"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
lundi 10 novembre 2014
Lettre ouverte aux parlementaires de Loire-Atlantique relative aux Projets de loi sur l’asile et sur le droit des étrangers en France, par le Collectif nantais « Uni-e-s Contre une Immigration Jetable »
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Les associations et organisations signataires qui agissent en solidarité avec les personnes immigrées ont décidé de vous interpeller afin d’attirer votre attention sur les projets de réforme du droit d’asile et des conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
En effet, à la lecture de ces projets de loi, présentés le 23 juillet 2014 à l’Assemblée nationale par le Ministre de l’Intérieur, nous ne pouvons que déplorer les écarts entre nos espoirs de 2012 après 10 années de droite au pouvoir et ces propositions gouvernementales.
1) Le projet de loi relatif à la réforme de l’asile (n°2182, présenté le 23 juillet 2014)
Même si certaines avancées sont à relever grâce aux contraintes européennes (transposition de directives), l’architecture du projet prolonge une politique d’asile trop soumise aux impératifs d’une politique d’immigration restrictive.
En témoigne le préambule du projet qui précise que « le dispositif français est aujourd’hui inefficace et inégalitaire et il crée une incitation au détournement de la procédure d’asile à des fins migratoires ». Non seulement les demandeurs d’asile continueront de pâtir d’un soupçon généralisé de fraude mais, en plus, le projet propose des mesures visant à faciliter et accélérer la procédure d’expulsion des personnes déboutées de l’asile.
D’une part, en ce qui concerne la procédure d’examen des demandes d’asile par l’OFPRA, les procédures prioritaires – qui prendront le nom de « procédures accélérées » – seront étendues à de nouvelles situations tandis que l’OFPRA pourra clore plus facilement le dossier des demandeurs qui « manquent à leur devoir de coopération ».
Le projet s’annonce même liberticide pour les demandeurs d’asile qui sont passés par un autre Etat européen puisque « l’autorité administrative peut, aux fins de mise en œuvre de la procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile, assigner à résidence le demandeur ».
D’autre part, en ce qui concerne la procédure de recours auprès de la CNDA, cette dernière devra statuer sous cinq mois maximum afin d’accélérer les procédures et elle aura la possibilité de statuer en seulement un mois, et avec un seul juge, dans le cas des demandes ayant fait l'objet d'une procédure accélérée ou d'une décision d’irrecevabilité, ce qui ressemble à une sorte de double peine pour les demandes jugées pas fiables par l'OFPRA.
Mais nous sommes particulièrement inquiets en ce qui concerne l’instauration d’un schéma national des places d'hébergement pour les demandeurs d'asile, sous l'égide du ministère de l'Intérieur, et décliné en schémas régionaux sous l'autorité des préfets.
En effet, le préambule du projet annonce la mise en place, sous l’égide de l’OFII, d’« un dispositif d’hébergement contraignant permettant d’affecter le demandeur d’asile dans une autre région que celle où il se présente. Il s’agit ainsi d’assurer une meilleure acceptation locale des demandeurs d’asile et de mettre fin à certains effets de filières et de concentration communautaire. La contrepartie est qu’en cas de refus de l’hébergement proposé, le demandeur perd droit aux conditions d’accueil. »
Enfin, les demandeurs d’asile pourront voir leur demande d’asile suspendue et être exclus du dispositif d'accueil s'ils ont quitté leur lieu d'hébergement sans autorisation administrative.
En effet, le projet précise qu’une demande d’asile peut faire l’objet d’un arrêt d’examen de la part de l’OFPRA si le demandeur d’asile « a fui ou quitté sans autorisation le lieu où il était hébergé […] ou astreint à résider, ou n’a pas respecté ses obligations de présentation et de communication aux autorités ». Ce nouveau type de contrôle va de pair avec l’obligation, pour « les personnes morales chargées de la gestion des lieux d’hébergement […] d’alerter l’autorité administrative compétente en cas d’absence injustifiée et prolongée des personnes qui y ont été orientées pour la durée de la procédure ».
Cette mesure remettra en cause la relation de confiance que les demandeurs d’asile sont en droit d’attendre de ces lieux d’accueil. Bref, en matière d’hébergement, le projet va davantage dans le sens d’une espèce d’assignation à résidence généralisée des demandeurs d’asile que dans le sens d’une extension ou d’un maintien des droits des demandeurs.
2) Le projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n°2183, présenté le 23 juillet 2014)
Ce projet de loi est lui aussi marqué par une véritable continuité en matière de politique migratoire. Il prolonge et institutionnalise la logique du contrat d’accueil et d’intégration réservé à certaines catégories d’étrangers, celle de « l’immigration choisie » et celle d’une politique d’expulsion massive. D’abord, la préparation de « l’intégration républicaine » des étrangers admis au séjour est maintenue et précisée à travers un « contrat personnalisé ». Nous continuons de dénoncer cette pseudo « intégration » qui n’est qu’un prétexte pour imposer à l’étranger une certaine idée de la France. Et pourquoi ne serait-elle réservée qu’à certains étrangers (les originaires des « pays développés » en sont exemptés) ? La logique du contrat personnalisé est au cœur de la logique du soupçon qui continue de structurer le rapport de la France à une certaine immigration.
Ensuite, le projet de loi ne rétablit pas l’accès automatique à la carte de 10 ans qui a été supprimé par la droite pour bien des catégories d’étrangers.
