Macron et Rebsamen : au service du patronat |
En analysant le projet de loi sur le « dialogue social » qui va être
examiné à l’Assemblée nationale à partir du 26 mai, et en s’en tenant
aux articles directement liés au droit du travail, la réponse est : 21 articles, 106 reculs
2/ organiser le contrôle de l’exercice du mandat du représentant du personnel ou du délégué syndical par son employeur dans un entretien au début du mandat pour discuter des modalités d’exercice de ce mandat. (Article 2)
3/ puis validation en fin de mandat par l’employeur de la façon dont le délégué s’est comporté : au cours d’un entretien professionnel obligatoire, l’employeur pourra porter une appréciation sur la façon dont le délégué a rempli son mandat ! ; appréciation prise en compte dans son appréciation professionnelle par « recensement des compétences acquises en cours de mandat » ! ; appréciation qui pourra faire l’objet d’une « certification enregistrée en blocs de compétences » dont la liste va être établie par les Ministres du travail et de la formation professionnelle, leur permettant des bouts de certification qui pourraient leur donner accès à des dispenses dans le cadre d’une validation des acquis de l’expérience. (Articles 2 et 3)
4/ rendre très problématique les constitutions de listes pour les élections de délégués du personnel et de membres du comité d’entreprise en exigeant, sous peine d’annulation de l’élection, une composition hommes/femmes égale à celle de chacun des deux ou trois collèges (exemple 38% de femmes dans le collège électoral ouvriers-employés, 38% de femmes dans les candidats) (Article 5)
5/ éloigner les délégués de l’entreprise en favorisant la formation de quasi-permanents par l’autorisation d’utiliser les heures de délégation pour des concertations ou négociations à d’autres niveaux que l’entreprise (Article 6)
6/ possibilité pour les employeurs de balayer 1936 et 1945 pour les entreprises entre 200 et 300 salariés. Plus de délégués du personnel et de délégués au comité d’entreprise, une délégation unique, une fusion héritée de Balladur en 1993 pour les entreprises de moins de 200 salariés.
Une délégation unique pour des attributions très différentes : si le rôle des délégués du personnel est sans ambiguïté la défense des intérêts des travailleurs, les comités d’entreprise sont au croisement des volontés de contrôle ouvrier issues du Conseil National de la Résistance et de tentatives d’intégration pour parler poliment. (Article 8)
7/ Plus encore, possibilité pour les employeurs de diluer les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans une délégation unique qui mélangera leurs attributions avec celles des délégués du personnel et des comités d’entreprise.
(Article 8)
8/ La forme impérative utilisée actuellement pour rendre possible la fusion des délégués du personnel et du comité d’entreprises dans les entreprises de moins de 200 salariés (« il ne peut prendre cette décision qu’après avoir consulté les délégués du personnel et, s’il existe, le comité d’entreprise.») transformé en forme indicative pour la fusion des trois institutions dans les entreprises de moins de 300 salariés (« il prend cette décision après avoir consulté les délégués du personnel et, s’ils existent, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail») n’est pas neutre : depuis la recodification du code du travail en 2007, toutes les formes impératives instituant une obligation pour les employeurs, toutes sans exception, ont été transformées en une tournure à l’indicatif. Ainsi, progressivement, la forme du code du travail rejoint-elle le fond qui, loi après loi, décret après décret, A.N.I après A.N.I, voit se dissoudre une à une toutes les obligations des employeurs.
