vendredi 16 mars 2012

L’écologie face au peuple, par Stéphane Lavignotte


Il n’était plus besoin de rien faire, ils s’occupaient de tout. La secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts expliquait aux manifestants réunis à Notre-Dame-Des-Landes (NDDL) en juillet que l’important, ce n’était pas la mobilisation, mais l’accord que son parti allait passer avec le PS qui raierait d’un trait de plume ce projet d’aéroport délirant. On entendit une autre fois un député européen EELV expliquer la même chose quand à la sortie du nucléaire. On sait la suite. NDDL a été passé par pertes et profits. Et de la sortie du nucléaire, on est passé – on l’a appris grâce à Manuel Valls dimanche dernier – à la seule fermeture de Fessenheim. Rarement on aura vu un accord de gouvernement trahi aussi vite : au moins habituellement attendait-on qu’il y eut un gouvernement !

Pourtant dans le même temps, le Réseau Sortir du Nucléaire réussissait ce coup de force de réunir 60 000 personnes pour une chaîne humaine entre Lyon et Avignon le jour de l’anniversaire de Fukushima. On peut regretter que Jean-Luc Mélenchon n’y ait pas participé. Mais il dit maintenant systématiquement qu’à titre personnel, il est pour la sortie du nucléaire. Et il n’est pas le seul : à part le PCF – et encore cela discute de plus en plus en son sein – toutes les organisations du Front de gauche sont pour la sortie.



Dans ce contexte, la position du Front de gauche d’un référendum change de nature. D’un compromis qui semblait honteux à bien des écologistes, un référendum sur la sortie devient aujourd’hui bien plus prometteur que l’accord EELV-PS : il devient le catalyseur de la progression miltante et dans l’opinion de l’exigence d’un autre avenir énergétique. Surtout, il est porteur d’une autre conception de la politique. Comment peut-on, militants antinucléaires, avoir dénoncé 50 ans d’absence de parole au peuple sur cette question et vouloir trancher sans lui ? Comment peut-on pendant des décennies avoir eu un engagement anti-nucléaire reposant sur la vulgarisation de l’information, le développement de la contre-expertise, la mobilisation populaire contre les clergés de l’industrie, de la science et de la politique et avoir peur d’un grand débat pariant sur l’intelligence de la société ?


Plus fondamentalement, cette histoire confirme que les grands changements ne se négocient dans un savant équilibre entre virgules d’un texte et investitures aux législatives. Ils sont le fait - de 1936 à la place Tahrir, en passant par le référendum de 2005 – du peuple qui déboule en politique pour faire autre chose que ce qu’avaient prévu les dominants. Pour l’avoir oublié, EELV va dans le mur. Pour l’avoir promut, Mélenchon s’envole. Il reste à inventer un nouveau mouvement politique qui ait cette exigence et cette espérance comme épine dorsale.


Stéphane Lavignotte
Militant écologiste, dernier ouvrage paru La décroissance est-elle souhaitable ? (Textuel)

(article paru dans le bulletin électronique Cerises du 16 mars)

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