Une « carte de séjour pluriannuelle » (de 4 ans maximum) est créée. Si cette création peut apparaître comme un progrès par rapport à la carte de séjour temporaire d’1 an, elle va continuer à précariser la population étrangère. D’une part, cette carte ne constitue pas une carte de séjour stable puisque le projet de loi annonce des contrôles et des convocations des étrangers au cours des quatre années de la carte de séjour pluriannuelle. Ces contrôles et convocations assureront une précarisation permanente pour les titulaires de la carte pluriannuelle puisqu’elle pourra être retirée à tout moment.
D’autre part, « l’immigration choisie » est bien au cœur de la création de cette carte pluriannuelle. En effet, le projet énumère les catégories d’étrangers qui pourront obtenir directement une carte de séjour pluriannuelle mention « passeport talent » et en faire bénéficier toute leur famille. Il s’agit – comme d’habitude – des hauts diplômés, des chercheurs, des universitaires, des investisseurs, des artistes, des gens de renommée internationale… Comme le dit le projet : « Dans un monde de forte concurrence économique, l’intérêt de l’économie française est de profiter de l’expérience et de la qualification professionnelle de ces étrangers talentueux » !
La logique de « l’immigration choisie » oriente le traitement annoncé des « travailleurs ». En effet, les travailleurs saisonniers pourront bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle mention « travailleur saisonnier » mais cette carte n’aura une durée que de trois ans, l’étranger devra s’engager à ne pas résider en France quand il ne travaillera pas et il ne devra pas travailler plus de 6 mois par an. Deux poids, deux mesures, selon la position de classe donc…
Enfin, tout ce qui concerne la gestion de l’immigration dite irrégulière est effrayant. Les obligations à quitter le territoire français (OQTF) seront systématiquement assorties d’une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans « lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger ou lorsque l’étranger n’a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti ».
Le bannissement du territoire, instauré sous la droite et tant critiqué lors de son instauration, est renforcé. Comme si cela ne suffisait pas, le projet annonce la mise en place d’une « interdiction de circulation » en France de 3 ans maximum (dont l’abrogation ne pourrait être demandée qu’après un an de résidence hors du territoire) et cette interdiction pourra même concerner des ressortissants européens (comment ne pas voir ici une disposition spéciale pour les Roms…).
De même, les conditions de mise en œuvre des mesures d’éloignement sont durcies avec des pouvoirs élargis pour la police en cas d’assignation à résidence et de présentation aux autorités consulaires en vue de préparer l’expulsion.
L’inquiétude du milieu associatif concernant la mise en place de centres semi-fermés pour les étrangers en situation dite irrégulière ne pourra qu’être renforcée par ce projet lorsqu’il précise que « l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable ».
Et, continuité oblige, la prison reste la règle en matière de politique migratoire puisque, dit le projet, « tout étranger qui se sera soustrait ou qui aura tenté de se soustraire à l’exécution d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français ou qui, expulsé ou ayant fait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire, d’une interdiction de retour sur le territoire français ou d’une interdiction de circulation sur le territoire français, aura pénétré de nouveau sans autorisation en France sera puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement. ».
Quant aux étrangers présents dans les DOM, ils continueront de « bénéficier » d’un régime d’exception puisque « le projet de loi assure par ailleurs un dispositif contentieux adapté mais conforme au principe d’effectivité des recours en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, où la pression migratoire justifie qu’il y soit dérogé à la règle du recours suspensif de plein droit sur l’OQTF ».
Comment, pour terminer, ne pas être particulièrement choqué par la reprise en main administrative du contrôle médical en matière de séjour ? En effet, le contrôle de la situation médicale d’un étranger malade qui demande l’accès au séjour pour soins ne dépendra plus du médecin de l’ARS mais d’un « collège de médecins du service médical de l’OFII », donc d’un collège sous la tutelle directe du Ministère de l’Intérieur. L’indépendance du diagnostic médical n’est plus garantie. Nous demandons instamment le retour de ce collège sous la tutelle du Ministère de la Santé. Ces projets ne font aucun retour en arrière sur les politiques xénophobes des 30 dernières années, et révoltent l’ensemble du milieu associatif qui se bat aux côtés des personnes immigrées.
Les associations signataires vous demandent de ne pas voter ces nouveaux textes anti-immigration, et tiennent à vous réaffirmer leur détermination pour faire aboutir nos revendications :
- LIBRE CIRCULATION ET LIBRE INSTALLATION
- ÉGALITÉ FRANÇAIS – ÉTRANGERS
- RÉGULARISATION DE TOUTES LES PERSONNES SANS-PAPIERS
- ARRÊT DES EXPULSIONS
- LIBÉRATION DE TOUTES LES PERSONNES SANS-PAPIERS
- FERMETURE DES CENTRES DE RETENTION
Collectif nantais UCIJ : AC !, ALFA Femmes algériennes, Association France Palestine Solidarité (AFPS), CGT 44, Cimade, Collectif Enfants Etrangers Citoyens Solidaires-RESF 44, CSF, DAL 44, Ensemble !44, Europe Ecologie – Les Verts (EELV), FSU, Gasprom-Asti, LDH, Le Parti de Gauche 44, MRAP, NPA, PCF, RUSF 44, SAF, Solidaires, Tous solidaires-Châteaubriant.
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