samedi 15 août 2015

Mémorandum Tsipras, par Panagiotis Grigoriou (blog)


Alexis Tsipras est devenu ce vendredi 14 août, le quatrième Premier ministre des mémoranda, faisant tristement suite à Papandréou, à Papadémos et à Samaras. Le mémorandum III vient d’être adopté par un “Parlement” et par un gouvernement “légiférant” en violation de la Constitution et contre la volonté populaire exprimée par le 62% du ‘NON’ ; élus pourtant, par une... majorité citoyenne anti-mémorandum. 

La Constitution a été piétinée comme d’usage et comme souvent en Europe européiste. SYRIZA n’est donc plus, plus comme avant en tout cas. “La Grèce se perd à jamais ou alors, c'est fichu pour de nombreuses années. Nous n'avons plus personne parmi les politiques. Tous vendus. Ils ne nous restent que nos chants funèbres”, expression et impressions d’une commerçante d’Athènes du moment après l’adoption du mémorandum III... troisième cycle du genre. 


C'était déjà en juin 2012, qu'un premier cycle dans expérience et l'expérimentation “mémorandiennes” s'était achevé. Depuis, l'installation de la Troïka à Athènes deviendra officiellement permanente. Elle disposera d'un immeuble entier, des locaux, et de nombreux relais directs au sein de l'administration, sauf entre janvier et juin 2015. 

À défaut, les hôtels de luxe et des endroits tenus discrets incarneront ces nouveaux lieux du pouvoir occupant et méta-démocrate, validés comme tels par les rencontres... de ce troisième type (de mémorandum), entre les ministres SYRIZA et les exécutants des institutions en cet été 2015. Le “cheval” et ses Troïkans ont finalement pénétré les remparts de la cité et tout tend à démontrer que c'est pour la “longue durée”. 

Passant par le biais d'un État Grec et de son système politique, toujours plus satellisés, SYRIZA d’en haut compris, la Troïka (institutions), à force de concentrer sur elle-même l'essentiel des pouvoirs, serait parvenue à s'immiscer en chaque chose jusque dans les moindres aspects de la vie privée des “citoyens”, et déjà à l'essentiel: la survie de tous. 

Le Mémorandum, entité d'abord immatérielle et invisible, s'est rapidement concrétisé et par quelle violence, au point de dégrader les hommes, les liens sociaux, les imaginaires et le rapport au temps. SYRIZA avait été porté au pouvoir justement parce qu’il a expressément incarné l’espoir enfin concrétisé de briser cette entité ainsi concrétisée. Ce “programme”, alors très vaste dès sa conception, le demeura de toute évidence encore longtemps. 

Le Mémorandum et le “droit des créanciers” deviendraient alors de vérités ne varietur une fois de plus et une fois de trop, reposant sur une autorité présentée comme transcendante, la Troïka, régnant sur les débris d'un pouvoir social, politique et sociétal dont la légitimité se dissipe dans un processus prétendument inéluctable. La dette, alors est ce vecteur et prétexte inhérent au totalitarisme nouveau. 

Vendredi 14 août au matin, Zoé Konstantopoúlou (Présidente de l’Assemblée... pour l’instant) avait très exactement interpelé Alexis Tsípras sur la question de la Commission d’audit de la dette grecque (mise en place par le Parlement grec et présidée par Éric Toussant), et sur ses travaux, lesquels n’ont pas été... considérés par les ministres Tsipriotes, il en est de même semble-t-il, de la Commission sur les réparation de guerre de l’Allemagne... comme par hasard. Pis encore, a-t-elle poursuivi, toutes les actions entreprise très précisément par le gouvernement: les quatorze aéroports vendus au consortium allemand, la privatisation annoncée de la Régie d’Électricité, le... retournement complet dans le dossier de l’exploitation des mines d’or à Skouriés au Nord de la Grèce, ces procédures anticonstitutionnelles en vue de faire passer le mémorandum, tout cela relève plutôt “d'un choix stratégique que le gouvernement a certainement cautionné (le mémorandum), au-delà du chantage, c’est plutôt d’une ligne politique qu’il s’agit, une ligne politique bien perceptible si l'on tient compte par exemple des déclarations (printemps 2015) du ministre Stathákis, prétendant que seulement 5% de la dette grecque serait à remettre en question” (je cite de mémoire). 

