mardi 1 septembre 2009

Cachez ces crises que je ne saurai voir


L’article de mon collègue Yann Vince paru dans l’Humanité du 17 Août 2009 et portant sur le projet d’aéroport à Notre Dame des Landes en Loire-Atlantique révèle une absence de prise en compte de la triple crise que nous vivons, non seulement en France mais aussi sur notre planète, crise écologique avec le réchauffement climatique, crise économique avec l’appropriation des bénéfices par les actionnaires, et crise sociale avec la concurrence de tous contre tous et la destruction des protections sociales.

Le débat public sur ce projet rappelé par Yann Vince a bien eu lieu mais une information complète m’oblige à préciser que, concernant les alternatives à ce projet, mises au débat dès le début, aucune évaluation indépendante n’a été entreprise ; la seule mention dans le dossier d’enquête publique évacue d’un revers de main ces propositions. Les qualifier de déclin face au progrès d’un « aménagement durable » - par ailleurs non défini - révèle soit une étude incomplète du dossier, soit une caricature de la réalité. De plus, Yann se rappelle qu’aucun débat n’a été organisé au sein de notre Conseil Communautaire, ni même au Conseil Municipal de Nantes, et que seule une délibération a été soumise à notre vote, c’est la « clause du retour à meilleure fortune », en vue d’assurer à l’éventuel candidat retenu pour la construction et l’exploitation de la nouvelle plateforme une compensation sur ses fonds investis en cas de problème financier dû à des changement de conditions économiques durant la délégation, c’est-à-dire 55 ans, merci pour nos enfants. On est une fois de plus dans la socialisation des pertes qu’en temps qu’élus de la gauche nous devrions combattre.

La réponse aux besoins du trafic aérien souhaité par Yann Vince ne nécessite en aucune façon la construction d’une nouvelle plateforme : le trafic actuel de 2,8 millions de passagers, et celui projeté par les promoteurs du projet, 9 millions de passagers en 2050, si tant est qu’il existe un jour, reste tout à fait compatible avec la plateforme actuelle puisque, pour ne prendre que quelques exemples, Genève, San Diego, Stansted ou Gatewick, avec leur piste unique, accueillent respectivement 11, 17, 24 et 35 millions de passagers ; il y a de la marge.

Lorsque Yann Vince pointe la mauvaise configuration géographique de la plateforme actuelle de Nantes-Atlantique, il a raison mais l’alternative de réorienter la piste, comme proposé par l’association Solidarité-Ecologie, donne une réponse pertinente et raisonnable : pertinente car l’impact en terme de bruit serait divisé dans un rapport 10, et raisonnable en raison d’un coût bien moindre puisque les travaux porteraient sur une piste avec ses taxiways au lieu d’un aéroport complet avec ses accès.

Par contre, lorsqu’il évoque la concurrence avion–route ou les questions énergétiques, il se trompe : l’avion sur des longues distances ne concurrence pas la route ni même le train, mode paradoxalement non évoqué ici par lui-même. Mais le train est pourtant une réelle alternative à l’avion sur des distances moyennes allant jusqu’à 1 000 Km voire plus, c’est-à-dire sur la plupart des liaisons intérieures voire européennes au départ de Nantes.

De plus, lorsque mon collègue évoque des substitutions en matière énergétique, c’est une simple profession de foi : si des agro-carburants existent bel et bien, les moteurs à hydrogène ou les piles à combustibles n’ont, à ce jour, pas été installés sur des avions et les obstacles techniques sont colossaux mais, en tout état de cause, la ressource hydrogène resterait à fabriquer, ce qui est particulièrement dispendieux en énergie primaire. Je rappelle également les conflits pour l’usage de la terre suscités par les agro-carburants, concurrents de l’alimentation humaine. De ce point de vue, les 2 000 ha de terre nourricière accaparés par le projet de Notre Dame des Landes sont un symbole d’anti-développement durable.

Mais au-delà de ces données, prétendre faire du développement durable en promouvant le transport aérien est plus que paradoxal pour trois raisons :

• la première tient aux rejets de Gaz à Effet de Serre avec, non pas 1% des rejets totaux comme le dit mon collègue Yann Vince mais 3,3% pour les seuls vols intérieurs et 13% en intégrant les relations internationales (source ADEME) ; à titre d’exemple, en comptant les rejets totaux de Gaz à Effet de Serre en équivalents CO2, un trajet Paris-Marseille en avion rejette 300 Kg de CO2 et seulement 6 pour le même trajet en TGV (source ADEME et GIEC).

• la deuxième tient dans les conséquences économiques de ce gaspillage énergétique causé par ce mode de développement productiviste, modèle que nous combattons, avec une contribution à l’épuisement des ressources en hydrocarbures qui vont maintenant vers une diminution inexorable dans un processus qui génère une augmentation importante du prix du pétrole : les 140 $ du prix du baril en 2008 ne sont qu’un début.

• La troisième n’est pas la moindre : le modèle déployé par le transport aérien complètement libéralisé est celui du Low Cost sur lequel les gestionnaires de l’aéroport s’appuient pour leur développement. C’est un véritable scandale social mis récemment en évidence avec la condamnation de la compagnie Easy Jet pour travail dissimulé ; ce n’est pas notre modèle social de développement.

Bien entendu, je réitère la demande, avec plusieurs centaines d’élus de Loire-Atlantique, d’un nouveau débat public équilibré et honnête, notamment au sein des instances délibérantes ; je demande la publication du cahier des charges de l’appel d’offre, jusqu’ici refusée ; il s’agit pourtant, dans ce projet, de l’utilisation d’argent public.

La coordination des associations opposées à l’aéroport de Notre Dame des Landes, le groupe de plus de 300 élus sont des moyens que nous avons contribué à construire pour peser sur la réévaluation de ce projet, vieux de plus de 30 ans. Les inébranlables certitudes des soutiens à ce projet ressemblent à celles concernant l’extension du port de Donges-Est, en Loire-Atlantique, qui avait, lui aussi, fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique mais maintenant abandonné, laissé au musée des années Pompidou, époque où la préservation de la planète n’était pas dans les têtes et où seule comptait le taux de croissance et le productivisme, par ailleurs sans retour pour le bien des classes laborieuses.

Tenons compte que, depuis les années 70, le monde a plus que légèrement changé.

Bertrand Vrain, conseiller communautaire Alternatif de Nantes Métropole

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire