samedi 22 novembre 2014

Mélenchon, la gauche, le peuple et la révolution, par Gilles Alfonsi


Dans son livre "L’ère du peuple", Jean-Luc Mélenchon propose ses réflexions sur les évolutions du monde et sa stratégie de révolution citoyenne. Avec de grands mérites, mais aussi de sérieuses impasses. Il n’est pas courant qu’un responsable politique propose des réflexions quasi-philosophiques et les mobilise pour formuler une proposition stratégique. La plupart des livres écrits par les dirigeants de partis sont des documents de marketing, et lorsque certains s’aventurent dans des réflexions de fond, c’est le plus souvent de manière séparée de leurs propositions politiques, qu’ils formulent par ailleurs. Dans son nouveau livre, Jean-Luc Mélenchon s’expose au contraire, avec la volonté de porter, bien au-delà des éléments d’un programme au sens habituel d’un catalogue de propositions, des éléments de projet : une vision. 

Le point de départ du livre est la conscience, maintenant assez répandue, que le monde est engagé dans une course à l’abîme, face à laquelle, selon l’auteur, il ne s’agit pas simplement de revenir aux doctrines du socialisme de grand-papa. Nous verrons plus loin si Jean-Luc Mélenchon réalise effectivement le dépassement qui lui parait nécessaire ou s’il reste encore au milieu du gué. 


Quoi qu’il en soit, il entend nous proposer sa « théorie de la révolution citoyenne », et ce parti-pris a de la force dans la mesure où il se situe en opposition avec la conception dominante de la politique : une politique menée par des professionnels, qui dépossède le plus grand nombre des choix de société. Mélenchon résume sa tentative en parlant d’une jonction entre matérialisme historique, républicanisme, universalisme - les trois engagements de toute sa vie militante - et écologie politique. 

Parmi les mots nouveaux de cette stratégie : le peuple, défini comme « les nuées humaines urbanisées » et l’« intérêt général humain ». 

Un mot sur le passé 

À propos de la politique de François Hollande depuis son élection, qu’il ne cesse tout au long du livre de mettre en cause, on s’étonne de la surprise de l’auteur : « Je croyais qu’il resterait quelque chose de bon et que ce serait toujours ça de pris. C’était une erreur. » Curieux aveu, dans la mesure où en votant François Hollande pour sortir Nicolas Sarkozy, le Parti de gauche n’avait pas un tel espoir, et le disait. 

Et, un peu plus loin, curieux hommage à Lionel Jospin, dont l’auteur a certes été l’un des ministres : « en pleine hégémonie libérale, les trente-cinq heures sans perte de salaire et l’alliance avec les écologistes et les communistes du gouvernement Jospin étaient uniques au monde. La fin de cette exception est l’oeuvre de François Hollande. » 

L’auteur aurait-il oublié que Lionel Jospin a chuté du fait de sa démission face au néolibéralisme : « L’État ne peut pas tout », mais par contre son gouvernement a réalisé de nombreuses privatisations que la droite n’avait pas osées précédemment… Bref, la rechute actuelle du PS, certes accentuée et probablement définitive, n’a pour nous rien de surprenant. 

Reste que Jean-Luc Mélenchon est réaliste quant il prévoit que le jeu du PS va être une nouvelle fois de faire monter le Front national afin d’aller vers un duo PS-FN au second tour de l’élection présidentielle en 2017 : « un bon réseau de malins comprennent l’importance de dédiaboliser Mme Le Pen pour lui permettre de vampiriser la droite classique »… Or, comme il l’écrit, le risque est bien d’obtenir un duo droite-FN, avec un champ politique tiré toujours plus à droite. 

Républicano-écologiste, écolo-républicain 

Le cœur du livre aborde des réflexions de fond sur le monde et la société actuels. « La loi du nombre », d’abord. L’auteur évoque les impacts de l’augmentation de la population de la planète et ses conséquences sur l’écosystème. Poussant le bouchon en ce sens, il parle même de « mécanique ». 