Ainsi, Zoé Konstantopoúlou a... officiellement retiré sa confiance au gouvernement, ainsi qu’en la personne d'Alexis Tsipras. Rupture. D’ailleurs, jeudi soir (13 août), Zoé Konstantopoúlou dénonçait déjà les agissements des ministres SYRIZA, ces derniers venaient tout juste de déposer une myriade d'amendements... surprise dans l'après-midi, certains alinéas introduits imposent des changements à effet rétroactif au régime des retraites, ce qui est formellement interdit par la Constitution, car aucune disposition concernant le régime des retraites ne peut être déposée séparément d'un projet de loi, spécifiquement et exclusivement rédigé dans ce but, et cela d’ailleurs sans consultation de l’équivalent du Conseil Constitutionnel. Aux heures du (si) petit matin, et suite à une pirouette procédurale suggérée par le népotiste Pasokien Venizélos et acceptée par le gouvernement, l’affaire des amendements a été jugée conforme à la Constitution. 

Panagiótis Lafazánis, chef de la Plateforme de Gauche (...SYRIZA) a pris aussitôt la parole vers 5h du matin, visiblement en colère car très déçu: “Je ne sais pas si je dois dire que je suis désolé ou alors que j’ai honte. Ainsi, à la manière des moines qui appelaient la viande... poisson, vous avez modifié un intitulé pour que votre amendement puisse paraître... constitutionnel. Est-ce bien une façon de faire M. Mardas (ministre du budget) ? Vous avez adopté ce trucage proposé par M. Venizelos et vous pensez que cela vous donne-t-il une solution? C’est une honte, c’est une aberration constitutionnelle. Vous êtes en train d’agir intentionnellement et vous violez de la Constitution. Vous faites de la Constitution un bout de papier chiffonné. Alors, la démocratie en Grèce est abolie, nous vivons sous la dictature de la zone euro et dans sa néocolonie. Sauf que nous allons briser cette dictature, l'alternative existe, ce n’est pas une voie unique”. 

Le vote a ainsi été donc marqué par la résistance de très nombreux députés de la Plateforme de Gauche et pas uniquement. Alexis Tsipras doit son approbation aux quelque 120 voix apportées par le bloc mémorandiste historique bien connu (Nouvelle Démocratie, PASOK, Potami) et par son allié, le parti de droite... faussement souverainiste ANEL. 

Jusqu’à 43 députés SYRIZA sur 149 n’ont pas suivi les Tsipriotes dans ce suicide éthique et politique: 32 ont voté contre, et 11 se sont abstenus. Notons que les députés n’ont pas eu le temps de lire les textes (à part un résumé) - déclaration d’une députée SYRIZA dans l’après-midi du 14 août à la radio 105,5 (de SYRIZA), alors mascarade, trahison et désolation. 

Pour mon ami Georges qui vient de téléphoner depuis son île, Chios, “Tsipras restera dans l'histoire comme le plus grand escroc politique de la Grèce contemporaine, pire même que Papandréou”. Les slogans et les affiches du moment à Athènes, parfois bien vulgaires et toujours explicites... progressent dans le même sens: “Tsiprandréou traître” ou, “Tsipras, collabo tu peux crever”, puis, “Papandréou - Mitsotakis - Tsipras... merde”, enfin, “La Liberté ou l'euro”, ce que suggérerait une certaine prise de conscience quant au rôle pivot, réservé à l’euro par le totalitarisme européiste. 

Mon ami Yannis, membre de SYRIZA, en est affligé: “Ces anciens camarades, parfois devenus députés avaient été des compagnons durant tant d’actions et tant de manifestations. Nous avions connu ensemble la répression policière des... autres gouvernements du mémorandum, et je sens que bientôt, ils feront usage des mêmes policiers pour nous réprimer, c’est cauchemardesque. Je sais pourtant que nous de gauche, nous ne voterons plus SYRIZA, surtout après la scission (Lafazánis). Cependant au boulot, tous mes collègues de droite me disent ‘qu’entre la Nouvelle démocratie complètement déconsidérée’, ils préféreront Tsipras, ‘car ce type, aura du moins tenté quelque chose et surtout il, a ouvert nos yeux sur la perfidie de l’Europe’ et tout cela pour l’instant, en dépit de l’anthropophagie annoncée du mémorandum III”. On comprend ainsi mieux l’accélération du calendrier politique imposé par la junte européiste, élections anticipées prochaines comprises. 

Comme par hasard, Prokópis Pavlópoulos (ex-ministre Nouvelle Démocratie) et hélas pauvre “marionnette présidentielle”... installée par SYRIZA/ANEL (contre l’avis de la Plateforme de Gauche) a pris contact ces derniers jours avec Junker, Hollande, Draghi, nouvelle minimisée par la presse grecque et ignorée par la presse internationale. On sait qu’officiellement, la procédure à suivre se trouve autant dans les mains (très hétéronomes) du Chef de l’État (officiel). 

