Je récuse d’emblée toute accusation de germanophobie. Un qualificatif trop vite jeté à la figure de ceux qui n’oublient pas l’Histoire. Il y a une Allemagne que nous aimons, celle de Rosa Luxemburg, de Willy Brandt, d’Oskar Lafontaine, celle de Ludwig van Beethoven, de Bertolt Brecht, de Günther Grass, d’Hans-Magnus Enzensberger, de Jürgen Habermas. Mais il y a aussi une Allemagne de droite qui, aujourd’hui comme hier, porte en elle la conviction de la supériorité de l’Allemagne et du modèle allemand, quel qu’il soit.
Comme je l’ai écrit à de multiples reprises, je désire plus que tout la paix et l’union entre les peuples d’Europe. Le rêve des Etats-Unis d’Europe de Victor Hugo est le mien. Mais je réclame le droit de dénoncer les dérives de ce qui s’appelle erronément la « construction européenne » comme je l’ai fait dans mes livres et articles et lors des dizaines de conférences que j’ai présentées depuis 2004.
La dérive néolibérale – inscrite dans les textes dès la fondation en 1957, mais entamée seulement avec l’Acte unique européen (1986) de Jacques Delors – est la plus dramatique de toutes, car elle appauvrit les peuples et accroît les inégalités et, par voie de conséquence, elle conduit les peuples à désespérer de l’Europe et, chez certains, à basculer dans le nationalisme, voire le fascisme.
La volonté de la droite chrétienne-démocrate allemande d’imposer ses diktats est une autre dérive. Il y a quelques mois, cette Allemagne-là se préparait à imposer un impôt sur les retraites des travailleurs belges contraints par les Nazis au travail obligatoire dans le Reich pendant la Deuxième guerre mondiale. Il y a deux jours, cette Allemagne-là voulait placer un Etat et un peuple souverains sous tutelle. Mais où va-t-on ? Pourquoi cette arrogance ? Ce n’est pas faire l’Europe que de soumettre les peuples qui y vivent à la loi d’un seul. Ce n’est pas faire l’Europe que d’imposer une idéologie et par là-même d’exclure tout choix, ce qui revient à mettre fin à la démocratie. Remplacer le totalitarisme armé des Napoléon, des Hitler ou des Staline par le totalitarisme idéologique des Reagan, des Thatcher ou des Merkel, c’est toujours du totalitarisme.
Une fois de plus en France, il se trouve à droite des gens pour affirmer : plutôt l’Allemagne que la gauche ! Les mêmes, hier, proclamaient « plutôt Hitler que le Front populaire ». L’union des droites d’Europe porte le combat idéologique au niveau européen. Face à la déliquescence sociale-démocrate, où on voit le président de l’Internationale socialiste et toute son organisation cautionner un gouvernement où se trouve l’extrême-droite, où des premiers ministres sociaux-démocrates font payer aux humbles les spéculations des riches, où le candidat du PS français ne propose rien d’autre que de corriger à la marge les aspects les plus douloureux d’un système par nature injuste, un sursaut des peuples européens s’impose. Le temps est venu de dépasser les frontières nationales pour construire, à la base, au niveau des peuples, une solidarité européenne de classe. Face à la guerre idéologique que mènent les droites, le message de Jaurès de solidarité entre les peuples d’Europe, y compris le peuple allemand, est plus que jamais d’actualité.
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