mardi 3 février 2015

Législatives du Doubs : fausse embellie et vrai signe de crise, par Guillaume Liégard


Si le candidat socialiste est en mesure de l’emporter au second tour de l’élection partielle, l’analyse des résultats fait la démonstration d’une situation critique pour le PS… aussi bien que pour l’UMP et les formations de la gauche radicale. 

Un événement incroyable s’est produit dimanche soir au fond des urnes de la quatrième circonscription du Doubs : le candidat socialiste Frédéric Barbier, suppléant de Pierre Moscovici, a réussi à se qualifier pour le second tour de cette élection législative partielle qui le verra affronter le Front national. Autant dire, un truc de dingue, aussitôt relayé façon breaking news par toutes les rédactions qui se respectent. 

Que la présence au second tour d’une législative du parti majoritaire de ce pays puisse faire sensation en dit long sur l’état du système politique. C’est tout juste si le fait que le FN soit largement en tête est mentionné, un non événement qui relève désormais de la normalité. Il n’y a pas si longtemps, il aurait suscité protestations et mobilisations. 


Mais s’agit-il d’une spectaculaire embellie pour la gauche gouvernementale ? L’étude des résultats se révèle plus préoccupante que rassurante. S’il faut se garder de généraliser les résultats d’une unique élection partielle, il est toutefois possible d’étayer quelques hypothèses. 

Un effet Charlie minimum 

Avec 28,85% des voix, Frédéric Barbier se place en deuxième position devant l’UMP Charles Demouge, troisième avec 26,54%. Ce score, s’il préserve l’essentiel – la présence au second tour – est en réalité peu flatteur pour le représentant socialiste. En 2012, avec 16.421 voix Pierre Moscovici avait obtenu 40,81%, le PS n’obtient cette fois-ci que 7.416 voix et perd donc près de 12% et plus de 9.000 voix.L’UMP qui avait 7.000 voix de retard en 2012 n’en a plus que 600 à l’élection de dimanche soir. 

Cette deuxième place socialiste s’est donc jouée à peu de choses. Dans cette circonscription, plutôt favorable au PS, la droite ne l’a emporté qu’en 1993 et en 2002, deux moments très particuliers des rapports gauche / droite. Si l’effet Charlie existe sans doute, il est de très faible intensité et ce alors même que la proximité avec le 7 janvier devrait le porter à son plus haut niveau. Une bien mauvaise nouvelle pour la direction du Parti socialiste, alors que se profilent les élections départementales en mars et les régionales à la fin de l’année. 

Le FN se porte bien 

Avec 32,60%, la candidate du FN est largement en tête, gagnant 8,7% (et ne perdant que 1.200 voix) par rapport à 2012. Malgré la forte abstention (passée de 40 à 60%), la capacité de mobilisation de l’électorat FN est demeurée à un très haut niveau. Entre 2012 et 2015, le FN préserve 87% de ses voix quand l’UMP n’en garde que 73% et le PS 45%. 

Les analyses aussi empressées que prématurées qui, à la mi-janvier, avaient prédit un affaiblissement du parti de Marine Le Pen se sont révélées particulièrement hasardeuses. De RTL expliquant « Charlie Hebdo : Marine Le Pen n’a pas compris » (ici), au Nouvel Observateur : « Marine Le Pen est dans une impasse. Elle a commis une double erreur » (si, si, c’est là) en passant par Le Monde « Comment Marine Le Pen s’est mise hors jeu » (eh oui, c’est là), nombreux sont les éditorialistes à avoir confondu analyses et espérances. 

Tout entiers tournés vers l’unité nationale, ils en avaient oublié que les raisons ayant permis le succès du Front national sont extrêmement profondes. Le racisme, les inégalités sociales, la perte de légitimité des différentes institutions, les problèmes qui minent la société française appellent des solutions de fond et non des petites manœuvres tacticiennes.

L’UMP dans la nasse 

Décidément, rien ne va pour Nicolas Sarkozy. Sa tentative de retour, qu’il espérait triomphante, relève désormais du chemin de croix. Avec l’épineuse question de la consigne de vote, il se retrouve face à un choix impossible que son parti paiera dans tous les cas de figure. L’appel au vote PS au nom du front républicain ? Cela permettrait à Marine Le Pen de faire des gorges chaudes sur l’UMPS et déclencherait immédiatement la fureur de ceux qui, au sein du principal parti de la droite, lorgnent avec insistance du côté du FN. Mais le ni-ni, qui semble avoir les faveurs de l’ancien président de la République, entraînera aussitôt des prises de positions individuelles en faveur du PS. 

Ce scénario est déjà en marche, et Le Figaro doit constater avec amertume que « L’UMP est en ordre dispersé ». Surtout, cette absence de choix va renforcer le fossé avec les centristes qui, dès l’annonce des résultats du scrutin, ont appelé à faire barrage au Front national. C’est donc une bien mauvaise opération pour une UMP déjà sans projet politique. 

