Notre camarade Hugo Melchior est l'un des animateurs en vue du mouvement sur Rennes. Il a été victime d'une mesure d'interdiction de manifestation. Il a bien voulu répondre longuement à nos questions et tirer un premier bilan de 2 mois et demi de lutte, au moment où se met en place un comité de soutien à toutes les victimes de la répression.
Hugo, peux-tu nous expliquer pourquoi le Préfet t'a interdit l'accès au centre-ville de Rennes pendant 15 jours et comment as-tu réagi ?
Mardi 17 mai sur les coups de 9h30-10h, deux membres
de la BAC et un brigadier chef de police sont venus chez moi pour me
remettre en mains propres un procès-verbal signifiant mon interdiction
de séjour de ce jour jusqu’au 30 mai, 6h dans le centre-ville de Rennes.
Ils sont restés dix minutes à peine, le temps que je signe le
procès-verbal. Il n’y a eu aucun problème de ce côté là. J’ai également
reçu une carte signifiant les délimitations géographiques de cette
interdiction. Concrètement, cela veut dire que je ne peux pas, par
exemple, me rendre à la gare pour prendre le train, ni aller à la Mairie
pour effectuer des démarches administratives et bien entendu, et c’est
ça qui est visé prioritairement par cette mesure d’interdiction de
séjour dans une partie du territoire de la commune de Rennes, participer
à des manifestations de rue avec mes camarades contre la loi travail.
Comble de l’ironie, le Tribunal Administratif que j’ai saisi par la
médiation de mon avocate vendredi 20 mai dans l’espoir de faire casser
cet arrêté préfectoral se trouve, lui-même, dans la zone interdite…
Ainsi, ma liberté d’aller et venir, pourtant
considérée dans la Constitution française comme une liberté publique
fondamentale, liberté consubstantielle de la citoyenneté, mais d’abord
de l’humanité, comme le stipule l’article 13 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme, est désormais subordonnée à cette
interdiction de territoire, et cela jusqu’au 30 mai. Cette remise en
cause de cette liberté fondamentale, avec celle de pouvoir manifester
librement, découle d’un arrêté de la préfecture, acte administratif, et
par là-même d’une décision du Ministère de l’Intérieur qui
instrumentalise sans vergogne le contexte d’Etat d’urgence et la
« menace terroriste » pour tenter d’entraver la vie quotidienne de
militants politiques un peu trop insolents et agitateurs à son goût. Cet
acte administratif est scandaleux par nature car en y recourant
l’autorité vous met devant le fait accompli. Contrairement à un procès
au pénal, il n’y a pas la possibilité de contester en amont la décision,
ni de demander l’organisation d’un débat contradictoire.
En ce qui me concerne, encore une fois, il ne s’agit
pas simplement d’une simple interdiction de manifester, d’une
interdiction ponctuelle, seulement le temps des manifestations de rue
contre la loi travail, comme ce fut le cas pour les militants de Paris
concernés par des arrêtés préfectoraux. Il s’agit d’une interdiction
absolue, permanente, 24h/24, qui concerne une zone spatiale étendue et
qui s’étend sur une longue période, en l’occurrence 14 jours. Si je
devais contrevenir à l’arrêté et pénétrer dans la zone interdite pour
aller manifester par exemple, je risque d’être appréhendé par la police,
puis faire l’objet de poursuites sur le plan pénal avec la possibilité
d’être condamné au maximum à 6 mois d’emprisonnement et 7500 euros
d’amendes, en application de l’article 13 de la loi du 3 avril 1955.
