mercredi 29 février 2012

Où va l’Union européenne ? par Raoul-Marc Jennar


Suite à la demande de plusieurs participants, voici le texte de l’exposé que j’ai présenté le 28 février à Macon à l’invitation du Collectif local pour un audit citoyen de la dette publique


a) oui à l’union des peuples d’Europe, non à une entreprise de démantèlement de la démocratie et des politiques de solidarité.


La manière dont les institutions européennes traitent les peuples d’Europe suscite un rejet grandissant de l’idée même d’intégration européenne. Il me paraît dès lors important de préciser le sens de ma démarche. Je suis de ceux qui critiquent fortement les orientations prises, dès 1957, par le processus d’intégration des Etats – et donc des peuples – de l’Europe : négation du primat de la souveraineté populaire, recul des exigences démocratiques, démantèlement des politiques de solidarité et de justice sociale.


Ces critiques, je les partage avec d’autres. Mais ce que je ne partage pas avec certains, je tiens à le souligner d’emblée, c’est l’abandon du projet d’union des peuples d’Europe. Quelle que soit la radicalité des critiques que justifie aujourd’hui la manière dont on nous impose un modèle de construction européenne, je refuse d’en tirer la conclusion qu’il y aurait une incompatibilité entre l’existence de nations et la fédération de ces nations. Il n’y a pas à mes yeux d’incompatibilité entre l’exercice de la souveraineté populaire au niveau national et au niveau européen, comme il n’y en a pas entre le niveau local et le niveau national.



Ce n’est pas parce qu’une manière de construire l’Europe a été dévoyée par le patronat et les tenants du libéralisme économique le plus débridé qu’il faut abandonner le projet européen.


A l’heure d’une mondialisation née à la fois des progrès technologiques, mais aussi de la volonté des gouvernements qui se sont mis au service du monde des affaires et de la finance, il y a une nécessité impérieuse, pour garantir un avenir aux générations qui viennent, à appartenir à un ensemble en capacité, sur la scène internationale, de protéger ses valeurs et ses intérêts. Dans un siècle qui s’affirme de plus en plus comme le siècle de l’Asie, où deux nations sont au moins 15 fois plus peuplées que la plus peuplée des nations européennes, il serait dérisoire de croire que le retour au périmètre étroit des Etats-nations offre une quelconque capacité à défendre les valeurs qui nous sont chères.


J’ajouterai que le nationalisme, c’est-à-dire l’exaltation de l’identité, souvent exacerbée en période de crise, demeure à mes yeux une source dangereuse de conflits. Et l’éclatement de la Yougoslavie nous a fourni une double démonstration. D’abord, qu’on ne fédère pas des peuples sans leur pleine et libre adhésion. Mais aussi que le sentiment national, si légitime puisse-t-il être, demeure un puissant facteur de guerre. Au regard du temps long de l’histoire, ne prenons pas les 67 ans de paix que nous venons de connaître entre Européens pour la garantie d’une paix éternelle.


Cela étant, la nécessité de se constituer en Etats-Unis d’Europe ne peut en aucune façon nous contraindre à accepter la manière et les orientations qui sont données à ce qu’on appelle aujourd’hui l’Union européenne


b) La crise depuis 2008 confirme la pertinence des arguments avancés en 2005 par les partisans du « non » de gauche au TCE


Lors du formidable débat qui s’est tenu tout au long de la campagne référendaire sur le traité constitutionnel européen, les partisans d’un non de gauche ont développé des raisons de s’opposer à ce texte qui se sont révélées dramatiquement pertinentes lorsque la crise a éclaté en 2008.


Nous avons eu raison de souligner que les nouvelles délégations de souveraineté s’ajoutant à d’autres plus anciennes ne s’accompagnaient pas de véritables mécanismes démocratiques de contrôle des organes de décision européens, le Parlement européen étant loin de disposer des moyens d’un véritable parlement dans une véritable démocratie (et, sur ce point, faut-il le dire, je ne prends pas la France comme un modèle, loin s’en faut). Nous avons donc eu raison de dénoncer le déclin démocratique qui accompagnait le renforcement de l’intégration européenne.