L’effet Syriza ne franchit pas le Jura 

C’est peu dire que les résultats à la gauche du Parti socialiste sont modestes. Avec 3,66% pour le candidat Front de gauche et 3,11% pour celui des Verts, c’est la grande stabilité – à des niveaux très bas – qui se confirme. Certes, cette circonscription ne figure pas parmi les fiefs de la gauche radicale, mais les scores obtenus à chacune des treize élections partielles depuis 2012 ont tous donné la même indication : le désamour de l’électorat vis à vis des socialistes n’a jamais produit de renforcement, même modeste, du Front de gauche. Ni la victoire de Syriza une semaine auparavant, ni les dizaines de milliers de manifestants à Madrid dimanche après-midi, n’ont de traduction politique en France. 

Et maintenant ? 

L’issue du second tour devrait voir la victoire du socialiste Frédéric Barbier. Il dispose d’un petit réservoir de voix sur sa gauche, peut espérer une remobilisation partielle de son électorat et à droite il lui suffit que la logique habituelle des trois tiers s’applique : un tiers pour le PS, un autre pour le FN et un dernier qui se réfugie dans l’abstention. 

Une mauvaise surprise est toujours possible, mais la victoire du FN n’est pas le plus probable. La situation apparaît pourtant bien détériorée. En 2012, au terme d’une triangulaire, Pierre Moscovici l’emportait avec 49,32% contre 26,21% à l’UMP et 24,47% au FN. 

Le niveau de l’abstention rend impossible, cette fois-ci, une triangulaire qui sinon aurait été à très hauts risques pour les socialistes. Surtout, les faiblesses de l’UMP font du Front national le principal opposant au Parti socialiste au pouvoir. 

Les 25% obtenus par le parti d’extrême droite aux européennes de 2014 ne sont pas un accident, mais traduisent des éléments profonds de la situation politique et sociale. La direction du Parti socialiste, prisonnière de calculs à très courte vue, peut y voir un effet d’aubaine. Ce serait une lourde erreur. 

Au moment où l’INSEE annonce d’ores et déjà que l’année 2015 s’achèvera avec 100.000 chômeurs supplémentaires, les raisons de s’inquiéter sont nombreuses.

http://www.regards.fr/web/article/legislatives-du-doubs-fausse

Déclaration des candidat-es du Front de Gauche :  

Le véritable vainqueur de ce 1er tour des élections législatives de la 4ème circonscription du Doubs, c'est l'abstention, qui atteint plus de 60%. Cette grève civique qui se répète désormais à chaque élection constitue le véritable enseignement de cette législative. A tel point que l’on peut désormais parler de démocratie d’apparat.

Ce qui l'a emporté, ce dimanche 1er février 2015, c'est sans surprise le ras le bol face au chômage, au manque de perspectives et à la précarité généralisée. C’est aussi la désillusion de celles et ceux qui à près de 40% avaient placé Pierre Moscovici en tête au 1er tour en 2012 et qui ont vu ce que ce dernier, avec Hollande et Valls, a fait de ses promesses. Le Parti socialiste passe d’un score de 40% au 1er tour en 2012 à 29% et perd 9000 voix.

Les électeurs ont placé le FN en tête. C'est à la fois l'expression de la désespérance et un danger réel pour la démocratie. L’expérience nous montre que lorsque l’extrême droite gère des municipalités, les affaires se multiplient, les politiques sociales et associatives sont remises en cause, l'intolérance et la stigmatisation l'emportent sur la fraternité.

Les votes des élus FN à l’Assemblée nationale montrent que leur camp est toujours celui du patronat et de l’austérité.

Le 2ème tour verra donc l'affrontement entre un Front national, qui constitue la pire des menaces xénophobes sans proposer aucune alternative économique et sociale crédible, et un Parti Socialiste qui est devenu porteur des politiques d’austérité imposées par la technocratie européenne. En effet la politique de Hollande ne prend pas en compte les préoccupations réelles du pays et favorise ainsi la montée du Front National.

Vincent Adami et Véronique Bourquin-Valzer candidats du Front De Gauche (Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Ensemble !) et également soutenus par le NPA, le MRC et de nombreuses personnalités remercient chaleureusement leurs électrices et électeurs. Nous continuerons, à leurs côtés, le combat pour bâtir une alternative de gauche crédible, sociale et écologique. Cela passera par la construction d’un rassemblement qui met l’implication citoyenne au cœur de ses méthodes et la souveraineté populaire, la bataille contre l’austérité comme bases de son programme.

La victoire de Syriza en Grèce nous montre le chemin. Alexis Tsipras et son gouvernement ne parlent pas de fatalité, ni de résignation face aux diktats d'une union européenne qui roule pour les intérêts de la finance et des grands groupes capitalistes, ils résistent et montrent qu’une autre voie est possible.
Nous appelons à amplifier les mobilisations populaires contre les politiques d’austérité, à défendre les solidarités et les libertés, afin de battre durablement les idées du FN qui gangrènent la société.

Frédéric Barbier, qui a voté toutes les lois du gouvernement Hollande ne propose aucune alternative à l’austérité. Pour autant, l’éventualité de l’élection d’un député d’extrême-droite dans notre circonscription constitue un véritable danger pour la démocratie. C’est pourquoi, pour ce second tour, nous faisons confiance aux électeurs afin qu’ils orientent leur choix vers cet impératif : pas de députée frontiste supplémentaire à l'Assemblée Nationale le 8 février.

Vincent Adami, Véronique Bourquin-Valzer, le lundi 2 février 2015.

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