser avant même de porter un jugement sur l’enrichissement personnel de la famille Fillon.
Ceux qui émergent dans ce vent de folie expriment tout à la fois le ras-le-bol des électeurs mais aussi le besoin d’un renouvellement.
Les trois meetings du week-end et l’investiture du candidat socialiste démontrent qu’une page se tourne dans la vie politique française et pas seulement en termes de génération.
Les deux partis de gouvernement qui ont vampirisé l’espace politique des quarante dernières années apparaissent comme à bout de souffle.
Le candidat socialiste peut ainsi représenter son camp sans que le premier ministre en exercice et la plupart des ministres soient présents à son investiture. Il peut à la fois soutenir un projet écologiste et social, demander l’abrogation de la loi Travail et soutenir la candidature de Myriam El Khomri ou de Manuel Valls, sans se soucier des contradictions d’un PS en fin de partie.
Un ex-ministre de l’économie d’un gouvernement dit de « gauche » peut ainsi se présenter avec un programme que ne renierait pas « la Revue des deux mondes » ou « le Point » de Franz Olivier Giesbert. Marine Le Pen peut s’afficher sans complexe comme candidate de substitution au grand blessé de de Sablé sur Sarthe et lancer un appel au rassemblement des « patriotes » de droite et de gauche sans choquer personne. Et Jean-Luc Mélenchon se dupliquer en hologramme pour disserter sur la conquête de l’espace !
Certes l’heure est à l’ouverture de nouvelles frontières politiques ; Hamon, Mélenchon et Jadot sont en train de les dessiner, suscitant un formidable espoir chez tous ceux qui ne croyaient plus à la gauche et à l’écologie. Il est urgent qu’ils écrivent ce récit sur le même papier, avec le même crayon, pour ne pas décevoir tous ceux qui les pensent capables de se dépasser. Chiche !
Noël Mamère.
Le 07/02/2017.
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