En tout cas, Alexis Tsípras sollicitera la confiance du “Parlement”, “une fois que la Grèce aura remboursé une échéance de 3,2 milliards d’euros à la Banque centrale européenne (BCE) le 20 août, a déclaré, vendredi, un responsable gouvernemental. Dans ce climat, la perspective d’élections anticipées à l’automne, alors qu’il est toujours très populaire, prend de plus en plus de corps”, note une certaine presse économique mainstream. 

Journée donc très sombre pour la Grèce et pour la Gauche (ou plutôt “Gauche”) ce vendredi 14 août. 

Mémorandum adopté, le gouvernement Tsipriote se doit à demander un vote de confiance, 118 élus de la majorité lui ont été acquis (moins que 120, taille critique pour qu'un gouvernement puisse rester en place), 32 députés SYRIZA ont voté non, 11 se sont abstenus et un élu était absent. 

Panagiótis Lafazánis et la Plateforme de Gauche annonçant la création prochaine d'un nouveau pôle politique contre le mémorandum tandis que Zoé Konstantopoúlou (Présidente de l’Assemblée) qui ne la préside pas en ce moment, étant résolument opposée au mémorandum, elle a qualifié le ministre du budget Mardas, de presque “collabo”. Ruptures encore. Je fais court (pour l’instant). Sans prétendre à aucun conspirationnisme et seulement, d’après les éléments dont nous disposons (déclarations et actes des acteurs politiques et Grèce et ailleurs), le... Plan B de la Troïka se nomme SYRIZA. 

Des hommes politiques Syrizistes de premier rang (Stathákis et Dragasákis par exemple) incarnent ce rôle depuis d’ailleurs longtemps. Le chantage bien réel (connu et inconnu) par contre, celui que les maîtres-fous de l’Eurogroupe ont exercé sur Tsipras aura façonné la suite. 

Depuis un certain temps, tout le monde remarque que le regard ainsi que le langage du corps d’Alexis ne sont plus les mêmes qu’avant. Mutation ? Il ne faut pas cependant oublier l’aveuglant européisme d’Alexis Tsipras, réitéré ce dernier temps et à chaque occasion, ce même européisme inspirant... le néant politique aux tenants et aux ténors visibles de la triste “Gauche” en Europe. Seulement, Alexis Tsipras (malgré lui ?) ainsi... que l’imposture SYRIZA, auront pour les historiens cet énorme mérite, que d’avoir accéléré l’histoire et autant, les consciences. À la manière d’un catalyseur... forcement consommé. 

Ces historiens du futur (bien proche), auront néanmoins à dire et à débattre... de cette escroquerie politique alors la plus courte dans l’histoire de la méta-démocratie européiste et mondialisante. 

On retiendra seulement que la tricherie social-démocrate aura quant à elle duré quelques décennies, et... qu’une certaine filouterie de jadis et d’Alcibiade, aura occupé les Athéniens durant pratiquement toute la Guerre du Péloponnèse. Alcibiade pour la... petite histoire, avait souvent changé de camp et il réussit même à prendre un véritable ascendant sur le Perse Tissapherne, le convaincant d'adopter une politique d'entre-deux et de ne favoriser ni Sparte, ni Athènes, et ainsi d'user les Grecs contre eux-mêmes, d’après le récit de Thucydide. 

Temps certes anciens ne se prêtant pas forcement aux anachronismes, sauf que le mémorandum III a aussi comme but... d'user les Grecs contre eux-mêmes. Le quotidien athénien ne change pas, et ne changera pas demain matin. Le temps parade et les souvenirs parfois ils insistent. 

Notre lieu de mémoire 1941-1944, une prison sous un grand immeuble athénien, utilisé par l’Armée allemande de jadis, restera fermé jusqu’au 24 août, vacances obligent. Ironie... si bien fréquente de l’histoire, ce même immeuble, abrita durant un bref moment, le siège de l’EAM, Front National de Libération du pays (grande organisation de la Resistance et de Gauche), ainsi, en décembre 1944, lors de la bataille d’Athènes (épisode de la Guerre civile), deux chars de l’Armée britannique pénétrèrent... gentiment notre histoire contemporaine du moment. 

Sous la Troïka... actuelle les besoins évoluent, l’immeuble en question abrite entre autres, des cafés et des restaurants, vie athénienne alors prétendument paisible et mémorandum III sans chars devenus (pour l’instant ?) désuets. 

Futur sans doute prometteur, tout changera immanquablement car la mutation historique est déjà constituante de notre piètre 21ème siècle. Tout changera, hormis nos êtres adespotes et à part peut-être, ce vieux savon de l’île de Mytilène que l’on trouve encore sur le marché d’Athènes. 

 http://www.greekcrisis.fr/2015/08/Fr0457.html

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