Pas d’alternative au chaos climatique si nous ne stoppons pas les entreprises polluantes et ne changeons pas le système.
Les négociations sur le changement climatique sont
dominées par des États irresponsables, des pollueurs et des entreprises
qui se soucient de leurs propres activités et de la recherche de profits
qu’elles peuvent réaliser à partir de nouvelles exploitations de
combustibles fossiles et à travers les nouveaux marchés du carbone,
détruisant les forêts, les sols, les zones humides, les rivières, les
mangroves et les océans, contribuant à la financiarisation et la
privatisation des écosystèmes et de la nature dont dépendent nos
existences.
Ceci a été plus qu’évident lors de la dernière Conférence
des Parties (COP) de l’ONU sur le changement climatique à Varsovie
(Pologne) où, parallèlement aux négociations sur le climat, un sommet de
l’industrie du charbon faisait une promotion sans vergogne du mensonge
qu’est le « charbon propre ». A Varsovie, les pays (passés et
présents) les plus responsables des émissions de gaz à effets de serre
n’ont absolument rien fait pour transformer les principales causes
socio-économiques de la crise climatique tels que les politiques de
commerce et d’investissement, d’énergie, de transport et d’agriculture,
pas plus qu’ils n’ont tenté de véritablement réduire les émissions à la
source. Les fonds publics engagés pour l’adaptation et pour le fonds
vert pour le climat sont tout simplement une plaisanterie par rapport
aux financements alloués au subventionnement des énergies sales, ou au
sauvetage des banques et du système financier.
Cette situation a conduit à ce que la plupart des
organisations de la société civile quittent les négociations sur le
climat de Varsovie afin de sensibiliser et déplacer l’attention publique
sur les populations mobilisées et les communautés qui résistent en
première ligne aux industries polluantes, ceci afin d’envoyer un message
clair : à travers le monde, nombreux sont ceux qui mettent déjà en
œuvre des alternatives énergétiques locales, sûres en terme de climat,
et les gouvernements devraient les écouter et arrêter de mettre en œuvre
des politiques en faveur des entreprises polluantes et de leurs
intérêts économiques.
Six mois se sont écoulés depuis Varsovie et la situation a
empiré.
Les négociations sur le climat qui se déroulent à Bonn
(Allemagne 4-15 juin) n’ont pas pour objet de déterminer comment réduire
les émissions à 38 gigatonnes d’équivalent CO2 d’ici à 2020, afin
d’éviter de brûler la planète avec des émissions qui pourraient
atteindre 57 gigatonnes d’équivalent CO2 d’ici à 2020. Si nous perdons
cette décennie, c’est le chaos climatique assuré. Aucun futur accord ne
sera en mesure de réparer les dégâts occasionnées par les émissions de
gaz à effets de serre actuelles. Le temps est venu d’agir. Il n’est
absolument plus possible de perdre du temps et de l’énergie pour des
fausses solutions qui maintiennent le business as usual.
En outre, le Sommet sur le climat de l’ONU de Ban Ki-moon
qui se déroulera à New-York en septembre, est sous l’emprise du secteur
privé qui pourra profiter du précieux accès réservé aux grandes
entreprises, y compris les grands pollueurs. Cet accès privilégié
approfondit la dangeurese et illégitime capture des espaces politiques
publics par le secteur privé.
Le changement climatique n’est pas seulement un problème
environnemental. Il est le résultat d’un système économique injuste
visant à poursuivre une croissance sans fin, à concentrer la richesse
dans les mains de quelques-uns qui surexploitent la nature jusqu’au au
point d’effondrement. Pour vraiment répondre à la crise climatique, la
surexploitation de la nature et des populations – actuellement menée par
des entreprises polluantes dont la priorité est de maximiser leurs
profits – doit être immédiatement arrêtée. La prolifération des
industries extractives, des projets de fracturation hydraulique et
d’exploitation des sables bitumineux, la privatisation menée à travers
les projets de reconstruction faisant suite aux catastrophes naturelles,
sont engendrés par un système capitaliste qui doit être changé. La
crise climatique ne sera pas résolue sans s’attaquer aux causes
profondes des dérèglements climatiques.