(Article 8)
9/ liberté de l’employeur, quand il y verra un intérêt, de décider de réduire de deux années le mandat de délégués qui ne lui conviennent pas en décidant la mise en place de la fusion dans la délégation unique. (Article 8)
10/ liberté de l’employeur de mettre en place une délégation unique dans tous les établissements de l’entreprise en imposant une délégation unique au niveau de l’entreprise. Commode si, dans tel ou tel établissement, des représentants ne lui conviennent pas. (Article 8)
11/ Comme pour l’actuelle délégation unique DP/CE, la nouvelle chimère DP/CE/CHSCT aura moins de délégués que le nombre cumulé des trois institutions. (Article 8)
12/ Diminution considérable du nombre de réunions : le nombre de réunions de la chimère sera en moyenne divisé par 4 (de 22 à 28 réunions par an pour les réunions DP + CE + CHSCT à 6 pour les réunions DP/CE/CHSCT. (Article 8)
13/ Liberté de l’employeur de ne pas répondre aux questions lors des réunions de la chimère grâce à la disposition prévoyant que 4 au moins des réunions sur les 6 devront porter sur des questions d’hygiène, de sécurité ou des conditions de travail. Soit pour ne pas répondre aux questions DP et CE, soit à l’inverse mettre les questions CHSCT qui dérangent en fin de séance. (Article 8)
14/ En imposant l’établissement d’un un ordre du jour par l’employeur et le secrétaire de la chimère, on supprime la fixation de l’ordre du jour par les DP (constitué par les questions déposées avant la réunion). (Article 8)
15/ En imposant l’établissement d’un ordre du jour « commun » par l’employeur et le secrétaire de la chimère alors que la formulation pour le CE et le CHSCT était « arrêté par » ou « fixé par », le projet de loi laisse perplexe sur les raisons de ce changement : en effet si l’élaboration en commun était certes une obligation, il n’y avait pas obligation de résultat et les conflits, fréquents sur cette question, étaient réglés par le juge. (Article 8)
16/ liberté de l’’employeur qui pourra décider qu’une question relève des attributions et du CE et du CHSCT et décider ainsi de ne faire qu’une consultation et de ne recueillir qu’un seul avis, celui de la chimère. Un avis unique pour une question qui peut se voir sous deux angles différents : exemple, la santé et la sécurité ont un prix pour le comité d’entreprise, pas pour le CHSCT. Une disposition qui montre bien le risque de la fusion d’institutions qui n’ont pas les mêmes attributions. (Article 8)
17/ liberté de l’employeur de diviser par deux le nombre d’expertises en décidant qu’une question relève des attributions et du CE et du CHSCT. Une seule expertise, un seul avis, celui de la chimère. (Article 8)
18/ consultation express et dans des délais fixes de la chimère, les mêmes que ceux fixés pour le CE depuis l’ANI du 11 janvier 2013 et la loi du 14 juin qui l’a copié collé. (Article 8)
19/ suppression de la participation des délégués suppléants aux réunions de la chimère, contrairement aux réunions de DP, CE ou CHSCT ; et suppression de la participation possible d’un représentant d’une organisation syndicale actuellement prévue pour les réunions de délégués du personnel. (Article 8)
20/ suppression de la participation des suppléants oui, mais le projet de loi fait une exception pour une seule réunion, celle à laquelle il vaudrait mieux qu’ils n’assistent pas : la réunion de propagande sur les « orientations stratégiques » de l’entreprise. (Article 8)
21/ diminution importante prévisible du crédit d’heures pour les délégués à la délégation unique DP/CE/CHSCT (au vu du précédent de l’actuelle chimère DP/CE, qui a vu le crédit passer de 30 ou 35h à 20h) ; crédit d’heures qui sera fixé par décret. Un signe pour cette baisse prévisible : la formule classique actuelle pour le CHSCT est la fixation d’un minimum par décret, ici c’est maximum… (Article 8)
22/ suppression de la libre organisation des représentants du personnel par la limitation de la mutualisation des heures de délégation entre les délégués (pas plus de 50% des heures pour chaque délégué). (Article 8)
23/ liberté de l’employeur de changer d’avis quand la composition et le fonctionnement de la chimère ne lui conviendra plus et de la supprimer après l’avoir créée en supprimant les trois institutions… (Article 8)
24/ liberté de l’employeur de supprimer deux des composantes de la chimère (CE et CHSCT) quand les effectifs de l’entreprise passeront sous le seuil de 50, alors qu’aujourd’hui il faut soit un accord avec les organisations syndicales, soit une autorisation de l’inspection du travail. (article 8)
25/ liberté de l’employeur de supprimer les délégués du personnel si les effectifs passent en dessous de 11 (alors qu’aujourd’hui, les délégués terminent leur mandat !).
