Pendant la soirée électorale, TF1 a diffusé un film
dont le titre, « le dîner de cons », résume à lui seul le paysage
politique qui se dégage de ce week-end de dupes. Deux de ces dîners de
cons se sont déroulés sur des scènes parallèles, jouées dans un même
espace-temps, sur le même territoire : une France en état d’urgence.
Tout va bien, puisque le FN a été vaincu grâce au sursaut des citoyens. Le vrai « con » c’est donc lui, le peuple-citoyen, l’invité d’honneur du dîner, à qui on aura demandé une fois de plus de venir sauver la patrie en danger face au diable incarné par les filles Le Pen.
En 2002, nous avions appelé à voter Chirac. Treize ans après, la gauche et les écologistes ont fait campagne pour Estrosi et Bertrand. En 2017, allons- nous battre le pavé pour Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé ? Car tel est le résultat réel de ces régionales. Les politiques de droite et de gauche ont aggravé la désespérance sociale, développé comme jamais le chômage et la précarité, surfé sur le rejet des Roms et de l’Islam, alimenté la déferlante sécuritaire… Tous ont joué de la « triangulation », récupérant en vrac les idées de gauche ou de droite, pour engendrer cette confusion ambiante qui tue la politique. Résultat : le dégoût et le désespoir ont alimenté le FN, seul parti qui profite de cette dynamique antisystème. Majoritaire chez les ouvriers, il est maintenant le parti préféré dans la jeunesse…Et quelles réponses nous apportent Manuel Valls et Jean Christophe Cambadelis ? Un grand rassemblement anti-FN autour du parti socialiste !
Ce n’est plus « moi ou le chaos », de De Gaulle en 1968, mais « nous ou le FN», selon le nouveau « narratif », comme le disent les spin doctors de l’Elysée et de Matignon. Sauf que ce chantage au Front républicain ne servira qu’à décourager un peu plus les millions d’abstentionnistes et de déçus d’une gauche de droite qui mène une politique aux antipodes des aspirations de ses électeurs. Que François Hollande arrive ou non au deuxième tour, en 2017, dans ces conditions calamiteuses, ne servira qu’à liquider une gauche déjà agonisante. Un processus de transformation « à l’italienne » est en train de se mettre en place, inexorablement. Le parti de Valls, Macron, Raffarin, Bayrou et de quelques écolos égarés, se constitue déjà sur les décombres d’une gauche réduite à regarder passer les trains de sa défaite.
La refondation d’un mouvement d’émancipation prendra du temps. Pour l’instant, il faut oser lutter contre la mise en place d’une société de l’hyper-surveillance, de l’état d’urgence et de ses effets, une société où l’on renie les principes de notre socle démocratique avec, par exemple, le recours indigne à la déchéance de la nationalité.
Le deuxième « dîner de cons» avait lieu au Bourget, samedi après-midi. Le petit marteau vert de Laurent Fabius, frappant la table pour signifier la fin des négociations, a été l’occasion d’un happening frénétique rarement vu dans une instance internationale. Comme si, ce samedi 12 décembre 2015, les délégués de la COP 21 avaient sauvé l’humanité, la planète, le climat ! Cette mascarade a pourtant masqué l’échec de la communauté internationale à isoler les pays pétroliers, en particulier l’Arabie Saoudite, qui avec l’effet cumulé de la baisse des prix du baril et l’essor des gaz de schiste, continuent à mettre en danger pour longtemps le climat… Avec les subventions des pays riches. Contrairement à ce qui est claironné, l’accord n’est en aucun cas contraignant ; il se contente de valider des contributions nationales volontaires, qui conduisent vers un réchauffement à 3°c malgré l’affichage de 1,5°c exigé par les pays menacés de disparition pure et simple. Rien n’est dit sur les méthodes, et donc sur les énergies renouvelables.
Les vrais vainqueurs de cette Cop 21 sont les entreprises pétrolières, assurées de pouvoir continuer à polluer la planète, le lobby nucléaire français consolidé, les apprentis-sorciers de la géo-ingénierie… Et la mafia de la compensation carbone. Dans quelques années, cet « accord historique » risque d’apparaître comme un gigantesque « dîner de cons » où les heureux élus qui croyaient au miracle auront été les dindons de la farce.
Finalement, le programmateur de TF1 s’est trompé, il aurait dû choisir de diffuser « la grande bouffe », ce film de Marco Ferreri, réalisé en 1973, qui raconte l'histoire de quatre hommes fatigués de leurs vies ennuyeuses et de leurs désirs inassouvis ; ils décident de s'enfermer dans une villa pour ce qu'ils appellent un « séminaire gastronomique », mais ils se livrent, en fait, à un suicide collectif en mangeant jusqu'à ce que mort s'ensuive… Nos responsables politiques de France ressemblent à ces quatre personnages : Ils sont devenus autophages à force de se contenter de gérer les conséquences d’une économie obscène et d’un capitalisme de la destruction.
Noël Mamère
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