Nous avons eu raison de dénoncer l’ultra-libéralisme avec lequel est mis en œuvre le principe de la liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services. Cette manière de concevoir ce que la rhétorique de la Commission européenne appelle les « libertés fondamentales de l’Union », a érigé en principe moteur la mise en concurrence des Européens entre eux, de leur fiscalité, de leurs salaires, de leur législation du travail de telle sorte que les entreprises sont parties à la recherche du pays de l’Union pratiquant le moins disant fiscal, social et écologique. La liberté de circulation des capitaux, telle qu’elle fut appliquée, sans le moindre souci d’encadrement, a offert un boulevard à toutes les pratiques spéculatives. La liberté de circulation des services traduite dans le fameuse directive Bolkestein s’est avérée l’instrument de la mise en concurrence de toutes les activités de services et de la privatisation progressive de la plupart des services publics, un phénomène qui frappe aujourd’hui l’éducation et la santé dont on nous assurait alors qu’on n’y toucherait jamais. Nous avons donc eu raison de dénoncer le déclin social qui accompagne l’intégration européenne.


Nous avons eu raison de dénoncer le statut et les missions de la Banque Centrale Européenne. Nous avons eu raison de considérer comme inacceptable que son statut la soustraie à tout contrôle démocratique et que ses dirigeants n’aient pas de compte à rendre aux élus du peuple. Nous avons eu raison de déplorer que sa seule mission soit de lutter contre l’inflation, sans la moindre responsabilité en ce qui concerne le développement économique de la zone euro. Nous avons eu raison, mille fois, cent mille fois raison de dénoncer l’interdiction faite à la BCE de prêter aux Etats et autres pouvoirs publics à des taux modestes, la BCE ne pouvant le faire, à ces taux, qu’aux banques privées qui, elles, prêtent à des taux infiniment supérieurs aux pouvoirs publics, ce qui est une des causes dont on ne parle pratiquement jamais de la fameuse dette. On nous a répété que le statut et les missions de la BCE, c’était, à l’époque, la volonté du chancelier chrétien-démocrate Helmut Kohl. Nous avons eu raison de dénoncer le prix excessif payé pour la création de l’euro suite à une de ces capitulations face à l’Allemagne dont la France, de gauche comme de droite, semble décidément avoir pris l’habitude.


Nous avons eu raison et la crise nous a donné raison. Mais, par un formidable déni de démocratie, nous n’avons pas été entendus par ceux qui se présentent comme nos représentants. Et qui, manifestement, témoignent à l’égard du peuple le plus total des mépris. Souvenons-nous : en vue des élections présidentielles et législatives de 2007, François Hollande, au nom du PS, avait promis : « pas de nouveau traité européen sans référendum ». Quelques mois plus tard, en février 2008, c’est le vote des élus PS qui rendait possible la ratification du traité de Lisbonne, un texte dont l’essentiel reprenait les dispositions du traité constitutionnel rejeté par le peuple en 2005. Ce sont ces députés élus en 2007 qui vont, en juin prochain, se présenter devant nous.


c) Les réponses des gouvernements de l’UE à la crise relèvent du dogmatisme idéologique le plus obtus parce qu’il y a une crainte que les vrais remèdes à la crise ne remettent en cause les contre-réformes néolibérales imposées depuis 30 ans


Depuis les années 80, au terme d’une formidable bataille des idées remportée par les tenants du chacun pour soi, nous avons connu ce que Serge Halimi a appelé le « grand bon en arrière » et, plus récemment, ce que Jacques Généreux a appelé « la grande régression ».


Au service du patronat et du monde de la finance, les idéologues du libéralisme économique et leurs agents dans la sphère politico-médiatique ont appelé « réforme » la remise en question de tous les progrès accomplis dans la lutte éternelle entre la minorité des puissants et l’immense majorité des plus faibles. Ils ont assimilé la défense de ces progrès à du passéisme, à de l’immobilisme, à une incapacité à s’adapter aux réalités nouvelles.