(Article 8)
26/ liberté de l’employeur de supprimer la chimère ancienne formule (DP/CE) avant l’expiration des mandats. (Article 8)
27/ liberté de l’employeur, avec un accord collectif dans les entreprises d’au moins 300 salariés, de mettre en œuvre des chimères différentes : soit DP/CE/CHSCT, soit DP/CE, ou DP/CHSCT ou CE/CHSCT. (Article 9)
28/ liberté de l’employeur de choisir dans ces entreprises le moment de création des chimères, à chaque renouvellement d’une des trois institutions ; par exemple le moment le plus intéressant pour casser les représentations du personnel qui le dérangent. (Article 9)
29/ liberté de l’employeur, avec un accord collectif, de réduire dans ces entreprises la durée du mandat des représentants du personnel de l’institution qui dérange. (Article 9)
30/ liberté de l’employeur dans une entreprise comportant plusieurs établissements de choisir une chimère différente selon l’établissement : ici je fusionne tout, ici une partie seulement… (Article 9)
31/ liberté de l’employeur, en l’absence d’accord au niveau de l’entreprise (d’au moins 300 salariés), de mettre en place la chimère par accord d’établissement (une chance au grattage, une au tirage). (Article 9)
32/ liberté de l’employeur, par accord collectif dans les entreprises d’au moins 300 salariés, de fixer le nombre de réunions de la chimère qui peut être une tous les deux mois (division par deux, même tarif que celui fait pour les entreprises de moins de 300 salariés dans ce projet de loi). (Article 9)
33/ liberté de l’employeur, par accord collectif dans les entreprises d’au moins 300 salariés, de fixer les modalités d’établissement de l’ordre du jour des réunions de la chimère (voir reculs 14/ 15/ et 16/). (Article 9)
34/ liberté de l’employeur, par accord collectif dans les entreprises d’au moins 300 salariés, de fixer le rôle des délégués titulaires et celui des suppléants. (Article 9)
35/ liberté de l’employeur, par accord collectif dans les entreprises d’au moins 300 salariés, de fixer le nombre d’heures de délégation. (Article 9)
36/ liberté de l’employeur, par accord collectif dans les entreprises d’au moins 300 salariés, de décider de revenir 70 ans en arrière en créant une commission hygiène, sécurité et conditions de travail au sein de la chimère. (Article 9)
37/ un recul dans le cerveau des rédacteurs du texte (patronite aigüe ?, lecture excessive des Echos ? addiction au jeanpauljacquiérisme ?) qui prévoient la possibilité de créer au sein de la chimère, par accord collectif dans les entreprises d’au moins 300 salariés, des commissions… déjà prévues par la loi. (Article 9)
38/ liberté de l’employeur de revenir sur l’accord qu’il a signé sans avoir à attendre comme aujourd’hui le délai d’un an pour défaire la chimère qu’il a créée. (Article 9)
39/ après la loi scélérate n° 2013-504 du 14 juin 2013 qui avait réduit et rendu intangible les délais de consultation du comité d’entreprise, le projet de loi répare l’ « oubli » de faire rentrer dans la loi le même recul pour le comité central d’entreprise…. (Article 10)
40/ …une limitation du délai de consultation du comité central d’entreprise d’autant plus utile qu’il sera désormais souvent seul à être consulté ! (Article 10)
41/ comme pour le comité central d’entreprise, l’ « instance de coordination » des CHSCT sera la plus souvent la seule consultée, à la place des CHSCT d’établissement, et la seule à choisir un expert. Un prolongement et une aggravation de l’ANI du 11 janvier et de la loi du 14 juin 2013. (Article 10)
42/ limitation des délais pour les consultations que l’employeur daignera laisser aux CHSCT d’établissement. (Article 10)
43/ comme pour le CE depuis l’ANI du 11 janvier et la loi du 14 juin 2013 et quelle que soit la consultation, les CHSCT et l’ « instance de coordination » seront « réputées » avoir été valablement consultées et avoir rendu un avis, négatif, si, à l’issue du délai fixe (décret à venir) elles n’ont pas répondu et ce, quelle que soit l’ampleur de la question et l’insuffisance des informations fournies par l’employeur. (Article 10)
44/ liberté de l’employeur, au vu du texte, de pouvoir en cas de baisse des effectifs au-dessous de 50 salariés, supprimer le CHSCT en même temps que le comité d’entreprise au mépris de la loi qui transfère sur les délégués du personnel les attributions du CHSCT en l’absence de comité d’entreprise. (Article 11)