« La mer au cœur des enjeux planétaires », ensuite. Jean-Luc Mélenchon évoque longuement, par exemple, les enjeux autour de la hausse du niveau de la mer, liée au réchauffement climatique. C’est l’occasion de faire vibrer la corde nationale : comment ne pas être « consterné » que la France, qui dispose du deuxième territoire maritime du monde, soit indifférente à cet atout géopolitique ? 

De la présence française sur les cinq continents, Mélenchon tire l’idée que la France n’est pas une « petite nation occidentale », mais doit être « une puissance à vocation universaliste ». On sent cependant comme une hésitation, ou une ligne de crête : il ne faudrait pas oublier, comme le redoute le chroniqueur de Politis, Sébastien Fontenelle, que « nos fortunes de mer sont bâties sur des asservissements »… à moins que l’auteur cherche à ébaucher un tout autre discours, rompant avec la géopolitique impérialiste à la française, mais alors il faudrait en dire beaucoup plus. 

Jean-Luc Mélenchon a tout à fait intégré le paradigme écologique, il suffit pour ceux qui en douteraient de lire L’ère du peuple. 

Face à des constats accablants, il porte le drapeau de la « règle verte », c'est-à-dire l’objectif de suppression de la dette écologique : « Dans toutes les productions et toutes les activités, on ne prélèvera pas davantage que la nature ne peut reconstituer. » 

Ces éléments sont appelés à figurer dans un discours républicain amendé car il faut « faire rentrer la République dans l’âge écologique ». Ainsi, il faut « parfaire » la « vocation émancipatrice de l’école », « étendre les droits de l’homme et du citoyen à de nouveaux domaines écologiques » et institutionnaliser le rôle de lanceur d’alerte jusqu’à désigner des délégués environnementaux ayant pouvoir de suspendre les projets écologiquement insoutenables. 

Sur ces différents points, tout se passe comme si l’auteur souhaitait amender ses fondamentaux par la prise en compte des enjeux écologiques, mais cela sans revisiter chacun d’entre eux. 

La vocation émancipatrice de l’école : où en sommes-nous aujourd’hui de cette "vocation" ? Et n’avons-nous pas sous les yeux une école de la République qui reproduit les inégalités, voire les vitrifie ? 

Les droits de l’homme et du citoyen : l’écart entre les textes fondateurs et la réalité n’est-il pas abyssal et ne voit-on pas à quel point ces textes sont utilisés comme des masques derrière lesquels ne cessent de s’aggraver les inégalités ? 

Le rôle de lanceur d’alerte, conçu comme un équivalent, dans la cité, des délégués du personnel dans les entreprises : pourquoi pas, bien sûr, mais ne voit-on pas à quel point la démocratie sociale est en panne et ses formes de représentation syndicale en crise ? Bref, il manque ici la difficile révision des fondamentaux mélenchoniens, au même titre que tous les concepts du XXesiècle, à partir d’une analyse du système social présent, des distorsions du système républicain… à l’aune non seulement du paradigme écologique mais aussi des enjeux contemporains d’émancipation. 

L’auteur porte plutôt le fer sur la mondialisation, et contre l’oligarchie. Il évoque, et passe trop vite selon nous, sur les contradictions entre capitalisme et démocratie. Il refuse le choc des civilisations, et réfute la croyance banale selon laquelle, malgré tout, les États-Unis demeurerait un pays progressiste. 

Position forte : « Nous sommes en opposition frontale avec les USA sur des points essentiels. C’est-à-dire sur des valeurs universelles que nous prétendons défendre. Par exemple, nous sommes opposés à la torture officielle comme elle a lieu à Guantanamo. Nous sommes contre l’existence de prisons secrètes (…). Nous ne sommes pas d’accord avec leur système dans lequel 1 % de leur population adulte, huit fois le taux français, six fois le taux chinois, 2,3 millions de personnes, se trouve en prison du fait d’une délinquance dont la discrimination ethnique et sociale est visible à l’œil nu. Nous avons aboli la peine de mort qu’ils appliquent. » 

L’auteur dénonce que le Président de la République ait « anéanti » la dissuasion nucléaire, sans débat parlementaire. Cependant, le lecteur ne saura pas où en est l’auteur sur la puissance nucléaire française : est-il pour une dénucléarisation civile et militaire, et selon quelles modalités ? 