Ils se sont employés, parfois avec succès, grâce à la force des moyens modernes de diffusion des idées mais aussi grâce aux pièges d’une consommation érigée en valeur suprême, à convaincre le plus grand nombre qu’il ne faut pas opposer les riches et les autres, que nous sommes tous dans le même bateau, que l’objectif ce n’est pas d’être mais d’avoir, que la lutte des classes, c’est dépassé et que, de toute façon, il n’y a pas d’alternative. Comme si nous partagions tous le même pouvoir d’achat et les mêmes conditions de vie, comme si nous avions toutes et tous un égal accès à l’éducation, à la santé, au logement, au travail, comme si l’égalité des chances existait, comme s’il n’y avait plus d’exploiteurs et plus d’exploités. Comme s’il n’y avait plus qu’un seul système possible, qu’une seule politique possible. Ils n’ont pas cessé de nier la réalité millénaire de l’exploitation de l’homme par l’homme (exemple de fragments de poteries trouvés dans un village d’ouvriers proche de la vallée des rois, en Egypte, sur lequel est rédigé un appel à la grève pour obtenir une augmentation de salaire, 5000 ans avant notre ère). Ils ont obtenu une très grande victoire lorsque des gens se disant de gauche ont proclamé à leur tour « la lutte des classes, c’est fini.» Et nous avons connu alors, dans le processus d’intégration européenne, des avancées spectaculaires dans l’organisation de la concurrence de tous contre tous, dans le démantèlement de ce qui faisait la spécificité du modèle européen.


L’Acte unique européen de 1986 préparé par Jacques Delors, le Traité de Maastricht de 1992 préparé par le même, les décisions des sommets de Lisbonne en 2000 et de Barcelone en 2002 soutenues par Jospin, le TCE transformé en Traité de Lisbonne en 2007 avec la complicité du PS sont autant de dispositions contraignantes allant toutes dans le même sens, voulues par les droites européennes et les sociaux-démocrates, même quand ces derniers dirigeaient ou participaient à 13 gouvernements sur quinze.


Ces textes ont rendu possible la remise en question partielle ou totale de ce qui avait été considéré en son temps comme de grandes avancées vers un modèle de société moins inégalitaire et moins injuste : la sécurité sociale dans tous ses éléments, l’existence de services publics échappant aux contraintes de la concurrence dans le domaine de l’énergie, de l’eau, des transports, mais aussi de l’éducation et de la santé, le droit du travail, la progressivité de l’impôt, l’indexation des salaires et des allocations sociales. Je suis de ceux qui gardent en mémoire la déclaration choquante de Jacques Delors se réjouissant d’avoir obtenu en France la suppression de l’indexation des salaires sans une grève.


Face à la plupart de ces textes, chaque fois, les citoyens ont été encore un peu plus dépouillés de leur capacité à choisir comment ils entendent vivre ensemble.


Au gré de ces traités et de ces sommets, en dépit de toute une rhétorique qui tend à nous faire croire le contraire, il est devenu manifeste que l’idéal démocratique et la justice sociale sont absents du processus d’intégration qui porte le nom d’Union européenne.


d) Deux derniers exemples en date : MES et TCSG


Deux traités dont l’un est en cours de ratification et dont l’autre va être signé à la fin de cette semaine confirment cette évolution.


Le premier adopté à l’Assemblée nationale le 21 février dans les conditions que chacun connaît, concerne une nouvelle institution qu’il n’est pas caricatural d’appeler un FMI européen. Cette institution s’appelle Mécanisme européen de stabilité.


Le texte définitif du traité instituant le MES a été adopté par les représentants des Etats membres de la zone euro le 2 février 2012. Ce MES est destiné à prendre, à partir de juin 2013, la suite des instruments créés en 2010 pour faire face à la crise de la dette.


Le MES, dont le siège est fixé à Luxembourg, est doté du statut d’une institution financière internationale bénéficiant des immunités dont jouissent les institutions internationales. Il n’a donc aucun compte à rendre ni au Parlement européen, ni aux parlements nationaux, ni aux citoyens des Etats membres et ne peut en aucun cas faire l’objet de poursuites. Par contre, doté de la personnalité juridique, le MES pourra ester en justice. Locaux et archives du MES sont inviolables. Il est exempté de toute obligation imposée par la législation d’un Etat Membre. Le MES, ses biens, fonds et avoirs jouissent de l’immunité de toute forme de procédure judiciaire.