45/ l’élaboration d’un règlement intérieur, qui n’était que facultatif, devient obligatoire pour les CHSCT. Sans doute faut-il voir dans cette obligation nouvelle le fait que l’employeur peut voter dans la décision d’adoption d’un règlement intérieur et que la Cour de Cassation a jugé récemment illégales les clauses de règlement intérieur de CE ou de CHSCT qui imposaient à l’employeur des obligations plus contraignantes que la loi. Un peu la confirmation de la pente prise qui veut que, progressivement, si on peut faire moins, on ne peut faire plus que la loi. (Article 11)
46/ comme pour les chimères, suppression de la participation des délégués suppléants aux réunions de délégués du personnel. (Article 12)
47/ comme pour les chimères, suppression de la participation des représentants du personnel suppléants aux réunions du comité d’entreprise. (Article 12)
48/ suppression de la participation des représentants du personnel suppléants aux réunions du comité d’entreprise oui, mais le projet de loi fait une exception pour une seule réunion, celle à laquelle il vaudrait mieux qu’ils n’assistent pas : la réunion de propagande sur les « orientations stratégiques » de l’entreprise. (Article 12)
49/ liberté de l’employeur de ne plus avoir à supporter aux réunions la présence des membres du comité d’entreprise : une petite visioconférence suffira, même pour les votes à bulletin secret. La difficile question technique soulevée par ce vote a le mérite de faire penser aux manipulations que rend possible la visioconférence, en dehors même des votes. (Article 12)
50/ fin de la liberté d’établissement du procès-verbal des réunions du CE par son secrétaire : un accord, ou à défaut un décret, va fixer un délai et définir des « modalités » d’établissement. (Article 12)
51/ limitation par un décret des conditions de recours à l’enregistrement ou à la sténographie pour les séances du comité d’entreprise. La jurisprudence ayant admis et encadré ces pratiques souvent utiles pour les salariés, on perçoit ici la volonté d’y mettre un frein.
(Article 12)
52/ liberté du chef de l’entreprise dominante du groupe de recourir à la visioconférence pour les réunions de comité de groupe et d’y procéder aux votes à bulletin secret. (Article 12)
53/ liberté du chef de l’entreprise dominante du groupe de recourir à la visioconférence pour les réunions du comité d’entreprise européen. et d’y procéder aux votes à bulletin secret. (Article 12)
54/ liberté du chef de l’entreprise dominante du groupe de recourir à la visioconférence pour les réunions du comité de la société européenne et d’y procéder aux votes à bulletin secret. (Article 12)
55/ liberté de l’employeur d’organiser, quand il veut, des réunions communes d’information ou de consultation de plusieurs institutions représentatives du personnel : des chimères à la carte pour des consultations à la carte et un ordre du jour (Article 12)
56/ liberté de l’employeur, pour ces mêmes réunions très libres, de recourir à la visioconférence et au vote à bulletin secret. (Article 12)
57/ même liberté de l’employeur pour les réunions du CHSCT. (Article 12)
58/ même liberté de l’employeur pour les réunions de l’ « instance de coordination » des CHSCT. (Article 12)
59/ grande manœuvre d’assèchement du rôle d’information et de consultation du comité d’entreprise : le comité ne sera plus informé ou consulté sur l’essentiel des questions qui le concernent en dehors de « grandes » consultations formelles dont le projet de loi limite ensuite l’intérêt de plusieurs manières. (Article 13)
60/ suppression de la consultation du comité d’entreprise sur les projets d’accord collectifs ainsi que sur leur dénonciation. (Article 13)
61/ suppression dans leur version actuelle de toutes les consultations périodiques actuellement prévues par les articles L.2323-6 à L.2323-60 du code du travail. (Article 13)
62/ remplacement des 17 consultations périodiques trimestrielles, semestrielles ou annuelles par 3 « grandes » consultations annuelles, toutes les autres informations ou consultations entrant dans la catégorie « ponctuelles ». (Article 13)