Pour justifier d’une telle mesure profondément
liberticide et vexatoire à mon encontre, qui ne repose en réalité que
sur des présomptions, le procès-verbal fait clairement référence à mon
passé de militant révolutionnaire, puisqu’il est indiqué dans le
procès-verbal que je suis « défavorablement connu pour des activités
politiques passées ». En effet, j’ai commencé à militer en septembre
2005 au sein de la section jeune de la LCR à Rennes et j’ai été amené à
jouer un rôle important dans tous les mouvements étudiants entre 2006 et
2010. Au cours des ces différentes mobilisations, je n’ai eu de cesse
de vouloir me mettre au service du mouvement ouvrier, des luttes
étudiantes, de proposer mes savoir-faire, mes ressources avec pour seul
désir d’être utile à ma classe, à mon camp, celui des travailleurs, de
tous les opprimés, de tous celles et ceux qui ne supportent plus la
pourriture capitaliste et veulent rompre avec elle d’urgence !
Actuellement doctorant en histoire, chargé de cours à l’Université
Rennes 2, j’ai de nouveau décidé d’assumer un engagement total au sein
de mon université dans le cadre de la mobilisation contre la loi
travail, qui constitue une nouvelle étape dans le processus de
réorganisation néolibérale du travail en cours depuis les années 1980.
En décidant d’entreprendre une telle réforme scélérate, que même la
droite décomplexée au pouvoir n’avait pas osé mettre en œuvre, les
décideurs socialistes ont démontré, une fois encore, qu’ils n’étaient
rien d’autre que les gardiens intérimaires de l’ordre établi,
c’est-à-dire de l’ordre productif néolibéral. De plus, il est souligné,
dans ce procès-verbal, ma « participation à des manifestations ayant
joué un rôle omniprésent dans l’organisation de manifestation ayant
engendré un trouble à l’ordre public à Rennes ».
Il est indéniable à
nouveau que j’ai pris part à l’organisation, aux côtés d’autres
militants du NPA, d’Ensemble, de la JC, mais également d’étudiants non
encartés, des nombreuses manifestations qui se sont succédées à Rennes,
depuis début mars, contre la loi travail sur la ville de Rennes.
Clairement, c’est cette activité militante quotidienne, débridée,
intense qui a été visée par le Ministère de l’Intérieur cherchant, en
s’attaquant à moi de la sorte, par cette mesure extrajudiciaire, à faire
un exemple et tenter de diffuser la peur au sein du secteur militant à
Rennes ! Le procès-verbal rappelle, enfin, mes déclarations sur les
réseaux sociaux sur la question de la violence politique et par là-même
le fait d’avoir assumé publiquement la nécessité de ne pas subordonner
le répertoire d’actions au seul respect du cadre de la légalité, aux
seules manifestations de masses, même si elles sont évidemment une
condition nécessaire à l’inversion du rapport des forces en faveur du
mouvement social.
Il nous faut assumer le fait de recourir à des actions
de blocages économiques, à des grèves actives et prolongées, et de
manière générale à tout ce qui peut contribuer, y compris les émeutes de
rue, à rendre le climat intenable pour le gouvernement contre lequel on
se bat depuis maintenant deux mois qui n’a de cesse de répéter qu’il ne
cédera pas. C’est ce que j’appelle la « stratégie de la tension »,
c’est-à-dire la capacité d’articuler opportunément massification et
radicalité. Si la violence seule et minoritaire est évidemment
impuissante et peut-être même contre-productive, cette « stratégie de
la tension » se caractérise d’abord par le refus du légalisme et le
pacifisme intégral.
En effet, je considère qu’en dernière instance
l’Etat n’a pas le monopole de la violence physique légitime et que nous
devons être prêts à nous défendre physiquement et collectivement contre
nos ennemis que sont les décideurs et de manière générale tous les
militants de l’économie politique. Car, une fois pour toute, la
politique n’est pas un pique- nique, ni un dîner de gala, encore plus
quand l’on prétend défendre un projet politique révolutionnaire. Quand
j’entends les déclarations du candidat Jean-Luc Mélenchon, qui reprend
sans vergogne la même rhétorique policière du PCF des années 68,
renvoyant dos à dos la violence politique dont font usage certains
militants politiques et celles de ceux chargés de sauvegarder l’ordre
établi et la propriété capitaliste, j’ai la nausée. Il est profondément
choquant de l’entendre dire que les fameux « casseurs » seraient des
alliés objectif du pouvoir et par là-même, si on va jusqu’au bout de la
réflexion, des ennemis du mouvement en cours.