En cas de litige entre le MES et un Etat Membre, c’est la Cour de Justice de l’UE qui est compétente.


Les membres du MES sont les Etats de la zone euro. L’institution est dirigée par un collège composé des ministres des finances des Etats membres appelés pour la circonstance « gouverneurs ». Ces gouverneurs désignent un conseil d’administration. Un Directeur général est nommé. Le Conseil des gouverneurs est compétent pour toutes les décisions relatives à l’intervention du MES. Le Conseil d’administration est compétent pour la gestion de l’institution. Le secret professionnel est imposé à toute personne travaillant ou ayant travaillé pour le MES. Toutes les personnes exerçant une activité au sein du MES bénéficient de l’inviolabilité de leurs papiers et documents officiels et ne peuvent faire l’objet de poursuites en raison des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.


Le but du MES est de « mobiliser des ressources financières et de fournir, sous une stricte conditionnalité, » un soutien à la stabilité d’un de ses Etats membres qui connaît des graves difficultés financières susceptibles de menacer la stabilité financière de la zone euro. A cette fin, il est autorisé à lever des fonds. Son capital est fixé à 700 Milliards d’euros.


La légalité du processus d’adoption du traité créant le MES est plus que questionnable.


Pour éviter d’appliquer la procédure normale prévue par le traité instituant l’Union européenne lorsqu’on veut procéder à sa modification, les gouvernements ont fait appel à ce qu’on appelle la procédure simplifiée. Or, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise, en son article 48, § 6, alinéa 3 qu’une décision prise sous le régime de la procédure simplifiée « ne peut pas accroître les compétences attribuées à l’Union dans les traités. »


Or, on vient de le voir, il n’est pas contestable que le MES diminue les pouvoirs des Etats membres et augmente les compétences attribuées à l’Union, en particulier les pouvoirs de la Commission européenne.


Les défenseurs du MES considèrent qu’ils n’y a pas accroissement des compétences de l’Union puisque, formellement, le MES ne serait pas une institution de l’Union. C’est jouer avec les mots, et manipuler dangereusement les textes, car le traité créant le MES indique clairement que le MES implique la participation directe de la Commission européenne, et, en cas de litige, celle de la Cour de Justice de l’UE, deux institutions de l’Union. En outre, le Commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires siègera dans l’instance dirigeante du MES en qualité d’observateur. C’est la Commission européenne qui sera mandatée pour imposer à l’Etat concerné les conditions d’une intervention du MES.


Et pourtant, les gouvernements signataires du traité créant le MES ont choisi la procédure simplifiée et proposé, via cette procédure, d’inscrire la création du MES à l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union.


C’est donc en toute illégalité que l’on procède à une extension des compétences de l’Union européenne. Il ne semble pas que ce coup de force ait ému la majorité des parlementaires français qui ont été les premiers à devoir le ratifier.


Il est important de souligner que ce MES va renforcer l’emprise des marchés financiers sur les Etats et la zone euro puisqu’il va être lui aussi soumis aux agences de notation chaque fois qu’il empruntera sur les marchés financiers. Les banques, qui peuvent emprunter à 1% auprès de la Banque Centrale européenne, prêteront au MES à un taux nettement supérieur et le MES prêtera aux Etats à un taux encore supérieur et ces fonds serviront à payer la charge de la dette qui entrera dans les coffres des banques. Ce MES, c’est un véritable mécanisme d’enrichissement des banques privées au détriment des Etats, c’est-à-dire des peuples.


C’est à un tel système que des parlementaires dits de gauche ont refusé de s’opposer à l’Assemblée nationale. C’est ce texte que le Sénat, dont on nous dit qu’il est majoritairement de gauche, a adopté aujourd’hui. La France est ainsi la première à avoir, dans la précipitation et sans débat véritable, ratifié ce traité.


Le MES est étroitement lié au traité qui sera signé jeudi ou vendredi : à partir du 1 mars 2013, pour avoir accès aux aides du MES un Etat devra avoir accepté toutes les dispositions sur l’austérité budgétaire contenues dans ce que certains appellent le pacte Merkel-Sarkozy, d’autres le Pacte budgétaire et qui porte en fait le nom de Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire (TSCG) Il a été adopté par 25 des 27 Chefs d’Etat et de Gouvernement le 30 janvier 2012. Ils le signeront fin de semaine.