« Changer le système, pas le climat » implique,
entre autres mesures, de laisser plus de deux tiers des réserves de
combustibles fossiles dans le sol ; d’interdire toute nouvelle
exploration et exploitation de pétrole et de gaz, de sables bitumineux,
de gaz et pétrole de schiste, de charbon, d’uranium ; de mettre fin à la
domination des formes industrielles orientées vers l’exportation de la
production alimentaire, et de promouvoir l’agriculture à petite échelle
et un système agricole qui assure la souveraineté alimentaire ; de
soutenir le développement des économies locales soutenables, basées sur
la participation des populations, l’équité et la protection des
ressources naturelles ; de démanteler l’industrie et les infrastructures
militaires ; de réduire le temps de travail et créer plus d’emplois
pour restaurer la nature ; stopper et revoir les accords commerciaux et
d’investissement rédigés en faveur du secteur privé1.
« Changer le système, pas le climat » c’est aussi
la lutte contre les fausses solutions au changement climatique comme les
subventions publiques aux « charbon propre » et à la capture et au
stockage du carbone, les marchés du carbone, la privatisation des forêts
et de la biodiversité (à travers les dispositifs comme REDD), les
projets d’agriculture intelligente face au climat (« climate spart agriculture projects »), la géo-ingénierie, la biologie de synthèse, les agrocarburants industriels, les OGM, etc.
« Changer le système, pas le climat » exige
également que l’OMC et le système des accords de libre-échange, l’empire
mondial des entreprises transnationales et des banques soient
démantelés. Seule une société fondée sur un contrôle démocratique des
politiques, des ressources, des financements et des moyens de
production, sur une répartition juste et équitable du travail (y compris
le travail domestique et le travail des migrants), sur les droits des
femmes et des populations indigènes et le respect de la souveraineté des
populations, sera en mesure de garantir la justice économique, sociale
et environnementale. Changer le système nécessite de mettre fin à la
société patriarcale afin de garantir les droits des femmes dans tous les
aspects de la vie.
De nombreuses propositions contiennent déjà des éléments
clés nécessaires pout construire de nouvelles alternatives systémiques
comme le Buen Vivir, la défense des biens communs, le respect des
territoires indigènes et des aires de conservation communautaires, les
droits de la Terre Mère – les Droits de la Nature, la souveraineté
alimentaire, la prospérité sans la croissance, la déglobalisation,
l’indice de bonheur, les devoirs et les droits des générations futures,
l’accord des peuples de Cochabamba, etc.
La crise climatique est une immense menace à laquelle on
ne peut s’atteler qu’en articulant les luttes et mouvements sociaux,
démocratiques et écologiques. Les luttes se mènent sur tous sur les
fronts, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des négociations sur le
climat, mais elles ont besoin de suivre une stratégie commune et de se
concentrer sur le même objectif – la modification du système pour
stopper les dérèglements climatiques. Que ce soit à l’intérieur ou à
l’extérieur, des efforts doivent être faits pour mettre fin au « business as usual »
et à la main-mise du secteur privé sur la planète et ses ressources. Il
n’y aura pas d’alternative au chaos climatique si nous ne faisons rien
pour affronter et contester l’inaction de nos gouvernements détournée
par les entreprises polluantes. Il est crucial pour nous de renforcer
toutes nos luttes concrètes sur le terrain et concentrer nos énergies
sur la transformation du système.
Le temps des faibles stratégies, des demi-mesures ou des
promesses vides qui conduisent à perpétuer les activités des pollueurs,
est dépassé. Si nous voulons récupérer notre avenir, nous devons changer
le présent – changer le système et non le climat. Pour cela, nous avons
besoin de tout le monde.
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