Nous voulons par la
présente vous informer de la réussite scolaire d'un certain nombre
de Mineurs Isolés Etrangers (MIE) et vous alerter sur les problèmes
que rencontrent beaucoup d'autres MIE à propos de leur scolarisation
à Nantes et dans la périphérie nantaise. Depuis l'été 2012, les
militants d'associations défendant les droits des étrangers
constatent l'arrivée croissante de ces jeunes à Nantes. Outre la
non reconnaissance de leur minorité et leur non prise en charge par
l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) dépendant du Conseil
départemental, se pose le problème de leur intégration à la
société française par l'école.
Vous informer tout
d'abord. Malgré les obstacles qui se sont dressés devant eux et les
militants, un certain nombre de ces jeunes ont cependant été
scolarisés depuis la rentrée scolaire 2013, grâce à l'accueil de
chefs d'établissements, d'équipes éducatives et pédagogiques, et
de responsables de structures d'orientation (CIO, CASNAV) qui par
déontologie n'ont fait que mettre en application les principes
énoncés dans le Code de l'Education, rappelés périodiquement dans
les Bulletins Officiels de l'Education Nationale.
Trois ans plus tard, nous avons réalisé un bilan de cette
scolarisation et nous tenons à vous en faire part :
Pour
les MIE scolarisé depuis 2012 :
- Mohamed DIAWANDO, CAP Electricité en 2014, BT au CFA Martello à Nantes en 2016.
- Andrey Kress DIMI, Bac Pro à Nantes en 2015, puis BTS d'imagerie médicale à Angers.
Pour
les MIE scolarisés depuis 2013 :
- Lauric NSEKA MATADIDI : BEP en Techniques de Chaudronnerie Industrielle en 2014.
- François-Ali DIKIMA- BILUMBU : BEP en électro-technique en 2015 et Bac Pro en 2016.
- Yaya DIALLO : CAP « Plomberie » en 2015 et BEP ISEC (Installations de Systèmes Energétiques et Climatiques) en 2016.
- Ibrahima Sory BANGOURA, Lycée agricole J. Rieffel à St-Herblain : BAC série S en 2016.
- Nephetali KIMBANGI :CAP Electricité en 2016
- Rody NSONGA MASONGA : CAP Restauration en 2016.
- Téophil SAKER DJIKEU : CAP « Plomberie » en 2015, LP La Chauvinière à Nantes : BEP « Frigoriste » en 2016.
- José KAMAYE, Lycée N. Mandela à Nantes : Bac pro « Techniques de Gestion et Administration » en 2016.
- Lirio Antomilson MANUEL : CAP Restauration en 2016.
- Alassane DIA : BEP en 2015 et Bac Pro en 2016 en Techniques de Management.
Pour
les MIE scolarisés depuis 2014 :
- Djouldé BARRY : CAP horticulture en 2016.
- Nanou NEEMA FURAHA Bac Pro Commerce en 2016.
- Aboubacar FOFANA : BEP Electricité en 2016.
- Mohamed ZAMPOU : BEP Environnement en 2016, 2016-2017
- Oumar KEITA : CAP Agent de Propreté et Hygiène (APH) en 2016.
- Abdoulaye BAMBA : CAP APH en 2016.
- Oumar KONATE : CAP APH en 2016.
- Gladys MATONDO : CAP APH en 2016.
- Helvine LELO : CAP ATMFC (Agent Technique en Milieu Familial et Collectif) en 2016.
- Clément-Osée NSUNDI : CAP maintenance en bâtiment en 2016.
- André BEMBO N'ZUZI : CAP maintenance en bâtiment en 2016.
- Patrick MATATA : BEP Propreté Hygiène Stérilisation en 2016.
A
noter que vous avez en personne félicité cet élève
publiquement, en lui remettant le prix de l'éducation de l'Académie
de Nantes, lors de la cérémonie du 8 juillet 2016 au rectorat de
nantes (voir photo et article
de presse ci-joint). Ce prix récompense un élève au comportement
exemplaire.
