Tout est donc prêt du côté des 'forces de l'ordre' : l'assaut des zones squattées de la ZAD (zone à aménagement différé du projet d'aéroport, rebaptisée Zone à Défendre), pour la karchériser de tous ses pouilleux, aura lieu avant le 1ier Novembre 2012. Des centaines de gendarmes, CRS, sont prêts. Les mardi 16 et 25 novembre sont évoqués de manière insistante, peut-être le samedi 27, ça peut être un leurre pour épuiser les militants avant le véritable déclenchement... dans la semaine... Cinq à huit lieux de vie sont concernées par chacune des opérations, pour disperser les forces.
Nous, opposants à l'aéroport, nous préparons aussi : les habitants de chaque lieu de vie au
premier chef, c'est à eux de
définir leurs propres formes de réaction (comme c'était aux
personnes -propriétaires
et exploitants- concernées de définir leur propre attitude lors de la visite du
juge des expropriations, maison par maison, parcelle par parcelle, au premier
semestre 2012). C'est à eux
aussi de définir le soutien qu'ils demandent à ceux qui seront à côté d'eux
face aux forces du désordre.
Une première
contre-offensive a eu lieu dès ce
week-end en avant première de ce
qui nous attend cette semaine : l'ouverture et réoccupation,
à l'initiative de militants anti-aéroport habitants légaux et illégaux,
d'une maison vide au Limimbout : pour
vider la zone, AGO/Vinci devenue propriétaire
des terres et maisons du Conseil Général, mure et fait garder les maisons qui se
vident par départ ordinaire de locataires (souvent en bail
précaire). C'est l'une de ces maisons qui a été ré-ouverte samedi soir, en avant-première d'une soirée de
soutien organisée par
l'Acipa, avec projection du film 'Notre Dame des Landes Au cœur de la lutte' réalisé par Christophe Kergosien et Pierrick Morin. à voir ou télécharger sur http://www.dailymotion.com/lagoradeBretagne#video=xpl3jb,
et un superbe concert des musiciens sud américains
Ismael Duran et Leon Chavez. La salle Cassiopée
était presque trop petite pour cette soirée
(plus de 200 personnes) dont l'annonce de la réoccupation
a été
l'un des temps forts. Elle nous a permis de nous ressourcer pour nous préparer
aux prochains jours...
Plusieurs réunions
ont eu lieu dimanche au Limimbout, réchauffées par un beau soleil
d'automne. Échanges
d'informations, étude de contre-offensives à
venir, préparation de la phase dite d''expulsions' dont
nous savons qu'elle ne pourra pas être
évitée,
et à laquelle se préparent
depuis des mois (parfois des années)
les personnes venues volontairement sur la ZAD.
Ces princes en godillots gadouilleux, fils improbables tout à la fois d'Arthur Rimbaud, de Gavroche, de Guy
Môquet, de tant d'autres aussi... sont venus ici
avec des projets de vie (maraîchage,
chèvrerie, boulangerie...) dans la recherche d'une
mise en cohérence radicale de leurs idées et de leurs modes de vie, recherche qui ne
peut que susciter le respect : pas facile
d'être des mois sous la tente, en caravane ou dans
des maisons laissées à l'abandon (qu'ils retapent !) sans autre 'confort' que ce qu'ils
souhaitent et peuvent eux-mêmes
s'installer et se procurer collectivement et librement. Ils veulent inventer d'autres
mondes, d'autres responsabilités et
solidarités, loin du consumérisme,
loin des flics (et des services sociaux, qui n'ont pas non plus très bonne presse parmi eux).
Certes, pour les vieux militant-e-s (éventuellement
soixante-huitard-e-s), la confrontation peut être
rude. La longueur d'infinies palabres pour s'organiser ensemble est parfois
compliquée à vivre.