Quel rôle pour le pays vis-à-vis de la planète à ce propos, dès lors que l’on envisage que la France soit une « puissance à vocation universaliste » ? D’ailleurs, se revendiquer d’un « monde ordonné » plutôt que d’un « monde multipolaire », qui serait (nécessairement ?) « dangereux », est-ce suffisant pour offrir une alternative à la domination de l’impérialisme américain, russe et chinois ? 

Un autre axe de réflexion et d’implication stratégique concerne le temps. Mélenchon constate et illustre l’accélération du temps et lui oppose « la reconquête du droit au temps long » comme « premier acte d’une gestion écologique de la société » (mais s’agit-il seulement d’un enjeu écologique ?). Manque ici peut-être une mise en opposition entre les éléments inquiétants auxquels il fait une large part et des évolutions anthropologiques à l’œuvre - en matière de mœurs, par exemple -, ainsi que des potentialités d’émancipation qui sont peu valorisées : cultures qui se rencontrent et se fécondent, nouvelles articulations entre les désirs des individus et les aspirations collectives à l’égalité et à la fraternité, croissance du temps libéré du travail salarié, etc. 

Prenons un exemple. L’auteur écrit : « Pendant des millénaires et jusqu’à une date très récente, la tradition constituait un socle d’attitudes et de comportements soigneusement reproduit et incorporé. Elle concentrait en effet les savoirs hérités du passé. Imiter le passé protégeait de l’inconnu. À présent, c’est un renversement de perspective complet. Le passé est toujours dépassé. » Eh bien, à ce propos, il faudrait d’abord ne pas enjoliver le passé, car, tout de même, la transmission du capital culturel a toujours signifié aussi la reproduction des inégalités, la transmission simultanée du meilleur et du pire. 

D’autre part, la richesse des connaissances aujourd’hui auto-appropriées, notamment grâce à la maîtrise des technologies informatiques, ne peut-elle chahuter l’ordre des inégalités et donner de la liberté ? 

Enfin, une erreur serait de considérer qu’à présent il n’y a plus de passé, comme si le développement humain ne consistait pas, aujourd’hui comme hier, à ce que les individus s’approprient les connaissances et capacités de faire accumulées tout au long de l’histoire de l’humanité. C’est là un point d’appui solide pour une stratégie d’émancipation, et c’est aussi un point critique, dans la mesure où certains en ont tiré une logique de progrès mécanique de l’histoire. 

Des mécaniques, ou des processus contradictoires ? 

Cette question des mécaniques à l’œuvre dans les évolutions de la société taraude l’auteur. Il salue ainsi le phénomène mondial d’urbanisation : « Ainsi s’abolissent sur toute la planète en même temps des différences de conditions de vie qui étaient fondamentales. » Et il y voit encore une mécanique : « À mesure que le nombre s’étend et que la mécanique sociale devient complexe, chaque élément de la communauté humaine se trouve davantage interdépendant des autres en dehors du groupe humain dans lequel il évolue. » Ne faudrait-il pas une analyse plus contradictoire des réalités à l’œuvre, ce qui n’est certes pas facile dans un livre court ? 

Par exemple, ne peut-on voir que le propre de l’homme, à savoir d’être façonné par ses relations sociales, est une réalité anthropologique très stable sur la très longue durée, et non un changement en cours. D’autre part, l’autre face de la densité actuelle des réseaux sociaux de chaque individu n’est-elle pas la très grande solitude de beaucoup ? 

Mais revenons au propos de l’auteur… Le peuple peut-il se résumer désormais à la "multitude urbaine » ? Cela mérite discussion, et là encore une approche des paradoxes à l’œuvre. 

Dans L’ère du peuple, le peuple est à la fois homogène - « Le peuple du président est infiniment plus nombreux et socialement homogène que celui de l’Aventin » - et divers - l’expression « front du peuple (…) veut rendre compte de la diversité des composantes du peuple réel et de la nécessité de son unité d’action ». Oui, le mouvement vers les villes et la constitution de grandes concentrations urbaines sont des faits contemporains majeurs. C’est là que se concentre la majeure partie des enjeux économiques, écologiques et sociaux. 

