"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
mercredi 9 septembre 2015
Migrants, réfugiés : la droite française au bout de l’abjection, par Guillaume Liégard
Depuis des mois, pas une semaine sans une déclaration honteuse de tel ou tel membre de la droite dite républicaine sur les réfugiés. Florilège de ces dégorgements et rappel de l’histoire de France à ceux qui s’en réclament.
Bien sûr, les dérapages incontrôlés et les sorties de route ne sont pas l’apanage de la seule opposition parlementaire. La gauche gouvernementale a elle aussi creusé son sillon du « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », phrase initialement énoncée par Michel Rocard dans les années 1990 et initialement sans le correctif qu’on voulu lui ajouter certains socialistes.
Mais la droite française, dans sa course sans fin derrière le Front national, n’a de cesse de se vautrer dans la veulerie et l’indécence.
L’histoire de France selon Klarsfeld et Morano.
Certes, Guy Sorman, ultralibéral s’il en est, dans une tribune intitulée Les réfugiés d’aujourd’hui me rappellent mon père fuyant le nazisme, affirme : « j’ai honte pour l’Europe, son égoïsme, sa myopie historique et son arrogance de petit-bourgeois satisfait. »
Si toute règle admet ses exceptions, pour le reste, c’est plutôt le concours de l’abjection. Toujours nominé sur le podium de l’infamie, le multirécidiviste Arno Klarsfeld a pu ainsi commenter la mort d’Aylan le petit Syrien de trois ans retrouvé noyé sur une plage turque : « Personne ne dit que ce n’est pas raisonnable de partir de Turquie avec deux enfants en bas âge sur une mer agitée dans un frêle esquife (sic) ». Avocat tout comme Nicolas Sarkozy, mais comme son mentor certainement pas de l’orthographe, il ne doit lui aussi concevoir les traversées que sur le yacht de Bolloré, en tout cas pas sur un esquif de la misère.
De son côté, Nadine Morano, pendant des semaines, a pu tranquillement abuser de son "talent". Après avoir expliqué début août que « Paris devient sale » car envahi par les migrants et les SDF, elle a depuis remis le couvert avec des compétences historiques assez légères. Ainsi les réfugiés devraient « se battre pour leur pays » au lieu de le fuir comme des lâches ; « On dit qu’ils quittent leur pays, ils fuient la guerre. Heureusement qu’on n’a pas fait pareil, nous, en 1939-1945 ou en 1914 ! » Comment dire...
La fuite massive de populations belges, hollandaises, luxembourgeoises et françaises en mai-juin 1940 devant l’avancée des troupes allemandes ne fait manifestement pas partie de ses connaissances. Pourtant, cet exode demeure un des mouvements de masse les plus importants du xxe siècle en Europe, qui a jeté entre huit et dix millions de civils sur les routes. Près d’un quart de la population française, deux tiers de la population de Paris intra muros s’exilent alors, à commencer par le gouvernement de Paul Raynaud parti lui, sans attendre, dès le 11 juin 1940.
« Terroristes déguisés »
Mais les déclarations pitoyables de la droite ne se résument pas à cette méconnaissance crasse de l’histoire de France. Ces déclarations sont d’autant plus insupportables que le chaos géostratégique doit beaucoup aux interventions militaires des pays occidentaux que la même Nadine Morano soutient avec empressement.
La France, qui a participé à la seconde guerre du Golfe et a été le fer de lance de l’intervention en Libye, porte une responsabilité évidente dans la déstabilisation du Proche-Orient ou dans le Sahara.
Dure avec les faibles jetés sur les routes, victimes des passeurs risquant leurs vies sur des embarcations de fortune pour traverser la méditerranée, les mêmes n’ont pas assez d’excuses pour justifier l’exil fiscal. Pauvres malheureux, victimes du matraquage fiscal du gouvernement Hollande (sic), légitimés à échapper à l’impôt par le caractère quasi confiscatoire (re-sic) de la fiscalité française. Pourtant le refus de payer les impôts, de participer (un peu) à la solidarité nationale, voilà un bel exemple de lâcheté et d’égoïsme.Et que dire du maire de Roanne, qui ne veut accueillir que des réfugiés chrétiens !
Le député-maire Yves Nicolin (Les Républicains) s’est ainsi dit prêt à recevoir des réfugiés « à la condition qu’ils soient des réfugiés chrétiens », par crainte de « terroristes déguisés », selon des propos diffusés lundi sur France Bleu.
Les chantres des "racines chrétiennes" de la France devraient pourtant méditer les propos du pape François puisqu’il est une référence pour eux. Celui-ci vient d’appeler chaque paroisse d’Europe à accueillir une famille de réfugiés. À raison de 16.553 paroisses en France et en envisageant des familles de quatre personnes, cela ferait un peu plus de 66.000 migrants – bien plus que les 24.000 pauvrement annoncés par un autre François, président de la République, lui.
Surtout, au regard de l’histoire de l’entre-deux guerres, ces chiffres apparaissent ridicules, dans un pays bien moins peuplé et beaucoup moins riche qu’aujourd’hui : arrivée de 100.000 Russes et près de 60.000 Arméniens au tout début des années 1920, 500.000 réfugiés espagnols en février-mars 1939 (il est vrai pas très bien traités) et 800.000 émigrés italiens au cours des années 30.
Plus proche de nous, la France a encore accueilli 120.000 boat people vietnamiens et cambodgiens en 1979. Autre temps, autres valeurs que celle de l’égoïsme et du fric. Et il est temps que cela change.
Guillaume Liégard.
Publié sur le site de Regards. http://www.regards.fr/web/article/migrants-refugies-la-droite
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire