jeudi 4 septembre 2014

Rebsamen, entre cancre et fripouille, par Claude Gabriel (Ensemble)


Nord-Pas de Calais : « Les offres d’emploi collectées par Pôle emploi en région Nord-Pas-de-Calais baisse de -4,4% au cours des trois derniers mois par rapport aux trois mois précédents (-5,5% sur un an). Les offres d’emplois durables (plus de six mois) diminuent (-3,6%), les offres d’emplois temporaires (entre un et six mois) diminuent (-4,2%) et les offres d’emplois occasionnels (moins d’1 mois) diminuent (-9,1%) » (Bulletin de PE Nord-Pas-de-Calais fin août). Dans cette région l’emploi industriel a reculé de 2,6% sur un an soit 9.000 postes et dz 500 dans la construction. Même le tertiaire voit ses effectifs s’effriter. 

En Rhône-Alpes – région industrielle - selon une étude de Pôle emploi (avril 2014) le « top 3 des métiers porteurs » sont viticulteurs/cueilleurs (essentiellement saisonniers), serveurs de cafés/restaurants et agents d’entretiens de locaux. La grande majorité des métiers recrutant sont des métiers sous tension c’est-à-dire ceux dont le taux de rotation est très élevé et souvent peu qualifiés. Les fameuses « difficultés à recruter » touchent essentiellement ces métiers souvent en raison des conditions de travail et de salaires. Les plus fortes tensions concernent les établissements de moins de 20 et les entreprises de plus de 100 déclarent peu de difficultés à recruter quand elles le doivent. 


Que pôle emploi aient des offres encore heureux sinon cela signifierait qu’il n’y a plus de marché du travail. Mais ce qui est le plus important serait de savoir les emplois nets ainsi créés par les entreprises privées ou publiques. 

Une étude de Xerfi (juin 2014) établie le rapport entre les macro-secteurs créateurs d’emplois et ceux qui détruisent des emplois. Un peu plus de 373.000 pour les premiers et plus de 470.000 pour les seconds. Le différentiel négatif est 99.460 exactement. Les premiers concernent les secteurs des services en moyenne faiblement qualifiés, les seconds concernent l’industrie et la construction. 

Mais l’essentiel est ici de constater l’écart notionnel entre les besoins de recrutement des entreprises version Pôle emploi et les créations nettes. 

Ministre des radiations 

L’actualité confirme cette première lecture, car la majorité des grandes branches suppriment des postes en commençant par les grands groupes de tête. EADS dans l’industrie aéronautique, BASF et Total dans la chimie et le pétrole, Merck et Johnson dans la pharmacie, Air France dans le transport aérien, Orange et SFR dans les télécoms. Y compris le commerce et le tourisme (La Redoute, Les 3 Suisses, Auchan, TUI), dans l’agro-alimentaire (Pernod Ricard). Sans oublier les banques qui s’apprêtent toutes à revoir leur modèle de réseaux d’agences ou la construction dans laquelle des groupes comme Vinci s’apprêtent à faire un « grand ménage », etc. Ensuite viennent les sous-traitants. 

On comprend donc pourquoi les branches ne se sont pas précipitées pour engager avec les organisations syndicales la négociation sur la suite des contreparties du pacte de responsabilité. Comment les principaux employeurs de ces secteurs pourraient-ils évoquer un plan d’embauche quand leur propre entreprise mène une politique de réduction d’effectifs et de réorganisation opérationnelle ? Quant à l’investissement, il ne progresse pas avec une probable quasi-stabilité en 2014 par rapport à 2013. 

Le gouvernement espérait que ses mesures provoqueraient un déclic chez les industriels. En juillet, les chefs d'entreprise de l'industrie manufacturière ont en effet revu à la baisse leur prévision recueillie en avril dernier quant à leur investissement en 2014. Ils anticipent désormais une quasi-stabilité par rapport à leur investissement en 2013 : +1 % ! L'année 2013 avait pourtant été déjà marquée par un recul conséquent de 5% de ces dépenses pour le futur. 

Selon l'Insee, la révision à la baisse des prévisions pour 2014 concerne l'ensemble des grands secteurs, à l'exception de celui des équipements électriques, électroniques, informatiques et machines pour lequel l'anticipation reste inchangée à +8% comme lors de la précédente enquête. Les investissements dans les matériels de transport diminueraient de 5% (contre -3% prévu en avril) avec une contraction de 1% dans l'automobile (-3%). La progression attendue dans le secteur des industries agricoles et alimentaires serait moins soutenue qu'escompté précédemment : +6% (au lieu de +9%). Et l'investissement dans l'industrie représente environ un quart de l'investissement productif en France. Un article récent du Monde (2 septembre 2014) titrait « Et si la croissance ne repartait jamais ». 

En accusation la faiblesse des gains de productivité. Auxquels il faut toutefois ajouter l’effet dévastateur des politiques sociales et le recul de l’investissement public, toutes choses qui limitent les débouchés et interdit toute politique industrielle digne de ce nom. 

Une mentalité de flic 

Tout cela montre bien que la sortie de crise sociale n’est pas en vue, la statistique du chômage l’illustre. Le léger redressement des marges est trop faible pour que l’on puisse parler de reprise et l’on a suffisamment l’expérience des années 2000 pour savoir que dans les conditions actuelles la croissance (s’il y en avait une) se ferait sans véritable croissance de l’emploi. 

Arrive Monsieur Rebsamen dont la première déclaration sous gouvernement Valls 2 est de pointer les faux chômeurs. La ritournelle est connue et depuis 40 ans au moins. Mais le plus insupportable est bien la petite musique ainsi distillée vers les médias dominants : il y aurait plein d’emplois disponibles mais personne ne se présente ! Confusion volontaire entre flux et stock net. Et plutôt que de questionner la politique économique, on demande à Pôle Emploi de tester de nouvelles manières de contrôler. Mais rien n’est suggéré sur la déqualification générale des postes proposés. 

En France le taux de chômage des professions intermédiaires est de plus de 5% et de 11% pour les ouvriers qualifiés. Comment Rebsamen justifie-t-il que dans la plupart des cas on leur propose des emplois de service peu qualifiés, précaires et socialement peu gratifiant ? Si encore cette évolution vers les services concernait les dizaines de milliers d’emplois dont nous avons besoin dans les services publics et dans les quartiers. Mais il n’en est rien. En Haute-Normandie, 77% des intentions d’embauches concernent les services et le commerce et plus précisément 43 % pour des postes d’agent d’entretien, d’aide à domicile, de serveur, de vendeurs et d’apprentis. Même situation dans toutes les régions. Sur la région Paca, Pôle emploi affiche pour 2014, 166.000 projets d’embauches, dont 44% dans des entreprises de zéro à 5 salariés, dont 50% de saisonniers. Magnifique marché du travail n’est-ce pas ? 

Et si dans un prochain remaniement il est proposé à Rebsamen, ministre du Travail, un nouveau marocain de sous-secrétaire d’Etat à l’agro-alimentaire, est-ce que son ego - que l’on supposera pour la démonstration identique à celui d’un salarié moyen - ne le fera pas hésiter ? 

Lecture dévoyée des études sur le marché du travail et petite police. 

Plutôt que de s’attaquer au chômage il s’attaque aux chômeurs, aux pauvres plutôt qu’à la pauvreté. Il fait comme tous ces prédécesseurs. Il ne reste plus qu’au FN d’ajouter que la majorité des fraudeurs sont les immigrés. 

Claude Gabriel

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