Mais cela constitue-t-il en soi un peuple ? La réponse est plutôt non, dans la mesure où chaque mégapole est confrontée à des inégalités abyssales. En fait, le développement des villes va à la fois avec la constitution de classes moyennes plus nombreuses et plus fortes, et avec la croissance des inégalités. 

Enfin, les écarts entre le monde urbain et le monde rural ne doivent-ils pas nous soucier ? Le philosophe Alain Badiou le pense et nous invite1 à « réduire et finalement (à) abolir les "grandes différences" » : non seulement « entre le travail intellectuel et le travail manuel, entre les tâches de direction et les tâches d’exécution », « mais aussi entre les ressources de la vie humaine (éducation, santé, culture, loisirs…) dans les grandes villes et celles qui existent dans les provinces et les campagnes ». Comment s’en soucier effectivement si l’on considère que le peuple, conçu comme l’acteur politique décisif de la révolution citoyenne, ne réunit que les urbains ? 

Au total, quand l’auteur écrit « L’histoire nous l’apprend : à toute condition sociale finit par correspondre une conscience collective. Que cette conscience soit claire ou confuse n’empêche rien. Ça se fait tout seul », nous répondons qu’il n’existe pas de mécanique, mais des possibilités, que l’action politique peut viser et réussir ou non à concrétiser. 

Jean-Luc Mélenchon valorise et magnifie le « peuple en assemblée générale permanente sur les places publiques ». 

De fait, l’actualité des dernières années montre à la fois l’importance de ces moments extraordinaires, moment où la normalité institutionnelle est suspendue, lorsque les contraintes précédemment considérées comme inébranlables sont mises de côté. Mais comme le dit le nouvel ouvrage du Comité invisible 2, il faut bien constater que « la révolution semble partout s’étrangler au stade de l’émeute ». 

De fait, sauf exception, les mouvements se révèlent incapables d’instituer, voire d’institutionnaliser une situation plus égalitaire. Enfin, si on partage l’idée que le vote n’est pas nécessairement le nec plus ultra de la démocratie et celle qu’une transformation radicale de l’ordre des choses passe nécessairement par des moments périlleux (l’adversaire ne se laisse pas faire !), le problème devient : comment ne pas s’en remettre à on ne sait quelle avant-garde et à une dictature du prolétariat ou du peuple (auto-proclamé comme tel) ? 

Ceci dit, l’auteur nous parle d’un enjeu majeur, qui concerne à la fois l’acteur et le lieu de la Révolution : « l’histoire récente a montré comment les révolutions de notre temps naissent sous forme de mouvements urbains. Ce n’est donc pas dans l’entreprise ni autour des revendications corporatives des salariés qu’éclatent les processus populaires révolutionnaires de notre époque. » Ainsi, « Ce peuple partage la condition sociale urbaine en plus de sa dépendance plus ou moins directe, plus ou moins évidente, aux rapports de production capitaliste ». D’abord, que les processus révolutionnaires ne naissent pas (principalement, entièrement) dans l’entreprise et autour des revendications corporatives des salariés, cela n’est pas nouveau. C’est au contraire une réalité ancienne et qui aurait dû, de longue date, avoir des conséquences substantielles sur les stratégies politiques des partis dit de transformation : le super-syndicalisme ne produit pas de révolution. 

Ensuite, la condition sociale urbaine n’est pas un tout homogène mais bien au contraire un ensemble hétérogène où il faut tenter de voir qui peut, et comment, produire de la transformation. 

Reste que le propos de Mélenchon devrait parler à ceux des membres du PCF qui s’échinent, peine perdue, à faire de l’implantation en entreprises le cœur de la stratégie de leur parti. Ceci dit, il reste à envisager de nouvelles formes de déploiement de l’action politique, qui ne délaissent évidemment pas les questions du salariat et de l’organisation de la production. 

L' "intérêt général humain" : un Graal incertain 

Employée avec insistance par Jean-Luc Mélenchon, la formule même de l’ "intérêt général humain" pose le même ordre de problème que celui précédemment évoqué sur l’école émancipatrice : il peut s’agir d’un masque, et cela d’autant plus qu’il s’agit d’un simple ajout du mot humain derrière l’expression galvaudée de "l’intérêt général", appropriée notamment par les adversaires de l’émancipation. 

