L’atelier organisé par ATTAC France,
CRID-RITIMO et les Jeunes écologistes a fait salle comble. Les
nombreuses interventions liminaires ont néanmoins permis aux
participant-e-s de s’exprimer et de dégager des propositions pour
l’assemblée de convergence de l’espace climat.
Tout d’abord,
Samir Meddel, universitaire tunisien, a dressé un panorama de la
situation en Tunisie. Le pays a été excédentaire en terme d’énergie
jusqu’en 2000 mais avec l’évolution de la demande, les réserves n’ont
pas suivi. Trois secteurs accaparent les trois-quarts de l’énergie : le
bâtiment, l’industrie et le transport (un tiers chacun). EN 2030, avec
le développement continu de l’urbanisme, le bâtiment pourrait
représenter 40 % de la consommation et la part des services ne cesse
d’évoluer au détriment de l’industrie. Au niveau des transports, la
logique d’individualisation progresse, les transports collectifs ne
représentent plus que 25 % contre 65 % il y a 40 ans. Une grande partie
de l’énergie est subventionnée par l’Etat, les aides ont été multipliées
par 9 en 7 ans et représentent 14 % du PIB de la Tunisie, les
subventions pour l’énergie captent une grande partie du budget de
l’Etat.
Ensuite, un jeune militant d’ATTAC France
a présenté les positions de son organisation après un bref historique
de l’évolution de la consommation d’énergie. Il a réaffirmé que
l’énergie est un bien commun, que l’exploitation fossile a explosé avec
le développement du capitalisme (elle représente 90 %) et que
l’accaparement des ressources génèrent des conflits. Le nucléaire ne
représente que 2 % de la production mondiale et il faut en sortir en
développant les énergies renouvelables. Les enjeux géostratégiques sont
énormes, il faut repenser les rapports entre les états et entre ceux du
Nord et du Sud. Cela passe par une nouvelle répartition et une gestion
démocratique : services publics de l’énergie, sortie de la logique de
financiarisation, une autre fiscalité, l’assurance des besoins de
chacun-e et taxation des surplus de consommation. Il est donc nécessaire
d’engager une redistribution mondiale en revoyant les échanges et en
premier lieu en réduisant les transports.
L’intervenante du CRID-RITIMO a précisé
qu’il devenait impérieux de chasser les gaspillages, qui représentent 40
% à l’échelle mondiale, et d’aménager les territoires. Il est donc
nécessaire d’avancer sur la maîtrise de l’offre et de la demande
(l’offre étant intimement liée à la spéculation) et d’envisager une
gouvernance qui passe par une réappropriation citoyenne et une volonté
politique. Elle a cité les exemples de la commune de Montdidier
(Picardie) qui gère son énergie depuis 1925 dans le cadre d’une régie
publique et qui travaille sur la maîtrise de la consommation ou de la
ville d’Austin aux Etats-Unis qui a entrepris un gros travail de
sensibilisation en direction des industriels et des entreprises avec des
résultats tangibles.
Enfin, les deux intervenant-e-s des
Jeunes écologistes ont rappelé que la transition énergétique renvoie au
projet de société que nous voulons et qu’il faut un courage politique,
« un renouveau démocratique », s’appuyant sur la volonté citoyenne. Ils
ont ensuite décliné le scénario Negawatt : Plan d’isolation des
logements, modération des transports, reconversion industrielle (avec
des emplois durables) ce qui implique des investissements massifs,
aménagement du territoire contre l’étalement urbain, agriculture
biologique et de proximité et énergies renouvelables. La transition
énergétique a des implications internationales. Il est indispensable de
respecter les équilibres écologiques, de protéger les populations et de
distinguer les croissances économique et énergétique. Ces changements
auront des conséquences pour certains pays du Sud comme le Venezuela ou
l’Algérie, il est donc nécessaire d’envisager des compensations. Par
ailleurs, cela implique de nouvelles relations commerciales pour un
changement de modèle, il y a des enjeux démocratiques et financiers. En
résumé, il ne s’agit pas seulement d’une transition énergétique mais
également écologique.
A quelques jours du forum sur la
transition écologique et énergétique en Ardèche, je suis intervenu dans
le débat pour insister sur la question démocratique qui se décline en
deux dimensions : politique à travers le pouvoir de décision du citoyen
en rupture radicale avec la démocratie représentative formelle et
économique à travers la gestion socialisée de la production et de la
distribution d’énergie sous forme de services publics ou coopératifs
dans lesquelles les citoyen-ne-s et leurs associations, les
travailleur-se-s et les élu-e-s décident ensemble des orientations. Ce
sera d’ailleurs le thème de l’atelier proposé par les Alternatifs.
Cet atelier a été intéressant même s’il
aurait nécessité plus de temps pour approfondir réellement toutes les
questions évoquées. Le nucléaire a été très peu évoqué, un peu à l’image
que lui accordent les promoteurs du scénario Negawatt, dont la genèse
est un substitut au renoncement à un arrêt immédiat des réacteurs
français de plus de 30 ans pour certains responsables écologistes.
Cette activité autogérée s’inscrivait
dans un programme chargé sur les questions écologiques, révélateur de
la place prise depuis Belém en 2009 au sein des forums sociaux mondiaux.
Richard Neuville
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