Quelques
remarques au sujet de ces diplômés:
- Un tiers du total ces jeunes n'ont pas été pris en charge par l'ASE, quelques autres en ont été sortis, soit parce qu'il avaient 18 ans, soit parce que le Conseil départemental avait contesté les décisions du Juge des Enfants les considérant comme mineurs. Et pourtant, sans le statut de mineur, ils ont été scolarisés à l'époque.
- Pour 2014, deux tiers de ces élèves n'ont pas été acceptés dans les lycées publics par l'Inspection académique et la PSAD. Devant ce refus, nous nous sommes alors tournés vers les établissements privés pour les accueillir.
- Qu'ils aient été pris en charge ou non par l'ASE, ils ont, dans leur immense majorité, manifesté beaucoup de sérieux et de constance dans leurs études, les résultats ci-dessus en attestent. Et ce, malgré des conditions souvent précaires, qu'ils soient à l'ASE ou non.
Vous
alerter ensuite : aucun MIE non pris en charge par l'ASE n'a été
scolarisé à la rentrée 2015. Et au vu des démarches entreprises
par les associations, nous craignons fortement de voir une telle
situation se reproduire à la rentrée 2016.
Au
cours de différents entretiens avec des responsables de
l'Information et de l'Orientation de l'Inspection académique de
Loire-Atlantique, on nous a plusieurs fois objecté que n'étant pas
reconnu mineurs par l'ASE et le Conseil Départemental et n'ayant pas
de représentant légal, ces jeunes ne peuvent être intégrés dans
des établissements scolaires.
On
nous a même fait remarquer que suite à la non reconnaissance de
leur minorité, un certain nombre d'entre ayant reçu une Obligation
de Quitter le Territoire Français (OQTF) n'ont de ce fait, pas
vocation à rester en France. Etant censés retourner dans leurs
pays, ils n'auraient pour autant pas le droit d'être scolarisés en
France ? Or les faits sont têtus, et pour qui s'occupe un tant
soit peu des droits des étrangers en France, il est bien connu que
malgré une OQTF, l'immense majorité des migrants restent en France.
Au
cours de la dernière année scolaire, il a même été décidé de
ne réserver les tests d'orientation du CIO qu'aux jeunes ayant un
représentant légal.
Cette
non scolarisation est en contradiction manifeste avec les principes
du Code de l'Education et des Bulletins Officiels de l'Education
Nationale qui les rappellent périodiquement :
- La circulaire n° 2002-063 du 20-03-2002 précise que « … la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la France, garantit à l'enfant le droit à l'éducation en dehors de toute distinction qui tienne à sa nationalité ou à sa situation personnelle. »
- La même ciruclaire stipule qu' « en l'absence de toute compétence conférée par le législateur, il n'appartient pas au ministère de l'éducation nationale de contrôler la régularité de la situation des élèves étrangers et de leurs parents au regard des règles régissant leur entrée et leur séjour en France... »
- Dans le même texte, il est précisé que « l'inscription, dans un établissemnt scolaire, d'un élève de nationalité étrangère, quel que soit son âge, ne peut être subordonnée à la présentation d'un titre de séjour. » ou encore que « les dispositions législatives relatives à l'obligation scolaire imposent à toute personne exerçant une simple autorité de fait sur un enfant la charge d'assurer son instruction (article L. 331-4 du code de l'éducation). Dans ce cas, la preuve que l'enfant est régulièrement confié à cette personne peut être effectuée par tout moyen (lettre des parents, notoriété publique...). L'inscription dans un établissement scolaire ne peut donc être subordonnée à la présentation par la personne qui inscrit l'enfant d'un acte de délégation de l'autorité parentale.