Ce traité comporte 8 dispositions essentielles :


1.Les budgets des gouvernements doivent être équilibrés ou excédentaires. Des déficits sont temporairement autorisés en raison du cycle économique, de circonstances économiques exceptionnelles ou dans les périodes de grave récession. Cette règle sera considérée comme respectée si le déficit structurel ne dépasse pas 0,5%. Le déficit structurel, c’est le déficit budgétaire calculé hors des variations de la conjoncture. Sa mesure ne fait pas l’unanimité, loin de là. C’est la Commission européenne qui calculera le déficit structurel des Etats. A titre d’exemple, selon la Cour des Comptes, en 2010, le déficit structurel de la France était de 5% du PIB, soit 96,55 milliards d’euros. Le ramener à 0,5% supposerait de procéder à 87 milliards d’économies.
2.Les Etats doivent introduire cette règle dans leur Constitution et mettre en place un mécanisme automatique de correction qui ne sera pas soumis à la délibération parlementaire. En France, ce sera donc le Conseil constitutionnel qui veillera à la conformité des budgets avec cette disposition constitutionnelle.
3.Lorsque la dette publique dépasse 60% du PIB, les Etats doivent réduire ce dépassement en trois ans au rythme d’1/20e par an. Dans le cas de la France, dont la dette atteint 87% du PIB, cela signifie qu’elle devrait réduire la différence entre 87% et 60% d’un vingtième par an, soit 1,35% du PIB, ce qui représente, en dehors de toute croissance, 26 milliards.
4.Lorsqu’un Etat connaît des déficits en dépassement des règles instituées (3% du PIB de déficit, 60% du PIB de dette), il doit soumettre un programme de réformes structurelles contraignantes à la Commission et au Conseil. On sait ce que doit contenir un tel programme : réforme du marché du travail, réforme des retraites, réductions salariales, réductions des budgets sociaux, de santé et d’éducation, privatisations.
5.Les Etats doivent soumettre à la Commission européenne et au Conseil leurs projets nationaux d’émission de la dette.
6.Lorsque la Commission affirme qu’un Etat est en infraction, les sanctions proposées sont automatiques et les autres Etats doivent les soutenir sauf si une majorité qualifiée est atteinte pour s’y opposer.
7.Tout Etat qui estime qu’un autre Etat ne s’est pas conformé aux règles de ce traité peut porter plainte devant la Cour de Justice de l’Union européenne. La Commission désignera le ou les Etats qui doivent être trainés par les autres Etats devant cette Cour. Souvenons-nous que cette Cour européenne de Justice privilégie systématiquement les choix néolibéraux et qu’elle a rendu des jugements qui soumettent le droit de grève au respect de la libre circulation des services ou des capitaux. Cette même Cour a validé le brevetage du vivant, y compris du vivant humain.
8.Ce traité entrera en vigueur lorsque neuf des 17 Etats signataires l’auront ratifié.
Je rappelle que seuls les Etats qui auront ratifié ce traité pourront faire appel au Mécanisme européen de stabilité. Les deux textes sont étroitement liés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle 16 des 17 gouvernements signataires procéderont à la ratification du MES et du TSCG en même temps. La France de l’actuel occupant de l’Elysée a voulu procéder à la ratification du seul MES avant les échéances électorales de mai et juin.


Ce traité est inacceptable. C’est une aberration économique. C’est une agression de plus contre la démocratie et les politiques sociales.


Qu’est ce que cela signifie imposer l’équilibre budgétaire ? Cela peut relever du bon sens de ne pas dépenser plus que ce dont on dispose. Les partisans de cette rigueur budgétaire invoquent souvent le budget familial. Mais, chacun dans nos vies, pourrions nous acheter une maison, une voiture, un frigidaire, une machine à laver et payer la totalité en un seul versement ? Pour l’immense majorité des gens, c’est au paiement échelonné auquel on a recours, c’est à dire à l’emprunt. Parce qu’il nous est impossible de financer un tel achat avec le salaire du mois. Soit on économise avant d’acheter – quand il n’y a pas urgence – soit on emprunte.


