Des avions de chasse décollent tous feux allumés dans la nuit africaine, des colonnes de blindés s’élancent sur les pistes en latérite, de vaillants soldats débarquent leur paquetage et leurs armes, un officier galvanise sa troupe. Telles sont les images que toutes les chaînes françaises de télévision nous présentent en boucle depuis une semaine.
A la vue du déploiement de cette panoplie guerrière, les sondages favorables s’envolent, le peuple frémit et se rassemble derrière son chef. L’onction militaire le métamorphose. Voici le Président de la République devenu chef de guerre.
Et les médias de claironner à l’unisson : François Hollande a acquis une nouvelle stature ; il a atteint une dimension régalienne ; il a enfin, a-t-on même entendu sur France Info, gagné sa légitimité de chef d’Etat.
Comme si la légitimité du Président de la République ne provenait pas du suffrage universel, mais de sa capacité à décider d’engager les forces armées dans de véritables combats.
Comme si l’acte guerrier faisait l’homme d’Etat !
Depuis le début de l’opération militaire française au Mali, ce discours domine chez bon nombre de journalistes et d’observateurs.
Et bien des signes indiquent que l’opinion publique confère au chef de l’Etat une fermeté virile qu’il lui niait jusqu’alors.
Quelle est donc cette France qui aurait besoin d’un chef de guerre pour conférer des qualités d’homme d’Etat ? Quel est donc ce peuple qui aurait besoin de gestes guerriers pour reconnaître son chef ?
Ne se rend-on pas compte que nos directeurs de consciences médiatiques, avec un tel discours, nous invitent à retrouver les plus grégaires, les plus primitifs des réflexes ? N’aurions-nous pas progressé ? L’acte guerrier demeure-t-il le véritable signe distinctif du chef ? Comme chaque fois que la civilisation a reculé.
Gouverner, c’est choisir, affirmait tranquillement Pierre Mendès-France. Et c’est la capacité de faire des choix et de s’y tenir qui fait l’homme d’Etat. Pas des qualités guerrières érigées en vertus.
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