C’est demain vendredi 17 août que Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina et Ekaterina Samoutsevitch, membres du collectif punk féministe russe Pussy Riot, devraient connaître le verdict du tribunal de Moscou où elles sont jugées pour avoir chanté dans la cathédrale du Christ Saint Sauveur de Moscou une prière parodique « Sainte Marie mère de Dieu chasse Poutine » pour dénoncer la collusion entre l’église orthodoxe et le pouvoir du président russe. Toujours emprisonnées, les trois jeunes femmes risquent trois ans de camp (peine demandé par le Procureur).
Les Alternatifs dénoncent la politique répressive systématique et brutale des autorités russes contre toutes les oppositions démocratiques, affirment leur soutien aux trois chanteuses des Pussy Riot et exigent leur libération immédiate.
- Lire ci-dessous un article paru dans les Inrocks.
A quelques jours de la journée mondiale de soutien aux Pussy Riot (17 août), retour sur l’histoire de ces trois jeunes femmes qui ébranlent la Russie. Palais des Sports Loujniki de Moscou, congrès du parti Russie Unie, nous sommes le 24 janvier 2011. Devant une salle chauffée à blanc et près de 11000 spectateurs, le Président russe Dimitri Medvedev prend la parole. Sans trembler, devant les caméras du monde entier, il annonce alors l’extraordinaire jeu de chaises musicales qui va faire de lui le complice d’une manipulation politique inédite. « Je pense qu’il serait bon que le congrès soutienne la candidature du chef du parti, Vladimir Poutine, au poste de président du pays ».
Le cauchemar des opposants au régime russe se réalise : Dimitri Medvedev et Vladimir Poutine s’échangent les rênes du pouvoir. Sonnant comme une sentence irrévocable, la petite phrase a scellé le sort du géant russe pour de très longues années. En effet, grâce à l’adoption d’une réforme constitutionnelle prolongeant la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans à partir de 2012 (sic), Vladimir Poutine, pourra théoriquement se représenter en 2018 et rester au pouvoir jusqu’en 2024 ! Une éternité…
Des lors, tout ce que la Russie compte d’opposants décide de ne pas se laisser faire. Parmi eux, à force de concerts sauvages, un groupe de punkettes hyper engagées commence à faire progressivement parler de lui : ce sont les Pussy Riot. En bonnes héritières du mouvement riot grrrl, ces féministes revendiquées nourries au sein de L7 et Bikini Kill multiplient les performances à Moscou où leur cote monte logiquement en flèche.
Dans une interview accordée au magazine Vice, les Pussy Riot confirment être entrées en résistance au moment du coup d’état légal de Vladimir Poutine. “A ce moment-là nous avons réalisé que ce pays (la Russie, ndlr) avait besoin d’un militantisme punk féministe, de fanfares jouant sauvagement dans les rues de Moscou et sur les places, mobilisant les énergies citoyennes contre les escrocs de la junte Poutiniste et enrichissant l’opposition russe de thèmes qui nous tiennent a cœur : les gender rights et autres droits LGBT, la lutte contre le machisme, l’absence d’un message politique audacieux sur les scènes musicales et artistiques, et la lutte contre la domination des hommes dans tous les domaines du discours public.”
En plus d’être énervées, les Pussy Riot ne perdent jamais de vue l’objectif de leur engagement : faire triompher les libertés dans un pays qui a finalement peu évolué en la matière depuis la fin de l’ère soviétique… Le véritable coup d’éclat mettra alors peu de temps à intervenir.
Le 21 février dernier, plusieurs individus vêtus de cagoules fluorescentes, de robes et de leggings colorés investissent la cathédrale du Christ Saint-Sauveur à Moscou. Leur objectif ? Un nouvel happening, cette fois destiné à dénoncer la collusion du pouvoir politique russe avec l’Eglise orthodoxe. Mimant le geste de croix et autres pieuses simagrées devant des fidèles médusés, les Pussy Riot entament une prière d’un genre étrange intitulée « Sainte Marie Mère de Dieu, chasse Poutine ». Au programme de cette récitation polissonne on trouve une dénonciation sans fard du pouvoir castrateur et des libertés fantômes mais aussi de la menace constante d’un « séjour » en Sibérie pour quiconque critique avec véhémence le manque de libertés dans la Russie de Vladimir Poutine…
Pour le pouvoir en place qui au moment de la révolution Orange, en Ukraine, avait organisé une réunion avec des rockeurs pour prévenir le danger d’une révolte qui pouvait venir du monde de la musique, c’en est trop. Trois membres du collectif Pussy Riot sont emprisonnées à la suite de la performance de la Cathédrale du Christ Saint-Sauveur.
Mise sous pression par toute la hiérarchie orthodoxe du pays, la justice russe promet d’être sévère. Accusées de blasphème et d’hooliganisme, Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 29 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, les trois membres supposées des Pussy Riot encourent d’abord sept années de camp. Non pas de prison classique (et déjà douloureuse) mais bien une peine de camp.
