"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
mardi 12 juin 2012
Législatives : Triomphe du bipartisme et de l’abstention, par Michel Soudais (Politis)
Le bipartisme triomphe dans une marée d’abstention. Le présidentialisme et l’inversion du calendrier ont tué les législatives et la politique. Le PS et, dans une moindre mesure, l’UMP sont les seuls gagnants du scrutin de dimanche.
Le Parti socialiste et l’UMP sont bien les seuls à pouvoir se réjouir des résultats du 1er tour des élections législatives. Le parti de François Hollande parce qu’il arrive en tête du scrutin et semble en passe d’obtenir avec ses alliés (PRG, MRC et divers gauche) la majorité absolue en sièges (289). Le parti de Jean-François Copé et François Fillon parce qu’il talonne de 2 points le PS et devrait « limiter la casse » en maintenant une forte représentation de la droite dans la future assemblée (entre 210 et 263 sièges avec ses alliés Nouveau centre, Parti radical, divers droite, plus que jamais satellisés). Le bipartisme s’impose. La contrepartie, sinon la cause, de cette évolution politique est un nouveau record d’abstention : 42,77 % des électeurs ont boudé un scrutin présenté par le gouvernement, le Parti socialiste et les mass medias comme un simple vote de confirmation. Et donc dénué de véritable enjeu. A chaque élection législative organisée dans la foulée de la présidentielle, le désengagement des électeurs s’accroît : de 34,3 % en 1988, l’abstention est passée à 35,6 % en 2002, 39,6 % en 2007.
Résultat, l’Assemblée nationale qui sortira des urnes sera la plus mal élue de la Ve République, signe d’un système à bout de souffle, gangrené par le présidentialisme et la personnalisation extrême de l’élection du locataire de l’Elysée qui surdétermine toute la vie politique. Et annihile tout véritable débat sur les politiques alternatives.
Outre la démocratie elle-même, le scrutin a fait trois perdants. Avec des stratégies opposées, le Front de gauche et Europe-écologie – Les Verts escomptaient pouvoir disposer d’un groupe autonome pour peser sur les choix politiques de la nouvelle majorité. Ce ne sera vraisemblablement pas le cas.
Au-delà du symbole de l’échec de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont, le Front de gauche, qui se présentait partout en concurrence avec la PS et ses alliés, perd beaucoup de voix et de terrain par rapport à la présidentielle. Son score (6,91 %) est certes supérieur à celui du PCF en 2007 (4,07 %), mais le gain en sièges risque fort d’être négatif.
Plusieurs de ses élus sortants, pour certains parmi les plus actifs de l’hémicycle, sont éliminés dès le premier tour (c’est le cas de Martine Billard, co-présidente du PG, dont la circonscription avait été redécoupée) ou devancés par un candidat socialiste, malgré de bons scores : Roland Muzeau (PCF), président du groupe de la gauche démocrate et républicaine, dans la 1ère circonscription des Hauts-de-Seine (29,76 %) [1], Marie-Hélène Amiable (PCF) dans la 11e circonscription des Hauts-de-Seine (29,2%), Jean-Pierre Brard (app. PCF) à Montreuil-Bagnolet (32,75 %), Patrick Braouezec (Fase) à Saint-Denis (31,17 %), Jean-Paul Lecoq (PCF) au Havre (30,26 %). C’est également un socialiste Yves Blein qui est arrivé largement en tête dimanche avec 37,03% dans la 14e circonscription du Rhône (Vénissieux-Saint-Fons), dont le député sortant, le communiste André Gérin, ne se représentait pas.
Côté EELV, l’accord conclu avec le PS, en novembre, comportait un volet programmatique abandonné, et un volet électoral, qui réservait une soixantaine de circonscriptions pour les candidats Verts. EELV devait obtenir 15 élus en cas de défaite de la gauche, 25 à 30 si elle l’emportait. Dimanche soir toutefois, au vu des voix obtenues par ses candidats (5,46% des suffrages), ce sont des projections bien moins favorables que donnaient les instituts de sondages : 8 à 14 sièges (Ipsos), 12 à 16 sièges (TNS-Sofres) ou 12 à 18 sièges (CSA). Car si l’accord avec le PS a été « respecté au niveau national », « il l’a moins été » dans les circonscriptions « réservées » par le PS à des candidatures écologistes, qui ont trouvé sur leur chemin une vingtaine de candidatures dissidentes. Elles ont douchés les espoirs qu’EELV formait pour Michel Balbot (Côtes d’Armor), Magali Deval (Finistère), Slimane Tir (Nord), Philippe Meirieu (Rhône), mais aussi pour Thierry Pradier (Sarthe), Agathe Remoué (Ille-et-Vilaine), Nicolas Guillemet (Saône-et-Loire), Omar Ayad (Orne), tous devancés par un dissident de gauche. La stratégie d’arrimage au PS choisie par EELV ne s’est, pour l’heure, pas révélée plus fructueuse que « l’autonomie conquérante » suivie par le Front de gauche.
Enfin, le Front national échoue à mettre l’UMP sous pression, objectif que sétait fixé Marine Le Pen. C’est le troisième perdant du scrutin de dimanche. Certes en s’affichant triomphante à Hénin-Beaumont, où elle arrive largement en tête après avoir conduit une campagne fangeuse, la présidente du Front national fait illusion. Mais si le score national du parti d’extrême droite (13,6 %) est nettement supérieur à celui de 2007 (4,24%), il reste en deça des 3.785.383 voix et 14,94 % rassemblées aux législatives de 1997, année où le FN avait pu maintenir ses candidats dans 133 circonscriptions, provoquant un grand nombre de triangulaires fatales à la droite gouvernementale. Victime de la faible participation, le FN ne pourra maintenir ses candidats dimanche prochain que dans 61 circonscriptions, dont 32 triangulaires. Pas de quoi faire exploser la droite. Et les projections ne lui accordent que 3 sièges maximum. Autant qu’au MoDem qui, lui, est en voie de disparition.
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