63/ les trois « grandes » consultations annuelles sont calquées sur la logique de collaboration de classes mise en place par l’ANI du 11 janvier 2013. Les consultations sont toutes assises sur une base de données unique d’indicateurs chiffrés et articulées dans une valse à trois temps décrite dans une annexe à de l’ANI : 1) correspondant à la première consultation sur la « situation économique et financière de l’entreprise », l’objectif est de « contextualiser les résultats de l’entreprise et sa situation économique et sociale » les trois facteurs retenus (« évolutions économiques, concurrence, innovations technologiques ») permettant de faire passer le message de l’entreprise en situation difficile et confrontée à des défis ; 2) correspondant à la deuxième consultation sur les « orientations stratégiques de l’entreprise », l’objectif affiché est de « partager les options stratégiques de l’entreprise lui permettant d’associer agilité et résilience à trois ans », en clair faire partager la nécessité d’ « améliorer la compétitivité » face aux concurrents et préparer la troisième consultation en listant les « impacts organisationnels et sociaux des options stratégiques », en clair attendez-vous à des sacrifices maintenant que vous en avez partagé la nécessité ; 3) correspondant à la troisième consultation sur la « politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi », le délicieux langage patronal conduit, sans alternative possible, à « décliner les impacts organisationnels et financiers des options stratégiques partagées » et à « présenter les impacts sur la répartition de la valeur », en clair les représentants du personnel devraient être d’accord sur le fait que les salariés devront se serrer la ceinture, devront admettre qu’ils ne sont pas assez formés face aux évolutions, qu’il faut se préparer à des réorganisations et à des licenciements. (Article 13)
64/ liberté de l’employeur de faire, par accord, moins que la loi pour les modalités des consultations sur la situation économique et financière de l’entreprise ainsi que de la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi ; moins que la loi pour la liste et le contenu des informations pourtant déjà réduites à des indicateurs. (Article 13)
66/ recul très important sur l’égalité professionnelle hommes/femmes, notamment par la dissolution du rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes, base d’éventuelles pénalités pour l’entreprise.
Pour être juste, ce recul date de la discrète ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014 qui a ainsi modifié sur la base de données unique créée par la loi du 14 juin 2013 issue de l’ANI : « les éléments d’information contenus dans les rapports et informations transmis de manière récurrente au comité d’entreprise sont mis à la disposition de ses membres dans la base de données » puis, coup de baguette magique : « cette mise à disposition actualisée vaut communication des rapports et informations au comité d’entreprise ». De quoi comprendre l’ignorance (peut-être) au départ et en tout cas la mauvaise foi ultérieure du Ministre qui a répondu aux organisations syndicales et aux féministes qui s’étonnaient de la disparition du très important rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes. Quand on fait écrire les lois par le MEDEF, elles sont écrites pour ne pas être compréhensibles à première lecture. D’où sans doute la réaction : « Mais je croyais que le rapport y était ! » puis le mensonge « Rassurez-vous, on va le mettre dans la base de données ». Il y est déjà et il y est déjà légalement dissous dans les indicateurs chiffrés de cette base. (Article 13)
67/ disparition, come pour le rapport sur l’égalité professionnelle, de tous les rapports, bilans sociaux et informations transmis au CE, dissous dans la « base de données unique ». (Article 13)
68/ disparition de la transmission des rapports à l’inspection du travail, dissoute dans la « mise à disposition actualisée de la base de données ». (Article 13)
69/ accentuation de la propagande par adjonction à la consultation sur les « orientations stratégiques de l’entreprise » de la « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » ainsi que des « orientations de la formation professionnelle » : outre la séquence « pédagogique » sur les « orientations stratégiques » de l’entreprise à faire partager, les conséquences à accepter sont abordées : « Soyez mobiles, adaptez-vous, formez-vous ou c’est la porte ». (Article 13)