Il en va de même des pouvoirs publics qui décident de construire une école, un hôpital, une route, un pont, un réseau de trams, que sais-je ? Exiger d’investir au moyen des seules recettes courantes, c’est décider de l’impossibilité d’investir pour l’avenir. C’est mettre fin à la possibilité pour les pouvoirs publics d’investir dans des services et des équipements. C’est bien cela le véritable objectif : obliger les pouvoir publics à s’en remettre au secteur privé, même si on sait que celui-ci n’investit que dans des secteurs rentables, même si on sait que cela signifie que l’accès à certains services, à certaines infrastructures dépendra dès lors du pouvoir d’achat de tout un chacun. Derrière cette exigence d’équilibre budgétaire, c’est un choix idéologique de société qui se profile : celui d’une société du chacun pour soi.


En outre, imposer l’équilibre budgétaire comme remède à la crise financière actuelle, c’est commettre une totale erreur de diagnostic puisque l’origine de cette crise, ce n’est pas en premier lieu l’endettement des Etats, ce sont les spéculations aberrantes auxquelles se sont livrées les banques privées et les fonds de pension, suite aux dérégulations qu’elles avaient obtenues des gouvernements depuis le milieu des années 80 .


Enfin, imposer une politique d’austérité massive et permanente, c’est à la fois provoquer une immense détresse sociale en augmentant la pauvreté et les inégalités et c’est aussi accroître les difficultés économiques puisque se priver de l’outil budgétaire, c’est assécher la capacité de consommation des ménages dans le même temps où se raréfie l’investissement dans l’économie réelle. C’est oublier que la plupart des pays de l’Union européenne tirent leur richesse de l’exportation vers les autres pays de l’Union et que, dès lors, si la demande diminue dans un pays, la capacité d’exporter des autres pays va diminuer elle aussi. Une telle politique conduit, comme on le voit déjà, à la récession. La récession entraîne une diminution des recettes fiscales qui rend plus difficile encore la réduction des déficits. On le voit, l’austérité ne met pas fin aux déficits, elle les accroît. L’Office français des conjonctures économiques vient de calculer que si on applique en même temps à tous les pays de l’Union cette politique d’austérité – ce que prévoit le traité Merkel-Sarkozy – le choc récessif sera extrêmement violent avec une récession de 3% en France et de 1,4 % en Allemagne.


Alors, me demanderez-vous, pourquoi les gouvernements soutiennent-ils une telle politique ? Le dogmatisme idéologique est la principale réponse. Comme elle le fut lors de la grande crise des années trente. Profiter de la crise pour achever le projet néo-libéral en se saisissant de l’occasion pour éliminer ce qui reste des acquis démocratiques et sociaux qu’on n’avait pas encore éradiqué, tel est la priorité des néolibéraux. C’est ce que Naomi Klein, qui a fournit une analyse pertinente de cette explication dans son livre « La stratégie du choc », appelle « l’effet d’aubaine ». En outre, sortir de ce dogmatisme, pour les tenants du néolibéralisme, qu’ils soient de droite comme de gauche, c’est être obligé de désavouer toutes les contre-réformes qu’ils nous ont imposées depuis trente ans. Ce serait avouer qu’ils se sont trompés et qu’ils nous ont trompés. Alors, ils persévèrent.


On s’en rend compte, pour procéder à de tels choix, il est absolument indispensable d’écarter les peuples des processus de décision, au besoin en violant les procédures démocratiques comme on l’a vu. Ainsi, on adopte, à la sauvette, au nom de le procédure d’urgence, des textes qui ont été au préalable rédigés dans l’opacité la plus totale et sur lesquels les médias ont gardé un silence absolu. Ainsi on refuse de consulter le peuple sur des dispositions qui vident la souveraineté populaire au profit d’institutions qui échappent à tout contrôle démocratique comme la Commission européenne ou la Cour de Justice de l’Union européenne. De telles pratiques, dont nous sommes les témoins depuis tant d’années confirment une chose : le néolibéralisme est incompatible avec la démocratie. Mais de cela, on en a eu la démonstration depuis longtemps déjà, avec le Chili de Pinochet, comme avec l’adaptation des régimes communistes (Chine, Vietnam) à l’économie de marché. Le capitalisme privilégie la stabilité qu’offrent les régimes qui ne s’embarrassent pas des procédures démocratiques.