Le cas Pussy Riot divise la Russie ; la vidéo originale et sans montage du happening de la Cathédrale montrera pourtant une performance anodine et inoffensive, loin de mériter une quelconque peine d’emprisonnement… C’est alors que l’opinion publique mondiale, choquée, commence à prendre fait et cause pour ces icônes russes d’un nouveau genre. De Björk à Madonna en passant par Nina Hagen et Sting, des poids lourds de l’industrie de la musique se mobilisent et font pression sur le pouvoir russe.
On peut alors identifier deux phases majeures dans l’historique des poursuites judiciaires exercées contre le groupe punk : la première se caractérise par une injuste et démuselée sévérité qui correspondrait au relatif anonymat des Pussy Riot hors des frontières russes. La seconde phase, très récente, semble quant à elle indiquer une tendance nouvelle poussant bon gré mal gré le pouvoir russe à composer avec la nouvelle aura internationale des punkettes. C’est en effet depuis que la presse internationale (Libération, Spiegel) se focalise sur les activistes russes que la donne semble légèrement s’inverser. De sept années de camp, la peine maximale encourue est ramenée à trois. Première victoire. Ajouter à cela la mobilisation de stars internationales toujours plus nombreuses et vous obtiendrez un cas domestique plutôt banal devenant une vraie épine dans le pied du géant russe…
En marge d’une visite à Londres à l’occasion des Jeux Olympiques, Vladimir Poutine a ainsi estimé qu’il n’y avait “rien de bon” dans ce que les jeunes femmes avaient fait, mais il s’est toutefois montré indulgent à leur égard. “Je ne pense pas qu’elles doivent être jugées trop sévèrement pour ce qu’elles ont fait”. Effet d’annonce ou réelle volonté de ne pas inutilement engendrer ses propres martyres ? Vendredi 17 aout en début d’après-midi (date du jour de l’énoncé du jugement pour les trois prévenus), on saura à quoi s’en tenir
- Un rassemblement de solidarité aux Pussy Riot se tient également demain vendredi 17 août à 12h30 Place Stravinsky à Paris. Nous invitons celles et ceux qui seront à Paris à y participer.Ci-dessous le texte de l'appel unitaire :
Les
organisations signataires* appellent à un rassemblement pour la libération
immédiate de Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina et Ekaterina Samoutsevitch,
membres du collectif punk féministe russe Pussy Riot : ce rassemblement
aura lieu en même temps qu’un rassemblement similaire organisé à Moscou, et
dans plusieurs autres villes à travers le monde, à quelques heures du verdict,
attendu le 17 août en début d’après-midi. Le procureur
a requis contre les trois jeunes femmes 3 ans de camp, pour 3 minutes de
chanson.
Les trois
jeunes femmes du groupe punk féministe russe Pussy Riot ont participé le 21
février 2012, dans la Cathédrale du Christ Sauveur à Moscou, à une prière punk
intitulée « Sainte Vierge chasse Poutine ». Aucune dégradation du
lieu de culte n’a été constatée et aucune insulte envers les croyants n’a été
prononcée. Elles ont pourtant été rapidement arrêtées et sont accusées de
« vandalisme aggravé, d’incitation à la haine religieuse et de sabotage
des valeurs et du fondement spirituel du pays ».
Les jeunes
femmes plaident « non coupable », rejettent l’acte d’accusation
formulé contre elles et affirment que leur action n’avait pas un caractère
religieux, mais politique. Par cette entreprise, elles tenaient à dénoncer
l’utilisation politique de l’Eglise orthodoxe par le régime. Ce spectacle
s’inscrivait dans un cadre de protestation plus large contre Vladimir Poutine
et les élections frauduleuses en Russie.
L’affaire
des Pussy Riot est symbolique de la répression grandissante de toute forme de
contestation en Russie. Elle met en lumière les dérives inquiétantes
d’autorités prêtes à utiliser la justice comme arme politique pour combattre
ses opposants pacifiques. Le procès des Pussy Riot a été incontestablement
d’une grande iniquité. La peine requise par le procureur est clairement
disproportionnée par rapport à la performance politique et artistique des trois
jeunes femmes, qui n’ont fait qu’utiliser leur droit internationalement reconnu
à la liberté d’expression. Les organisations signataires appellent aujourd’hui
toutes celles et ceux qui défendent la liberté d’expression, et la liberté
artistique, les droits humains, les principes démocratiques et féministes à se
rassembler à Paris, ce vendredi 17 août 2012, à 12h30, afin de demander la
libération immédiate des membres du groupe Pussy Riot !
*Organisations
signataires : Amnesty International France, Association Russie-Libertés,
Convoi Syndical pour la Tchétchénie, FreePussyRiot.org France, Fédération
Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH), Ligue des droits de
l’Homme, Mouvement des Jeunes Socialistes, Les Jeunes écologistes, Osez le
Féminisme !, Syndicat SUD-PTT. Avec le soutien de l’Union syndicale
Solidaires.
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