"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
dimanche 21 juin 2015
La pomme, le pesticide et la ministre, par Bruno Riondet
En quelques jours, les pesticides comme les pommes ont fait la « une » de l’actualité. Coup de com’ de la ministre de l’Écologie ou réelle « offensive » contre les pesticides ? Préoccupation de santé publique ou mesure de diversion ? Pas facile d’y voir clair.
La ministre monte au créneau
Ségolène Royal a annoncé l’interdiction, à partir du 1er janvier 2016, de la vente en libre-service aux particuliers des produits désherbants contenant du glyphosate, dont le fameux Roundup fabriqué par Monsanto. Un amendement à la loi de transition énergétique devrait être déposé au Sénat en juillet, a-t-elle précisé.
Dans les faits, il ne s’agit pas vraiment d’une interdiction. Les particuliers pourront continuer à se fournir en pesticides contenant du glyphosate : les points de vente devront seulement limiter l’accès à ces produits qui devront être vendus non plus en rayon mais au comptoir. La ministre de l’Écologie a annoncé des aides financières, « dans le cadre du plan éco-phyto » pour les points de vente qui se mettront en conformité avec la loi. Cette aide « servira à aider à former les salariés pour le conseil ». Les inconditionnels du désherbage chimique pourront cependant continuer d’acheter leur dose de pesticides.
De quoi s’agit-il ?
Le Roundup, fabriqué par la multinationale Monsanto, est le premier désherbant utilisé par les jardiniers amateurs qui sont quelque 17 millions en France. Au total, 2 000 tonnes de cette substance sont utilisées chaque année par les particuliers, et 8 500 tonnes par les agriculteurs et autres professionnels ! En mars dernier, le principe actif du Roundup, le glyphosate, a été classé comme cancérogène « probable chez l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer. Une étude aussitôt dénoncée par Monsanto qui, dans un communiqué du 23 mars, fustige la « science poubelle » (junk science) de l’agence intergouvernementale, comme le rappelle le site d’information Bastamag.
Manger des pommes …
C’est ce que dit la pub. Et recommandent les nutritionnistes. Mais jusqu’à combien ? Le 16 juin dernier, Greenpeace a publié un rapport détaillant les résultats de tests réalisés sur des échantillons de sol et d’eau de ruissellement en provenance de vergers de pommes situés dans 12 pays européens.
Inédite de par son échelle géographique et le choix de tester uniquement des vergers de pommes en agriculture conventionnelle, l’analyse révèle que les 3/4 de ces échantillons contiennent des résidus de pesticides. Les résultats soulignent également que 70 % des pesticides identifiés présentent une toxicité très élevée pour les humains ou la biodiversité.
Sur les 85 échantillons prélevés en avril 2015, 53 pesticides différents ont été détectés. Ces échantillons représentent un ’instantané’ de la contamination aux pesticides au moment de la floraison dans les vergers. « Ces tests prouvent la présence de cocktails de pesticides dans les vergers de pommes qui nourrissent la très grande majorité des Européens. Les conséquences pour la santé et l’environnement sont connues et alarmantes : il est largement temps de mettre fin à cet usage massif des pesticides qui dure depuis bien trop longtemps », déclare Anaïs Fourest, chargée de campagne agriculture à Greenpeace.
Alors effet d’annonce calculé ?
L’ONG Générations futures, qui milite farouchement contre les pesticides, tempère l’annonce de Ségolène Royal. « Le projet de plan Ecophyto 2 prévoit déjà dans son axe 4 l’interdiction de ‘la vente en libre service’ des pesticides au 1er janvier 2018. L’annonce de la ministre de l’Écologie ne fait donc que reprendre ce point et l’appliquer à un produit pesticide en particulier mais ne signifie pas l’arrêt de la vente du Round Up aux particuliers », écrit l’ONG.
Et pendant ce temps, l’agriculture industrielle se poursuit. Très gourmande en pesticides et autres produits phytosanitaires, elle sait pouvoir compter sur Stéphane Le Foll. Le 9 juin sur la chaîne Public Sénat, il déclarait ne pas avoir d’ « alternative » pour pouvoir interdire le glyphosate. L’utilisation de produits chimiques en agriculture a progressé de 5% par an en moyenne entre 2009 et 2013.
Et pendant ce temps, les projets de ferme-usines se poursuivent.
Grandeur de la communication, misère du libéralisme : il est temps de réagir.
(repris du site d'Ensemble!)
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