Si le
fait d'avoir consacré leur une le 26 mai aux résultats de la France se
comprend hélas aisément, nombre de titres de presse en Europe -à
commencer par les quotidiens français- ont allègrement usé des thèmes
douteux et paresseux du « populisme » ou d' « une montée des extrêmes »
en guise d'analyse des résultats.
Oui, la
crise européenne, globale et multiforme, alimente une montée électorale
de l'extrême-droite et de la gauche de gauche, au détriment des partis
bourgeois et des sociaux-libéraux qui pilotent ensemble la construction
européenne. Rien de surprenant à cela !
Mais les
programmes et les réponses apportées à cette crise sont exactement à
l'opposé : par delà sa diversité, l'extrême-droite, fidèle à sa culture
nationaliste -à la base du fascisme et du nazisme, rappelons-le- refuse
toute construction européenne et préconise le retour à la nation et donc
la mise en concurrence des peuples européens entre-eux, l'inégalité et
les discriminations, le racisme plus ou moins ouvert et en particulier
le racisme anti-roms, l'islamophobie et l'antisémitisme, tandis que la
gauche de gauche refuse cette construction européenne-là pour proposer
une autre Europe, celle de l'égalité des droits et des solidarités, de
l'ouverture et des coopérations, de la démocratie et de l'écologie.
Dans ce
qui ressemble à une course de vitesse, l'extrême-droite a pris de
l'avance, même si confrontée à ses contradictions internes, on voit déjà
qu'elle peine à se regrouper et on imagine qu'elle sera de peu de poids
dans les débats du Parlement européen.
Et si la
gauche de gauche rassemblée dans le groupe de la GUE/GVN* progresse de
manière importante, cette avancée est en-deçà des espoirs antérieurs au
scrutin. Il était raisonnable en effet d'envisager une percée plus
significative et de s'imposer comme troisième groupe parlementaire
européen après le PPE et le PSE.
Quelles
que soient les analyses en cours Etat par Etat, le sens de cette
progression à la fois importante (50 eurodéputés au lieu de 35) et plus
limitée qu'espéré -notamment avec le surplace du Front de Gauche-, est
celui d'une difficulté, au-delà des résistances à l'Europe néo-libérale
et anti-démocratique et des aspirations à une autre Europe qu'elle
exprime, à incarner un vrai projet alternatif à l'échelle européenne.
Cela
signifie pour la gauche alternative que les liens permis par la présence
commune au sein de la GUE/GVN au Parlement européen et au sein du Parti
de Gauche Européen doivent se renforcer et s'approfondir.
Il s'agit
bien sûr de mener à bien les combats citoyens, écologiques, féministes
et sociaux au sein du Parlement européen. Il s'agit aussi et surtout de
relayer les mobilisations, dans une optique altermondialiste.
Mais il
s'agit également de mener à bien la réflexion sur le projet alternatif
pour une autre Europe, à l'échelle européenne, et d'approfondir la
réflexion stratégique sur l'articulation
désobéissance/rupture/refondation de l'Europe, réflexion amorcée pendant
la campagne électorale.
Les bons
résultats de la gauche de gauche vont nous y aider. La bonne tenue de
ces résultats dans l'Europe du Nord, moins touchée par la crise globale,
avec y compris des progrès dans certains cas, demeure un point d'appui
important. La faiblesse de la représentation des ex-pays du bloc de
l'est est un problème non-résolu. Mais la percée de la gauche
alternative slovène est un signe d'espoir, même si elle ne sera pas
représentée au Parlement européen. L'absence d'une représentation du
Royaume-Uni est aussi un problème. Mais l'affirmation spectaculaire du
Sinn Fein est un élément important et ouvre le spectre de la gauche de
gauche européenne aux exigences d'auto-détermination de ce que nous
appelions autrefois « les minorités nationales ».
Enfin, le
maintien de la gauche de gauche chypriote et portugaise -même si le
Bloc de Gauche recule- est un acquis solide ; la gauche de gauche
italienne est de retour après une terrible éclipse ; la magnifique
percée de la gauche alternative grecque à travers SYRIZA, première force
politique de Grèce se double du succès spectaculaire de Podemos.
Conjugué aux très bons résultats de la Gauche unie et des
« nationalitaires » de gauche de l'Etat espagnol, Podemos, dont les
députés européens rejoignent le groupe GUE/GNL, signe l'émergence de la
nouvelle culture issue des Indignés, basée sur la démocratie directe et
le renouvellement des pratiques politiques : essentiel pour répondre à
la crise de la politique, élément de la crise globale.
Bruno Della Sudda
*GUE/GNL : groupe des eurodéputé-e-s de la Gauche Unie Européenne/Gauche Verte Nordique
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