Une
refondation de l'éducation pour le 21e siècle doit prendre en compte les
critères suivants :
1. les enfants
issus aujourd'hui ou demain des systèmes éducatifs devront affronter les défis tout
au long du siècle : l'éducation doit les préparer pour les 80 prochaines années
;
2. ces défis de
taille – écologique, social et économique, alimentaire, énergétique et la crise
démocratique – concernent lourdement les pays du Sud, mais aussi les populations
pauvres du Nord et des pays émergents ; ce qui rend urgente une éducation de
tous à la solidarité, à la créativité et à l'autonomie ;
3. l'éducation à
la citoyenneté ne peut plus se contenter désormais des cours traditionnels
d'éducation civique : la citoyenneté doit se construire dans un vécu quotidien
et une pratique permanente à l'école, au collège, au lycée et à l'université ;
c'est la condition d'une éducation à l'esprit critique dont on mesure
aujourd'hui le manque partout.
Refondée
à partir de ces impératifs, l'éducation se doit de redéfinir ses finalités, ses
contenus, ses structures, ses méthodes et ses moyens.
Les
finalités nouvelles aboliront la compétition et tout esprit de sélection
pour éduquer au travail d'équipe et à la solidarité, à l'émulation collective
dans les apprentissages et en fin de parcours à la coopération internationale
solidaire. L'éducation n'a pas pour finalité d'être asservie aux marchés, à la
finance et au productivisme dominants, mais doit oeuvrer à l'enrichissement culturel
et linguistique et au bien-être général.
Les
contenus devront privilégier la préservation de l'environnement, les
productions utiles aux humains, l'enrichissement culturel et scientifique,
l'initiation aux arts et techniques dans un esprit de polyvalence maximale et
non de spécialisation visant à satisfaire le marché de l'emploi ; cette
réorientation radicale des priorités met d'emblée à l'ordre du jour de l'école
une réflexion critique sur la notion d'un progrès qui à ce jour a été conçu
sans critères et sans limites. Cette réflexion peut sous diverses formes
commencer très tôt à l'école.
Les
structures – et c'est sûrement le plus difficile à concevoir aujourd'hui
tant les esprits se sont englués dans des routines anciennes – doivent
s'adapter aux profils d'élèves, aux intelligences multiples et à la diversité
des types d'apprenants ; ce qui, si l'on veut éviter une spécialisation précoce
ou excessive, doit combiner un tronc commun de connaissances pour tous avec la
possibilité de lier ce tronc commun à un axe thématique privilégié
correspondant aux motivations de chaque élève et aux spécificités locales ou
régionales (sports, musique, arts de la scène, ferme/nature/environnement, arts
plastiques, techniques du son et de l'image, etc …).
La possibilité pour un
élève de changer d'axe thématique sera garantie par le respect du tronc commun
et par un lien constant entre les disciplines et les activités de l'axe
thématique. Ceux-ci doivent non seulement tenir compte des motivations des
élèves, mais aussi mettre en oeuvre des modes d'appropriation du savoir divers
(apprendre par la recherche, le tâtonnement, la manipulation et la
construction, en combinant la pratique et la conceptualisation). Les axes
thématiques sont conçus non pas en concurrence avec les apprentissages du tronc
commun, mais au contraire pour dynamiser et contextualiser leurs contenus. La
polyvalence éducative en sera profondément renforcée.
L'ensemble
finalités/contenus/structures ainsi repensé ne peut pas se concevoir sans
une remise en question des pédagogies à dominante magistrale, peu formatrices.
C'est toujours la forme qui forme, les contenus ne font qu'informer.
Quant
à l'évaluation des élèves, elle est actuellement démotivante et
contre-productive : elle ne mesure ni le progrès, ni l'assimilation des savoirs,
mais se contente d'évaluer la conformité à une norme, la même pour tous.
L'évaluation sera repensée en vue d'une mesure des progrès de chaque élève et
selon des modalités susceptibles de conduire l'élève jusqu'à une assimilation
satisfaisante. Les élèves seront associés à la définition des critères et des
barèmes d'évaluation. Il en sera de même pour l'évaluation des enseignants,
aujourd'hui infantilisante : ils seront associés à la définition des critères et
des barèmes de leur propre évaluation. On ne peut rien bâtir sur des critères
flous ou non partagés.
La
mise en oeuvre de l'ensemble implique le recours aux méthodes actives
(recherche, production, échanges, diffusion), aux travaux de groupe, aux
technologies issues de la numérisation (son, image, Internet, nouvelle
téléphonie). Ce qui entraîne une nouvelle conception des locaux scolaires, des
horaires et des moyens disponibles.
Une
refondation de l'école ne peut en aucun cas être octroyée d'en-haut : la
hiérarchie éducative peut encourager et animer des débats et des
expérimentations, mais elle ne peut se substituer aux enseignants seuls
responsables au quotidien de la refondation et de sa mise en oeuvre. La
refondation de l'éducation sera un processus d'auto-formation des enseignants
ou ne sera pas.
L'éducation
est l'investissement le plus fondamental parce que la planète est grosse de
multiples crises, parce que c'est un investissement sur l'humain et parce que
c'est un investissement pour 80 ou 100 ans !
PS) Cette contribution de notre camarade Gilbert Dalgalian était initialement prévue pour le prochain FSM de Tunis où, malheureusement, il ne pourra se rendre.
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