dimanche 24 août 2014

"Le sursaut à gauche ou le chaos" , par Clémentine Autain, porte-parole d'Ensemble


Désespérance, sidération : le poison de la politique gouvernementale se distille à grande vitesse. Avec les cadeaux fiscaux aux entreprises, la capitulation devant Angela Merkel, l’affaire Cahuzac, la hausse de la TVA, l’abandon du droit de vote des étrangers ou la constitution des Roms en boucs émissaires commodes, avec l’austérité pour tout horizon, le bilan est consternant. François Hollande et son équipe ont épousé l’ordre dominant. Ils en ont désormais les mots, les pratiques culturelles, le sens des priorités. 

Cette rupture franche avec la gauche, ses valeurs historiques, vient d’être résumée en une phrase par Michel Sapin, dans une tribune prônant rigueur et ajustements structurels : "mieux vaut assumer ce qui est que d’espérer ce qui ne sera pas". Leur projet n’est donc plus la transformation sociale mais la reproduction de l’existant. 


Le dégoût de la politique et les scores de l’extrême droite progressent à mesure que le "There Is No Alternative" , entonné encore par le Premier ministre Manuel Valls, s’impose au sommet de l’Etat. Car le résultat concret est sans appel : chômage de masse, creusement des inégalités en tous genres, hausse de la précarité et de la pauvreté, biosphère menacée, démocratie exsangue. 

Et l’avenir paraît encore plus sombre. Le Front de Gauche s’est construit sur cette conviction : la nécessité d’une alternative de gauche à ce choix gouvernemental, qui est l’aboutissement d’une lente mais bien réelle mutation du PS en parti démocrate à l’américaine. 

Après un score remarquable à la présidentielle, 11% pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon, le Front de Gauche n’a pourtant pas réussi à polariser le champ politique. Les raisons et responsabilités en sont multiples, à la fois profondes et conjoncturelles, sociales et liées à certains choix des uns et des autres. 

L’heure est venue de reprendre l’ouvrage : redynamiser le Front de Gauche pour le rendre plus utile, plus attractif, et le tourner vers ses partenaires potentiels en vue de bâtir une force plus large de transformation sociale et écologique. C’est l’enjeu de la réunion du Conseil National élargi du 6 septembre prochain. A cette occasion, il faut dire que nous sommes déterminés à agir ensemble. 

Pour cela, le Front de Gauche doit se doter d’une stratégie commune pour les années à venir, à distance de la politique gouvernementale et du PS, condition pour rendre lisibles les contours d’une autre orientation à gauche. Il doit se doter d’une nouvelle architecture organisationnelle, plus inclusive et dynamique. Il doit bâtir des ponts avec celles et ceux qui, au PS, à EE-LV, à Nouvelle Donne, au NPA, et surtout dans la société, veulent reprendre le chemin de l’émancipation humaine. 

L’appel "Ne plus tarder", que nous avons signé à plusieurs voix politiques avant l’été, dit l’urgence à dépasser les clivages anciens pour inventer une nouvelle gauche. Ensemble, nous avons appelé à "prendre nos responsabilités" pour "aider à ce que se lève l’indispensable grand mouvement citoyen qui donnera corps à l’alternative à gauche". Ce que nous avons à construire, c’est une force inédite, large, capable de redonner le goût de la politique au plus grand nombre, de tracer la voie d’une sortie de l’austérité et des recettes néolibérales pour qu’émerge une République nouvelle fondée sur les biens communs, alliant l’égalité et la liberté. 

Si le Front de Gauche éclate ou se perd en dissensions internes, les chances de vie d’une gauche en France seront affaiblies. Personne n’en sortira vainqueur. Parce que nous constituons un atout précieux, un début d’unité, un repère, nous avons à consolider l’espace commun. Gageons que chaque composante du Front de Gauche mesure sa responsabilité. Gageons que le Front de Gauche saura entrainer, avec lui, ce qui ne signifie pas autour de lui, de nouvelles forces à même de reconstruire l’espoir à gauche. Il est plus que temps.

Tribune publiée dans le JDD.

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