70/ liberté de l’employeur de limiter l’information et la consultation « stratégiques » au seul comité de groupe, les comités d’entreprise du groupe n’ayant alors plus qu’à discuter de qui sera muté ou licencié. (Article 13)
71/ limitation par décret pour les entreprises de moins de 300 salariés, les plus nombreuses, des informations figurant dans la base de données ! (Article 13)
72/ limitation de la consultation sur l’égalité professionnelle hommes/femmes par son intégration dans une « grande consultation » fourre-tout comportant 5 autres domaines. (Article 13)
73/ suppression du bilan social à communiquer au comité d’entreprise pour les entreprises de 300 salariés ; seulement à partir de 301 salariés et non plus 300 comme pour touts les autres consultations ! Sans doute l’humour du MEDEF. (Article 13)
74/ suppression de la communication aux membres du comité d’entreprise ainsi qu’aux délégués syndicaux du projet de bilan social et suppression de la communication aux salariés de l’avis du comité d’entreprise sur le bilan social. (Article 13)
75/ liberté de l’employeur, en jouant sur la réduction des anciennes consultations du comité d’entreprise en 3 « grandes » consultations, de ne plus consulter le CE, ou alors à sa convenance, sur toutes les questions d’ordre général qui ne seront plus abordées qu’ « en cas de problème ponctuel » : il lui suffira d’arguer que les questions que veut aborder le CE ne sont précisément pas « ponctuelles » et seront traitées dans les 3 « grandes » consultations.
Il est utile de rappeler que dans les « ponctuelles » figurent : organisation de l’entreprise, introduction de nouvelles technologies, restructuration et compression des effectifs, modification dans l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, offre publique d’acquisition, conditions de travail, procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire. (Article 13)
76/ suppression de la consultation annuelle obligatoire sur « la politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise ». (Article 13)
77/ Suppression du caractère périodique, ici trimestriel, de la consultation du comité d’entreprise sur les abus d’utilisation de contrats à durée déterminée et de contrats de travail temporaire, correspond à la logique du projet de loi. En prévoyant que cette consultation aura lieu quand il y aura un accroissement important de ce type de contrats par rapport à la situation existant lors de la dernière « réunion du comité ayant abordé le sujet », toutes les manœuvres de l’employeur seront possibles pour biaiser voire supprimer cette consultation ; soit en rendant difficile la détermination de cette réunion, soit en renvoyant à la mise à jour (pas faite, mal faite, non vérifiable) de la base de données unique… (Article 13)
78/ dénaturation de l’assistance du comité d’entreprise par un expert-comptable : l’examen annuel des comptes est remplacé la grande consultation fourre-tout sur la situation économique et financière qui repose sur la base de données unique. (Article 13)
79/ suppression de la consultation de documents comptables des grandes entreprises (celles définies par l’article L.232-2 du code du commerce) ainsi que des entreprises qui établissent ces documents (situation de l’actif réalisable et disponible, du passif exigible, compte de résultat prévisionnel, tableau de financement , bilan annuel et plan de financement prévisionnel.) (Article 13)
80/ suppression de la consultation du comité d’entreprise pour les projets d’accord d’intéressement. (Article 13)
81/ réduction à 3 des 12 obligations de négocier. 2 annuelles (« rémunération, temps de travail et partage de la valeur ajoutée » et « qualité de vie au travail ») ; 1 triennale dans les entreprises d’au moins 300 salariés (« gestion des emplois et des parcours professionnels »).(Article 14)
82/ suppression d’informations sur la situation comparée des hommes et des femmes à destination des délégués syndicaux et des salariés composant la délégation. Ces informations supprimées étaient celles qui « doivent permettre une analyse de la situation comparée entre les femmes et les hommes, compte tenu de la dernière mise à jour des données prévues dans les rapports prévus aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57 » et qui « font apparaître les raisons de ces situations. »…. (Article 14)
