"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
mardi 3 juin 2014
Retour sur le bilan des européennes sur la circonscription Grand Ouest, entretien avec Jean-Louis Griveau, conseiller municipal de Douarnenez
Pour courte qu’elle ait été, la campagne du Front de Gauche a été active dans le Finistère. Comment l’as-tu vécu ?
Jean-Louis Griveau : La campagne a été courte, mais surtout tardive ; Comme partout, les municipales ont mobilisé les réseaux du Front de Gauche pendant des semaines dans une campagne de terrain très prenante. Il n'était pas évident de se remobiliser pour un nouvel effort militant sitôt ces municipales passées. Malgré tout, les choses se sont faites. Les militants du Front de Gauche, ses composantes organisées comme ses membres individuels, se sont vite mis à l'oeuvre. Bien sur l'implication des uns et des autres a connu des hauts et des bas selon les secteurs ou les disponibilités, mais globalement, la mobilisation a été au rendez vous.
Compte tenu des conditions dans lesquelles elle se déroulait, cette campagne a souvent tenu du miracle permanent avec beaucoup d'improvisation. On doit en particulier tirer un grand coup de chapeau aux camarades qui se sont collés dans des délais hyper courts à la réalisation du matériel de campagne. On aurait sans doute pu faire encore mieux avec un peu plus de temps, mais les documents édités étaient déjà de très bonne qualité, tant en termes de contenu que de forme.
Après avoir été contestée par certains pour ne pas être issue de la grande région, Myriam Martin a-t-elle réussi à fédérer les énergies et à dynamiser Ensemble ?
J-L.G. : L'interrogation de départ portait sur la pertinence d'une tête de liste extérieure à la circonscription : Ne risquait on pas de se voir reprocher une forme de « parachutage » qu'on critique chez les gros partis ? Pour autant, les élections européennes sont des élections nationales et la circonscription « ouest », fruit des charcutages électoraux du ministère de l'intérieur, n'a pas plus de sens que les autres. Une fois la candidature de Myriam actée, je n'ai entendu personne la remettre en cause et toutes les composantes finistériennes du Front de Gauche ont joué le jeu. Qui plus est, Myriam a assuré avec brio : lors de sa venue dans le sud Finistère elle a démontré sa capacité à intervenir sur les questions agricoles ou celles de la pêche.
Et pourtant le résultat est faible ?
J-L.G. : Certes. La liste conduite par Myriam Martin enregistre 5,27 % des voix dans le Finistère, légèrement au dessus du score de la circonscription (5,19%). C'est bien évidemment très au dessous de ce qui était espéré et de ce que la dynamique de la campagne pouvait nous laisser entrevoir. Dans bien des coins, le Front de Gauche a été le seul à mener campagne. Quand on regarde un peu plus dans le détail, on constate de très bons scores dans certaines communes. Pour une part, cela correspond à des communes où il reste une tradition de vote communiste. C'est le cas par exemple à Berrien et Locmaria Berrien, deux communes rurales des monts d'Arrée, où la liste Front de Gauche fait respectivement 14,8 et 29 %, mais aussi à Scaer dans le sud est du département. Pour une autre part, de bons résultats sont également enregistrés dans des communes où le Front de Gauche a mené un travail de longue haleine au quotidien : Morlaix et sa région, le Pays Bigouden, dans une moindre mesure Douarnenez ou des grandes agglomérations telles que celles de Brest et Quimper... A côté de çà, il y a de vraies contre-performances. Cà doit nous interroger sur le travail qui reste à faire en termes de présence sur l'ensemble des territoires.
Une des surprises pour qui n’est pas du département est le score de la liste Troadec, liste populiste s’il en est, non ?
J-L.G. : Le résultat de la liste Troadec est loin d'être une surprise, malheureusement. Le personnage et ceux qui le soutiennent surfent depuis longtemps sur des ambiguïtés savamment entretenues : récupération de la colère sociale que vivent en particulier les salariés de l'agroalimentaire victimes de nombreux plans de licenciements (une syndicaliste CGT de l'agro, élue municipale communiste figurait sur sa liste) ; croisade antifiscale telle qu'elle s'est exprimée contre l'éco-taxe ; « Paris » présenté comme coupable de tous les maux de la Région en dédouanant le patronat breton de ses responsabilités ; l'union sacrée pour la défense de la Région... La recette s'est avérée payante. Troadec instrumentalise à son profit l'identité bretonne et la lutte historique des Bonnets Rouges qui fut à la fin du 17ème siècle une révolte contre l'oligarchie autant qu'une révolte antifiscale. On ne peut que regretter l'erreur de stratégie du mouvement syndical qui, lors de la mobilisation sociale de l'agroalimentaire à l'automne dernier, a de fait laissé le champ libre pour un tel dévoiement.
L’éclatement du courant régionaliste, entre liste Troadec et liste UDB, aura-t-il des conséquences dans les mois à venir ?
J-L.G. : Il est clair que Troadec prépare déjà les Régionales et qu'il se positionnera en champion de la défense de la Bretagne, quitte à négocier au second tour avec Le Driant sur le dos de l'UDB. Cette dernière formation était alliée aux Verts lors des dernières Régionales, puis a rejoint la « majorité régionale » socialiste alors qu'EELV restait dans l'opposition. Au dela des avatars que connaîtront ces courants politiques, la problématique est clairement posée au Front de Gauche et en particulier à la gauche alternative en son sein : peut on laisser la question de l'identité bretonne, la question de la réforme territoriale aux seuls régionalistes, au risque de dérives nationalistes possibles ? Il est urgent d'avoir ce débat et il faut reconnaître que les déclarations récurrentes de Jean Luc Mélenchon sur la langue et la culture bretonnes mettent le Front de Gauche en difficulté en Bretagne
Tu viens d’être élu conseiller municipal d’opposition à Douarnenez. Comment la liste, qui a imposé sa présence au second tour, a-t-elle passé les européennes ?
J-L.G. : Aux municipales, il s’agissait d'une liste de gauche citoyenne, rassemblant bien au dela du Front de Gauche. Un certain nombre de personnes ayant été candidat-e-s aux municipales ou ayant soutenu la liste « Initiatives Citoyennes » nous ont accompagné à l'occasion des européennes. Mais elles l'ont fait à titre individuel, le Collectif qui avait porté la liste municipale n'a pas pris de position sur ce dernier scrutin. Il aurait sans doute été souhaitable qu'on ait au moins un débat sur l'Europe au sein du Collectif ; mais le calendrier des deux élections et aussi le besoin de souffler après des mois de campagne municipale ne l'ont pas permis
Un mot enfin sur le score du front National dans le département ?
J-L.G. : C'est un score inquiétant et le fait qu'avec 15,4 %, il soit à 10 points au dessous de sa moyenne nationale n'est pas pour nous rassurer. Pendant longtemps la Bretagne a semblé à l'abri du vote FN, originalité qu'on expliquait par une tradition démocrate chrétienne fortement ancrée dans la région. On se rend compte que les scores frontistes tendent à s'homogénéiser sur le territoire comme si, sous l'effet de la désespérance sociale, les inhibitions finissaient par tomber. Là encore, il y a un immense chantier de reconquête culturelle à mener.
Entretien à paraitre dans la lettre des élu-e-s alternatifs juin 2014
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La gauche bretonne s'avère déconnectée des milieux populaires qui trinquent. Les parties populistes ou xénophones récupérent la colère sociale. Ceci associé à une abstention massive. On y ajoute une illisibilité au sein du FdG où le PCF joue en mide des alliances bissextiles. La sanction est du coup sévère.
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