Ceux qui tiennent le discours de la rigueur et de l’austérité, dans l’actuelle majorité comme dans l’opposition, invoquent le courage nécessaire pour prendre des mesures qui font mal. Mais quelle est cette définition du courage qui consiste à aider le plus fort ? Quelle est cette conception du courage qui signifie s’opposer à son propre peuple ?


e) Refonder l’union des peuples d’Europe en mettant en place une Europe démocratique, sociale et écologique.


Ce qui est à l’œuvre, c’est la réalisation la plus dogmatique qui soit d’un projet idéologique qui est la négation absolue des valeurs qui, depuis le Siècle des Lumières, font la spécificité de cet espace géographique et humain qu’on appelle l’Europe. La philosophie des Lumières demande des citoyens libres et un système politique fondé sur la souveraineté du peuple.


Il y a trois cent ans naissait Jean-Jacques Rousseau qui allait donner en 1758 au peuple de France mais aussi aux peuples du monde un essai remarquable intitulé « le contrat social ». Quatre ans plus tard, Montesquieu publiait « L’esprit des lois ».


Ces deux ouvrages, avec quelques autres, posent les principes d’une démocratie qui s’est retrouvée dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et dans la Constitution de 1793. Certains de ces principes furent mis en œuvre sous la IIIe République et ont duré jusqu’à ce que commence l’intégration européenne. Depuis, ils n’ont pas cessé d’être battus en brèche, foulés aux pieds, vidés de leur contenu. Parce que, qu’on ne s’y trompe pas, c’est le rejet du Siècle des Lumières comme des valeurs à l’origine du programme du Conseil National de la Résistance qui est à la base de la révolution néo-libérale si bien servie depuis trente ans par les libéraux de droite et de gauche.


Nous ne sommes plus en démocratie. Parce que la démocratie, ce n’est pas seulement le libre choix de représentants et la liberté d’expression. La démocratie, c’est le pluralisme, c’est-à-dire la possibilité de choisir entre les porteurs de normes différentes. Ce n’est pas l’alternance entre les porteurs d’une même norme. (André Bellon). La démocratie disparaît lorsqu’il ne reste plus qu’une seule option : un choix entre libéraux, qu’ils se réclament de la droite ou de la gauche.


Il faut stopper cette machine infernale. Comment ? C’était ma conviction et mon espoir après 2005, cela le demeure aujourd’hui : en mettant au pouvoir en France une majorité qui sera élue sur l’engagement de remettre en question les traités existants et qui exigera l’ouverture d’une négociation pour refonder l’union des peuples d’Europe sur des bases nouvelles, faute de quoi la France s’abstiendra de participer aux activités des institutions de l’Union européenne.


En 1965, face à un diktat des partenaires européens, la France a pratiqué la politique de la chaise vide. Le compromis de Luxembourg de 1966 lui a donné raison. Rien n’empêche de procéder de la sorte aujourd’hui. La France est une grande puissance européenne. Elle a porté le projet européen dès sa naissance. Elle peut s’absenter d’une construction européenne dévoyée afin d’obliger l’indispensable remise à plat.


Plus que jamais, et je dirai même davantage encore qu’en 2005 à cause de la crise et des réponses apportées par l’Union européenne, l’attente chez les peuples d’un changement de cap se manifeste chaque jour un peu plus. Une France qui oserait rompre le consensus néolibéral et réclamerait une autre Europe, démocratique, sociale et écologique ne serait pas seule bien longtemps.


Une dernière chose avant de terminer. Relisons ensemble l’article 21 de la déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée le 10 décembre 1948 : « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ». Cette volonté, s’agissant de l’Union européenne, elle s’est exprimée le 29 mai 2005. Elle fut bafouée en 2007 et en 2008.


Vu que c’est au niveau de l’Union européenne que l’essentiel se décide, n’est-ce pas cela le véritable enjeu des prochaines échéances électorales ?

1 commentaire:

  1. Une seule solution:
    Signer la pétition :-D
    http://www.referendum-europe.org/

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