"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
jeudi 28 août 2014
Jean-Luc Mélenchon prend du champ, par Roger Martelli (Regards)
Il suffisait de l’écouter dimanche conclure l’université d’été de son parti, le PG : Jean-Luc Mélenchon ne se retire pas de la vie politique. Il n’entend pas passer sa vie à « bayer aux corneilles ». Mais il a décidé de prendre du champ dans ses responsabilités quotidiennes à l’intérieur du Parti de gauche.
Jean-Luc Mélenchon a le sentiment qu’une phase s’achève, après la longue période qui, de la fin 2008 avec son départ du PS, jusqu’au printemps 2014, a vu l’éclosion du Front de gauche, son installation dans le paysage politique et électoral, sa percée à la présidentielle de 2012 et sa grosse déception aux municipales et aux européennes de 2014.
Mélenchon a été au centre de la fournaise, à la fois comme numéro un de son parti, le PG, et comme figure de proue de la nouvelle alliance, le Front de gauche. Il est des moments où il faut marquer une césure ; il a l’impression que le moment est venu.
Comment aller de l’avant ?
Il le fait alors que le Front se trouve dans une situation délicate. Pour des raisons stratégiques, en premier lieu.
La droitisation accélérée du socialisme de gouvernement n’a pas ouvert l’espace de la gauche de gauche mais celle de la droite radicalisée. Pourquoi ? Que faire ? Comment exprimer, tout à la fois, de la radicalité et l’exigence d’une gauche rassemblée sur des bases clairement à gauche ?
Sur ces questions, tout le monde n’est pas sur la même longueur d’ondes au Front de gauche. À quoi s’ajoute – seconde série de raisons – la caractéristique même du Front de gauche. Il est une organisation plurielle, qui a mis en mouvement des dizaines de milliers d’individus, affiliés ou non à une organisation partisane. Mais sa structure est celle d’un cartel partisan, qui plus est dominé par deux forces, le PCF et le PG. L’accord se fait sur la nécessité d’aller de l’avant.
Mais dans quelle direction et comment ? Entre ceux qui penchent vers une structure plus unifiée et ceux qui souhaitent surtout préserver les identités partisanes particulières, les réponses divergent. Il restera à définir des modes de fonctionnement et à les pérenniser. Au cœur des problèmes, on trouve la question lancinante des adhésions directes et celle du poids des individus par rapport aux organisations composantes du Front.
« Fédérer le peuple » ?
La double image, partisane et globale, de Jean-Luc Mélenchon pouvait être un facteur de contradiction et de tension. En se détachant de la fonction partisane, il peut écarter un ferment de discorde. Il renforce en même temps sa liberté de parole et de pensée. L’homme n’aime pas être corseté et éprouve le besoin de contacts directs avec le « peuple ». Lui qui défend becs et ongles la dignité de l’action partisane, il ne peut que constater les effets de la crise de la politique et l’éloignement citoyen des partis et du personnel politique. Sa nouvelle référence aux succès de Podemos l’exprime nettement.
Veut-il user du champ pris pour élargir son audience ? Peut-être.« Le problème, ce n’est pas de rassembler la gauche mais de fédérer le peuple », affirme-t-il. Fédérer le peuple, sans la médiation recherchée du rassemblement d’une gauche transformée ? Pas évident.
Et comment concilier la tentation d’un dialogue direct et le maintien de la validité réaffirmée du Front de gauche ? C’est à voir. Comment porter le drapeau d’une VIe république et ne pas pour autant succomber aux sirènes de la présidentialisation ?
Comment prendre du champ avec le microcosme, comment ne pas s’engluer dans les marécages, sans déserter pour autant le champ de la politique institutionnelle ? En bref, comment valoriser la politique en la subvertissant ? Vaste question, qui est la clé pour éviter le désastre, pour la gauche comme pour la République elle-même.
Mélenchon veut se consacrer tout entier à y répondre. C’est une bonne nouvelle. Il ne doit pas être le seul à le faire. Roger Martelli.
Publié sur le site de Regards.
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