Un certain refus de l'organisation collective, la promotion des choix
individuels dans l'action, et beaucoup d'insouciance sur la manière dont seront perçues par la population les différentes formes de résistance, tout cela peut poser de réels problèmes avec les habitants récents. Les différences
sont culturelles, mais aussi politiques. Mais comment ne pas voir qu'ils
dessinent les contours d'autres possibles ? Un jeune couple que je connais me lance sur
mai 68 'où tout était
possible mais dont il n'est rien advenu'. Je tempère : ces propos sont assurément ceux d'hommes, les mouvements féministes ont su poursuivre la conquête et assurer les droits des femmes après 68 ; et si
maintenant on peut avoir l'impression que 'rien n'est plus possible, qu'il n'y
a pas d'alternative,' ils sont, eux, la vivante preuve du contraire. Et je crève de dépit
quand je vois nos journaux télévisés nous
montrer inlassablement des personnes en pleurs (on peut le comprendre), en
train de craquer à
l'annonce de plans sociaux, de jugements de liquidations... Toujours des gens
broyés dans les moments de l'échec, des luttes perdues. Jamais de gens
debout, calmes, lucides, déterminés... Que les télés viennent donc faire un tour à Notre Dame !
Il n'y a pas de protection légale
pour les 'squatters', qui par définition
n'existent pas, et ne sont pas 'protégés par l''accord' post grève de la faim de mai 2012' (voir http://www.reporterre.net/spip.php?article2927).
Mais comme je l'ai dit dans l'article pré-cité' : 's’ils sont expulsés, d’autres endroits de la ZAD permettront leur
accueil.'
Quels que soient notre nombre et notre détermination non-violente, dans les lieux
expulsables, demain (ou dans quelques jours), il y aura destruction de lieux de
vie, de jardins, de cultures, de projets pas seulement rêvés. Et très probablement un déchaînement
de violence policière
au-delà de ce que nous avons pu déjà connaître.
Notre victoire ne peut pas être
militaire. Elle adviendra et sera politique.
La solidarité très concrète
(accueil des expulsés...),
le regroupement des forces... sont d'ores et déjà assurés. Nous
croyons en notre capacité à tenir jusqu'au rendu des différents recours, parce que nous en prendrons les
moyens. Mais, dans l'immédiat,
face à un déploiement
de forces par ailleurs totalement disproportionné, le
saccage des projets et réalisations
des zadistes est inéluctable.
A moins que les protestations ne soient si vives qu'il y ait à nouveau un report des expulsions.
Nous riposterons par de nouvelles occupations, par des réoccupations... Nous avons noué des contacts avec le DAL (qui occupent
actuellement le Lieu Unique à Nantes)
et les poursuivrons face à ces
maisons vides murées pour
en empêcher l'habitation, le droit au logement est
bafoué.
Nous ne seront pas les 'déguerpis'
de Vinci. J'ai entendu des dizaines de fois ce terme de la part de paysans lors
d'un périple de 3500 kilomètres en transport en commun, en Afrique de l'ouest,
en janvier/février 2011, dans la 'caravane des mouvements
sociaux' en route vers le Forum Social Mondial de Dakar (à l'initiative des branches Afrique du Dal, du
Cadtm et de Attac). Pour mener les expulsions (projets d'aéroports, d'échangeurs,
d'ensembles commerciaux et/ou immobiliers) des sbires font irruption dans les
cases, tapent au sol avec des fléaux en
hurlant 'déguerpis, déguerpis,
déguerpis' ; si pas
d'obéissance assez rapide, ils tapent -toujours au
fléau bien sûr-, sur
les quelques objets et sur les cases, puis enfin sur les gens... arrêtés sur
place, ou sortant, mais qui reviennent, et ça
recommence... Nous aussi allons recommencer. Je me sens ici en pleine cohérence avec mon engagement altermondialiste,
notre lutte est en pleine résonance
et solidarité avec tant d'autres luttes de par le monde,
pour la défense des terres agricoles, la souveraineté alimentaire et le droit des peuples à défendre
leurs territoires et modes de vie.
Quoi qu'il arrive cette semaine, nous ne serons pas écrabouillés, la
lutte contre le projet d'aéroport
de Notre Dame des Landes continuera. Elle n'en deviendra pas pour autant plus
facile, elle a besoin du soutien de tous.
Aujourd'hui, demain, après-demain...
'le verbe résister se conjugue
au présent' (Lucie Aubrac)
Geneviève
Coiffard-Grosdoy le 15 octobre 2012 à midi
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