Cependant, Mélenchon évoque alors trois enjeux clefs : la propriété, la hiérarchie des normes et l’ordre institutionnel. 

La propriété ? « Pour les uns il s’agit d’un droit fondamental de l’être humain. Pour nous il s’agit seulement d’une forme du droit d’usage. Notamment celui des biens communs. » Et de se questionner sur l’accaparement de ces biens par certains. L’approche est pour le moins prudente, et en définitive assez silencieuse. Faut-il ou non faire reculer la propriété privée, ou faut-il seulement la considérer autrement ? Alain Badiou met, lui, à l’ordre du jour l’abolition de la propriété privé, en ce sens : « Il est possible de soustraire l’organisation générale de la production à la dictature des intérêts privés. Il est possible que le bien public remplace l’intérêt privé, autrement nommé ‘profit’, dans l’étendue entière de l’activité productive et de ses supports (transports, moyens commerciaux, moyens d’échange…). » 

La hiérarchie des normes ? Selon l’auteur, « au sommet de celle-ci trône aujourd’hui la concurrence libre et non faussée, qui surplombe du coup tous les compartiments ». Curieuse formulation : précisément, l’enjeu principal est-il dans les textes constitutionnels, dans le Droit, où bien des exigences fondamentalement émancipatrices sont déjà en tête ? Disons que le problème principal nous semble être ailleurs que dans l’efficacité des textes. 

Enfin, l’ordre institutionnel ? L’auteur défend l’idée qu’il faut explorer de nouvelles directions, et cite le « référendum révocatoire », qui serait la concrétisation du droit d’insurrection contre les autorités en place. L’insurrection par référendum, cela nous questionne… sans parler du fait que « les insurrections sont venues, pas la révolution » (Comité invisible). 

Le dernier chapitre est consacré à l’écosocialisme. Si l’on comprend bien, la dissociation entre la critique du capitalisme et la critique du productivisme vise à se rappeler que le socialisme des anciens pays de l’Est a lui même été productiviste. Mais que produit cette dissociation aujourd’hui, alors qu’il n’existe qu’un système planétaire de domination, et que celui-ci combine entièrement le capitalisme et le productivisme ? Le risque est qu’indépendamment même de la volonté de ceux qui dissocient les deux, on nourrisse l’idée qu’il serait possible d’être capitaliste mais antiproductiviste, ou d’être antiproductiviste sans être anticapitaliste. 

Des questions incontournables 

Enfin, des questions stratégiques incontournables aujourd’hui ne sont pas traitées. D’abord : où en est et que devient l’État, dans la stratégie de révolution citoyenne ? Quel est son rôle aujourd’hui : n’est-il pas l’allié de toutes les réformes scélérates et cela ne révèle-t-il rien de sa nature ? Si le peuple prend le pouvoir, l’État sera-t-il maintenu, transformé, dépassé, renversé ? Et si le dépérissement de l’État en tant qu’appareil coercitif séparé doit être envisagé, comment faire pour que cela ne signifie pas la fin des politiques et des services publics, dont le Front de gauche, parmi d’autres, est un ardent défenseur ? 

Ensuite, restent les vastes questions qui concernent la crise de la représentation politique, celles qui concernent les formes de l’action citoyenne, la conception de l’action politique, le contenu des novations dans les formes de l’action, les rapports entre mouvement social et politique. 

Au total, la volonté de Jean-Luc Mélenchon de réaliser une synthèse idéologique demeure relativement prisonnière du schéma républicano-centré dont il est culturellement issu, même s'il faut saluer (une nouvelle fois) sa prise en compte indéniable de la question écologique. Sans qu'il s'agisse de lui demander de devenir ce qu'il n'est pas, et dans l'idée que le projet politique à construire doit-être une stratégie d'émancipation, est-il permis de constater que son livre manque de communisme ? 

Gilles Alfonsi, 21 novembre 2014. Publié sur le site de Cerises. 

1. Entretien "L’usage tranchant du mot même de communisme est indispensable", in L’Humanité des 14, 15 et 16 novembre 2014. 

2. À nos amis, Comité invisible, La fabrique éditions, 2014.

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