Ainsi, il est certain qu’à défaut de pouvoir me
poursuivre sur le plan pénal, le Ministère de l'Intérieur est obligé
pour m’atteindre de recourir à l’arme de la coercition administrative et
ainsi me faire payer le prix de mon engagement en faveur de la défense
des droits collectifs des travailleurs remis en cause par ce projet de
loi inique ! On limite la liberté de circulation d'un individu au nom de
sa "dangerosité potentielle" en tant que militant révolutionnaire, sans
qu'on n'ait rien à lui reproché à part ses idées subversives.
Mais être attaqué de la sorte par l’Etat, quelle plus
belle reconnaissance de la justesse de son engagement politique ! Au
moins, cela prouve que l’Etat sait reconnaître ses vrais ennemis :
celles et ceux qui veulent subvertir radicalement la société capitaliste
! J’espère vraiment que lundi 23 mai, la préfecture et le Ministère de
l’Intérieur connaîtront un camouflet mémorable. En effet, si l'arrêté
liberticide devait être cassé ce jour là par le tribunal administratif,
cela représenterait une défaite politique pour les décideurs qui
comprendraient, alors, qu'on ne peut pas en toute impunité, sous couvert
d’État d'urgence, user de méthodes exécutoires pour tenter d'entraver
l’action des militants politiques !
Pourquoi, à ton avis, Rennes est-elle une des villes qui a connu le plus fort mouvement étudiant contre la loi Travail ?
Rennes est historiquement une ville de robes et de
services. En dépit de la présence à partir des années 1960 de PSA la
Janais, considérée comme l’une des plus grosses entreprises d’Europe,
dont les salariés étaient essentiellement des ouvriers-paysans, qui
vivaient en campagne, Rennes n’a jamais été une ville à forte densité
ouvrière. A Rennes, ville qui a toujours été modérée sur le plan
politique, devenue seulement à majorité socialiste à partir des
élections municipales de 1977, en même temps que le reste de la Bretagne
basculait à gauche après des décennies d’hégémonie de droite modérée de
tradition catholique, il existe un lieu où s’épanouie une tradition
revendicative et contestataire depuis les années 1970.
Ce lieu, c’est
l’université Rennes 2, université de sciences humaines et sociales. La
capacité des étudiants de Rennes 2 à s’émouvoir et à se mettre
régulièrement en mouvement, au point de suspendre temporairement la
fonction éducative de l’université par la grève des cours, est dû à la
fois à la sociologie de la majorité enseignée (les étudiants sont issus
majoritairement des classes populaires et des classe moyenne basses et
donc du fait de leur socialisation primaire et leur trajectoire
biographique particulièrement sensibles à la question sociale). Mais
aussi à la disponibilité intellectuelle d’étudiants, inscrits dans des
filières critiques telles que l’histoire, la géographie, la sociologie
ou encore la psychologie, pour des mouvements qui cherchent, à travers
la contestation d’une réforme particulière qu’ils jugent scandaleuse,
dénoncer le capitalisme néolibérale, la « nouvelle raison du monde ».
Et, enfin, à la présence continue de militants de gauche capables, à
condition d’assumer un engagement total, de créer une demande sociale de
mobilisation. Une fois encore, comme en 2006, comme en 2010, les
étudiants de Rennes 2 ont joué un rôle phare et pionnier dans la
mobilisation contre la loi travail qui s’est donnée à voir dans les
universités françaises ces deux derniers mois, après plus de 5 années
d’atonie sociale et avec un milieu militant particulièrement sinistré.
La disparition de l’UNEF en est la plus parfaite illustration.