83/ habile tour de passe-passe pour faire disparaître dans la négociation les rapports de situation comparée entre hommes et femmes : l’actuel article L.2242-5-1 sur la négociation porte sur l’égalité professionnelle hommes/femmes et sur les pénalités pour les entreprises qui n’ont pas d’accord « ou, à défaut d’accord pas de plan d’action défini dans les rapports » de situation comparée « prévus aux articles L.2323-47 » pour les entreprises de moins de 300 salariés « et L.2323-57 » pour les entreprises d’au moins 300 salariés. En remplaçant ces derniers mots par « prévu au 2° de l’article L.2323-17 » qui ne mentionne plus les rapports en question, on les fait disparaître. (Article 14)
84/ noyée dans la « grande » consultation fourre-tout sur la « qualité de vie au travail », la négociation sur l’égalité professionnelle hommes/femmes est en outre, pour un des points essentiels – l’égalité des salaires- renvoyée à une autre consultation, celle sur la « rémunération, temps de travail et partage de la valeur ajoutée ». (Article 14)
85/ enterrement de la négociation sur la prévention de la pénibilité, noyée dans la consultation fourre-tout « qualité de la vie au travail ». (Article 14)
86/ suppression de l’information du comité d’entreprise sur la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. (Article 14)
87/ suppression de la consultation du comité d’entreprise prévue – à défaut d’accord dans la négociation – sur : « la gestion prévisionnelle des emplois et compétences », « les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne », la formation professionnelle et le compte personnel de formation, le temps partiel, les stagiaires et les contrats précaires, et la sous-traitance. (Article 14)
88/ Après la réduction du nombre de négociations (de 12 à 3), liberté de l’employeur, après accord, d’en espacer la fréquence pour tout ou partie des matières qu’il n’aura pas envie de négocier : faire passer à trois ans les négociations annuelles et à 5 ans les négociations triennales. (Article 14)
89/ Auto-blanchiment des employeurs délinquants sur l’égalité professionnelle hommes/femmes : l’employeur qui aura réussi à faire passer à trois ans par accord la périodicité des négociations sur l’égalité professionnelle hommes/femmes est « regardé » comme remplissant ses obligations en la matière pendant toute cette durée, en clair sera blanchi quelle que soit la situation des salariées de l’entreprise, plan d’action ou non. Et donc pas de risque de pénalités. (Article 14)
90/ dans la série, tout est désormais possible par accord, l’employeur pourra à sa guise diminuer plus encore le nombre de négociations et choisir, à la carte, les thèmes qu’il choisit de mettre dans telle ou telle négociation. (Article 14)
91/ en l’absence de délégués syndicaux, extension à toutes les entreprises (actuellement ce n’est possible que dans les entreprises de moins de 200 salariés), de la possibilité pour des représentants élus de signer des accords collectifs de travail sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif (à l’exception des accords collectifs sur les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel). (Article 15)
92/ Tous les accords collectifs, et non les seuls accords dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, pourront désormais être signés par des représentants élus du personnel, mais aussi par des salariés non élus, à la seule condition d’être mandatés. (Article 15)
93/ suppression de l’approbation nécessaire de la commission paritaire de branche pour les accords collectifs signés, en l’absence de délégués syndicaux, par des représentants du personnel élus. (Article 15)
94/ suppression de la nécessité du mandatement par une organisation syndicale pour la signature d’accords collectifs par des représentants du personnel élus. (Article 15)
95/ liberté de l’employeur de prendre l’initiative d’une négociation mais obligation pour les représentants du personnel de faire connaître leur réponse dans un délai fixe d’un mois. (Article 15)
96/ un immense recul : un simple salarié mandaté pourra se substituer aux représentants élus qui n’ont pas souhaité négocier dans le délai d’un mois et avaient pour cela de bonnes raisons (actuellement ce n’est possible que lorsqu’il n’y a pas de représentants élus (et pas de délégués syndicaux). (Article 15)
