mardi 1 juin 2010

Projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes : quand la démocratie formelle combat la démocratie réelle !


Le projet est vieux de 40 ans ; les oppositions sont aussi anciennes que lui et Les Alternatifs sont une des parties prenantes du mouvement depuis le début. Le processus formel, de « débat public » a eu lieu en 2003, une enquête publique et une déclaration d’utilité publique en 2008, évidemment conforme aux conclusions de la commission d’enquête en évitant de répondre aux réserves qui y étaient incluses. Celles-ci précisaient, entre autres, que le projet était un pari sur l’avenir. Elles tombaient à pic, juste avant l’envolée du prix du pétrole à près de 150 $ le baril en 2008 après avoir été autour de 25 $ en 2003, au moment du débat public, pour se situer aujourd’hui, en pleine crise économique mondiale, à 90 $. A ce rythme, des paris, il y en a et ce n’est pas fini.


Ce projet, soutenu par les présidents socialistes de Nantes-métropole et Maire de Nantes, du Conseil Général de Loire-Atlantique, et du Conseil Régional des Pays de la Loire, a fait l’objet de délibérations dans les 3 conseils pour assurer un équilibre financier à l’entreprise délégataire du Partenariat Public Privé retenu incessamment pour assurer non seulement la construction de l’infrastructure mais aussi l’exploitation pour 55 ans. Ces délibérations précisent qu’en cas de retour à meilleure fortune, c'est-à-dire des bénéfices pour l’exploitant, il pourra rembourser ces aides des collectivités locales. C’est ce qu’on appelle la socialisation des pertes car chacun imagine la pertinence des prévisions économiques qui sous tendent l’équilibre économique du projet pour 55 ans, alors que le baril de brut sera à 150 $, 200 $, 500 $ ou, pourquoi pas 1 000 $, soit 6 fois le prix de 2008 qui, lui-même était 6 fois celui de 2003.

Dans notre monde du transport aérien, complètement libéralisé, les compagnies ne prendront pas de gant pour fuir une plateforme ou une autre comme elles l’ont fait à Clermont-Ferrand ou comme elles menacent de le faire à Marseille si le dumping social qu’elles mettent en œuvre ne peut pas se faire comme elles le souhaitent ; le capitalisme n’a pas de morale, il n’a que des intérêts. Et dire que les socialistes soutiennent ce type de développement !


Bien entendu, en plus des élus communistes et UMP, les majorités socialistes des trois collectivités suivent, le doigt sur la couture du pantalon, les directives des présidents, tant la trouille de ne pas être soutenu par l’appareil socialiste pour les prochaines élections est prégnante ; soutien à l’unanimité ou presque puisque quelques élus courageux refusent ce chantage et s’opposent publiquement au projet comme les élus Alternatifs, Verts, et … MODEM.


L’opposition s’est structurée et démonte les arguments des promoteurs du projet, partout, comme nous l’avons fait pour le TCE, dans les villes et les campagnes. Si bien que, petit à petit, non seulement les agriculteurs et riverains de Notre-Dame-des-Landes se lèvent en masse mais aussi plus de 600 élus et même des pilotes professionnels et de nombreux habitants, y compris autour de la plateforme actuelle de Nantes-Atlantique qui subissent pourtant des nuisances sonores.


Nos édiles socialistes n’ont pourtant pas jugé utile de réorganiser un nouveau débat public alors que les éléments de base du débat de 2003 ont changé du tout au tout. Pire, ils refusent de provoquer une étude indépendante sur l’opportunité du projet et les solutions alternatives permettant de réduire les nuisances actuelles liées à l’orientation de la piste de Nantes-Atlantique.


Les arguments des porteurs du projet s’affaissent sous la critique, les uns après les autres : la soi-disante saturation de la plateforme actuelle, les risques liés au survol de Nantes, déniés par les pilotes professionnels, les perspectives pharaoniques avancées de développement du secteur aérien. Le projet implique pourtant la stérilisation de plus de 2 000 ha de terres et la perte d’un bassin agricole dynamique en zone péri-urbaine ainsi qu’une zone de biodiversité exceptionnelle, il fragilise des emplois au Sud Loire et le site Airbus proche de la plate-forme actuelle (2000 emplois) et il implique des investissements colossaux sans prouver son utilité sociale, il aggrave l’étalement urbain au nord de l’agglomération et il porte des risques d’inondations dans des zones urbanisées. Mais rien n’y fait.


Que les opposants tiennent une vigie devant le Conseil Général depuis un an et demi, vigie transportée le 5 mai devant l’assemblée nationale au moment de la discussion du Grenelle 2, avec l’appui des Alternatifs, qu’ils réclament à corps et à cri cette étude indépendante, qu’ils argumentent, qu’ils interpellent, rien n’y fait. Les présidents restent droit dans leurs bottes : circuler, il n’y a rien à discuter, le débat a eu lieu, Notre-Dame-des-Landes se fera, comme dit Jean-Louis Borloo. Le seul débat en Conseil municipal de Nantes, avec l’appui zélé de l’émissaire de la préfecture, a été provoqué à la demande de l’opposition de droite et en application du règlement intérieur, un comble ! Le débat au sein du Conseil Général a tout droit conduit son président à pousser une élue opposée au projet à rendre sa délégation. Mais, comme toute opposition condamne son auteur à rester un élu « de base », c'est-à-dire sans pouvoir sinon celui de parler, l’éviction du seul opposant au bureau du syndicat mixte d’études dédié au projet laisse rêveur lorsqu’on sait qu’il s’agissait du représentant unique de la Communauté de Communes d’Erdre et Gesvres sur laquelle est précisément situé le projet.


Ainsi, la démocratie formelle et administrative du projet se déroule inexorablement, sourde aux argumentaires et à la démocratie de terrain.


Mais l’opposition au projet et la mise en avant des propositions alternatives se renforcent : le Dixième rassemblement contre le projet à Notre-Dame-des-Landes se déroulera les 2, 3 et 4 juillet 2010 au lieu-dit LE LIMIMBOUT avec :


• Vendredi 2 juillet : 3ème édition du festival de musique «Le Plancher des Vaches » (rock et textes militants, reggae dub, rock country)


• Samedi 3 juillet : stands d’information, diaporama et conférences : écologie, social, économie…Délocalisation/relocalisation


• Dimanche 4 juillet : 10e pique-nique des opposants et après-midi musicale




Bertrand Vrain, conseiller municipal Alternatif de Nantes

(article paru dans la Lettre des Elus alternatifs et des acteurs locaux, juin 2010)

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