- Toujours dans ce même texte : « Pour les mineurs étrangers de seize à dix-huit ans, même s'ils ne sont pas soumis à l'obligation scolaire, il y a lieu de veiller à ce que leur scolarisatin puisse être assurée, en prenant en compte naturellement leur degré de maîtrise de la langue française et leur niveau scolaire. »
- La circulaire n° 2012-141 du 2-10-2012 réaffirme les principes édictés par la circulaire précédente et stipule que « La scolarisation des élèves allophones relève du droit commun et de l'obligation scolaire. Assurer les meilleurs conditions de l'intégration des élèves allophones arrivant en France est un devoir pour la République et son Ecole. »
- Cette même circulaire précise les conditions spécifiques au second degré : « C'est sur la base de l'évaluation effectuée à l'arrivée de l'élève que son affectation est décidée. »
- Le Bulletin Officiel du Ministère de la Justice du 29 janvier 2016 reprend à son compte les principes fondamentaux de l'inclusion scolaire affirmées dans le Code de l'Education et les circulaires de 2002 et 2012:- « Le service public de l'éducation […] veille à l'inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. » (article L. 111-1)- « A tout moment de la scolarité, un accompagnement pédagogique spécifique est apporté aux élèves qui manifestent des besoins éducatifs particuliers […]. Les élèves allophones nouvellement arrivés en France bénéficient d'actions particulières favorisant leur accueil et leur scolarisation. » (articles D.321-3- » et D.332-6 modifiés par le décret n° 2014-1377 du 18-11-2014).
Ces
textes ne lient donc pas le droit à l'éducation pour tous et
l'inscription dans un établissement scolaire au fait d'avoir ou non
un représentant légal.
Beaucoup
de ces MIE nouvellement arrivés à Nantes et non scolarisés sont
dans l'abandon le plus total : pas de prise en charge éducative
ni d'accompagnement, pas d'hébergement, pas de nourriture,
désœuvrement ravageur. Ils dorment dans la rue, dans les squats,
parfois à l'hôtel quand le 115 leur offre une nuitée. Ne pas les
scolariser aggrave leur détresse et génère des problèmes
psychologiques chez ces jeunes déjà fragilisés.
Ayant
suivi depuis 2013 les jeunes migrants qui ont été diplômés en
2015 ou 2016, nous sommes en mesure de réaffirmer une vérité
connue de tous, parents, éducateurs, enseignants, responsables de
tous niveaux : l'Education est un facteur primordial
d'intégration dans la société. Nous avons pu mesurer leur joie de
retrouver ou de découvrir les bancs de l'école, comment ils ont
pris ce droit très au sérieux et se sont impliqués pleinement dans
leur formation, et combien ils ont été heureux de nous annoncer
qu'ils avaient décroché un diplôme qui va leur ouvrir des portes
pour accéder à un métier.
Nous
ne vous demandons pas l'impossible, Monsieur le Recteur, ni
« d'accueillir toute la misère du monde », mais
d' « en prendre votre part », pour reprendre
la célèbre formule de Michel Rocard. Nous
vous demandons simplement de faire appliquer les textes officiels de
l'Education nationale et partant, de faire respecter le droit à
l'Education pour tous, Français et Etrangers.
Y
aurait-il besoin d'une action en justice devant le Tribunal
administratif pour être entendus et faire appliquer ce droit ?
Nous
vous prions d'agréer, Monsieur le Recteur d'Académie, l'expression
de nos salutations respectueuses attachées au bon fonctionnement du
service public d'éducation.
Jean-Yves
VLAHOVIC et Claire CHEDOTAL, militants RESF
Avec
le soutien du collectif nantais UCIJ : AC !, ALFA Femmes
algériennes, Association France Palestine Solidarité (AFPS),
Cimade, Collectif Enfants Étrangers Citoyens Solidaires-RESF 44,
CSF, DAL 44, Ensemble ! 44, Europe Écologie- Les Verts (EELV),
Gasprom-Asti, LDH, Le Parti de Gauche 44, MRAP, NPA, PCF, RUSF 44,
SAF, Tous solidaires-Châteaubriant, UD CGT 44, UD FSU 44, UD
Solidaires 44
PS :
Les jeunes diplômés des listes ci-dessus nous ont autorisés à
publier leurs noms dans cette lettre, dans l'espoir que leurs
parcours scolaires puissent changer la donne sur la non scolarisation
des mineurs (non reconnus comme tels) arrivés après eux. C'est
aussi de leur part un message à leurs camarades plus jeunes
récemment débarqués à Nantes : « Ne perdez pas
courage, soyez tenaces et déterminés, vous en récolterez les
fruits ! »
En
copie à Monsieur l'Inspecteur d'Académie de Loire-Atlantique, aux
délégué-e-s du Défenseur des Droits de Loire-Atlantique ainsi
qu'aux organes de presse.
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