97/ division par 2 du nombre de réunions du CE dans les entreprises qui ont entre 150 et 300 salariés (1 fois tous les deux mois au lieu d’une fois par mois). (Article 16)
98/ division par 2 du nombre de réunions CE dans les entreprises où l’employeur a opté pour la délégation unique. (Article 16)
99/ extension pour tous les franchissements de « seuils » sociaux du blanchiment pendant un an des employeurs qui auront en toute légalité l’autorisation de ne pas appliquer la loi !… (Article 16)
100/ suppression de la possibilité pour les CE des entreprises qui ont entre 200 et 300 salariés de constituer des commissions de la formation. (Article 16)
101/ suppression de la possibilité pour les CE des entreprises qui ont entre 200 et 300 salariés de constituer des commissions de l’égalité professionnelle. (Article 16)
102/ adoucissement pour le MEDEF des conditions de mesure de la représentativité patronale. (Article 17)
103/ Mystérieuse et inquiétante introduction d’une mission « animation et gestion d’organismes de recherche » dans les missions d’intérêt général financées par le tout récent « Fonds paritaire » créé par accord entre les organisations représentatives de salariés et d’employeurs au niveau national et interprofessionnel, fonds lui-même financé en partie par l’Etat. (Article 18)
104/ obligation, très dissuasive, pour le salarié d’informer son employeur de sa décision de faire un recours auprès de l’inspecteur du travail contre le refus de son employeur de prendre en compte les aménagements de son poste proposées par le médecin du travail ! (Article 19)
105/ suppression de l’envoi annuel par l’employeur à la caisse de retraite et de santé au travail de la fiche détaillant les conditions de pénibilité des salariés soumis à ces conditions ; un envoi portant prévu par la récente loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 et qui devait entrer en vigueur au plus tard en 2020 faute de décret intervenu avant cette date. (Article 19)
106/ projet de mise en œuvre au 1er janvier 2017 d’un « compte personnel d’activité ». Un élément de plus dans la constitution déjà bien avancé d’un nouveau livret ouvrier, qui a pour objet et pour effet de mettre en concurrence tous les salariés et de donner aux employeurs tous les arguments pour en jouer.
Il faut pour voir la logique et l’avancement de ce dessein remonter au milieu des années 90, où la commission européenne avait passé un appel d’offres pour créer une carte individuelle où serait enregistré l’ensemble des qualifications et « compétences » acquises par le salarié. Ce document, décidé au niveau de l’Union européenne s’appelle l’Europass. Sa déclinaison française, le « passeport orientation et formation » créé par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 n’ayant pas eu le feu vert du Conseil d’Etat, a été renommé par la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 « passeport d’orientation, de formation et de compétences ». Le Conseil d’Etat entendu n’a rien dit et le gouvernement en a profité pour l’intégrer sur le site national ouvert le 1er janvier 2015 et géré par la Caisse des dépôts et consignations. Il y côtoie le nouveau « Compte Personnel de Formation », traitement automatisé de données personnelles créé par la loi du 5 mars 2014 et dont le décret n°2014-1717 du 30 décembre 2014 précise qu’il comprend au moins 83 champs, dont l’identifiant le plus liberticide, celui de la sécurité sociale, le handicap éventuel, l’adresse éventuelle à l’étranger, les numéros de téléphone et l’adresse électronique, les périodes d’inactivité avec les dates et les causes, la durée du travail, la rémunération, l’effectif de l’entreprise, la date éventuelle de décès…
La mise en route sur le site du « passeport d’orientation, de formation et de compétences » a été repoussée au 1er janvier 2016. Un retard sans doute lié à ce nouvel avatar « Compte Personnel d’Activité » qui ajouté au « Compte Personnel de Formation » pourrait en faire un équivalent avantageux car susceptible de pouvoir être encore plus accessible aux employeurs. (Article 21)
merci à Richard Abauzit
www.filoche.net
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