Dès la première assemblée générale, des centaines
d’étudiants paraissaient disponibles pour s’engager franchement contre
cette réforme du code du travail. Après ces années de léthargie
affligeante, on eu l’impression que nombreux étaient les étudiants qui
attendaient, telle une lente impatience, une occasion, c’est-à-dire une
réforme vraiment insupportable, la grosse goûte d’eau vraiment sale qui
fasse déborder le vase des démissions, des renoncements, des
provocations, des insultes, des attaques, des déshonneurs, pour allumer
leurs torches et mettre le feu à la prairie !
A partir de ce moment-là,
et grâce à l’action décisive des militants politiques et syndicaux pour
lancer le mouvement, qui ont fait preuve dès le départ d’une unité
exemplaire (je tiens à ce propos à souligner le comportement exemplaire
des camarades de la JC pendant toute la mobilisation, de ceux de l’Armée
de Dumbledore, et celui du camarade de l’UNEF, suivi de l’AGE de
Rennes, dont la présence aura été d’une grande utilité), le « bateau
France » a connu une belle mutinerie de la part de celles et ceux qui
veulent détourner celui-ci de sa trajectoire mortifère ! A ce sujet, je
voudrais aussi rendre hommage à tous les étudiants non organisés qui ont
connu, pour la grande majorité, leur première expérience politique
intense et prolongée à l’occasion de cette mobilisation contre la loi
travail. Plus que les militants aguerris, ils auront été l’orgueil de ce
mouvement à Rennes 2. Sans leur implication quotidienne, malgré la
pression des cours, à la fois joyeuse, passionnée, sérieuse, rien n’aura
été possible !
Comment expliquer l'importance du mouvement
autonome rennais et nantais, et comment vous, avec la JC notamment,
avez-vous "fait avec" ?
La « mouvance autonome » n’est pas apparue sur la
scène rennaise ces dernières années. Elle existe en réalité au minimum
depuis les années 2000 et personnellement j’ai fait sa connaissance en
2006 lors du mouvement anti-CPE, alors que j’avais 18 ans et que je
découvrais vraiment le champ politique radical à Rennes. Une chose est
sûre : celle-ci n’est ni un bloc monolithique, ni un secteur figé. Elle
est d’abord ce que sont les militants qui la composent à un moment
donné. Celle-ci est traversée par différents courants, plusieurs
générations et donc porteuse de contradictions et de rivalités, à
l’image de n’importe quel mouvement politique. Elle se caractérise
essentiellement par la jeunesse relative de ses membres, un rapport
décomplexée, mais raisonnée, à la violence en politique et, enfin, à son
extériorité sociale à l’égard du monde du travail, même si cette
position n’est en rien incompatible avec la volonté politique, qui s’est
affirmée notamment à l’automne 2010 lors du conflit des retraites, de
créer des liaisons, de travailler aux jointures entre des personnes qui
d’ordinaires ne se côtoient pas, ne se fréquentent pas habituellement ;
étudiants, salariés, privés d’emploi. Bref, œuvrer à la désectorisation
sociale et rendre ainsi possible des « camaraderies improbables »,
autrement dit des liaisons dangereuses pour le pouvoir en place.
Dans cette mouvance, dont les frontières sont
évidemment difficiles à définir précisément, étant donné qu’il n’y a pas
de système d’encartement comme dans une organisation politique et
syndicale traditionnelle, il y a les jeunes générations, qui ont entre
18 et 22 ans, « génération Notre-Dame-des-landes » pourrait-on dire,
puis ceux, plus âgés, qui ont déjà connu des mouvements de masse à la
fac, comme en 2006, ou en 2007, 2009 ou encore 2010. Malgré les
divergences qui peuvent nous opposer, nous avons été obligés de
travailler ensemble, autant que faire se peut, pour le bien du
mouvement. Lors de la mobilisation à Rennes 2, lorsque des désaccords
entre moi et eux survenaient, je n’ai jamais cherché à les taire ou les
minorer. Comme je l’avais fait déjà par le passé, j’ai préféré les
confronter, mettre les désaccords sur le tapis, et voir si, malgré ces
divergences, nous pouvions continuer à travailler ensemble et ainsi
préserver l’unité du mouvement, dont les militants « autonomes »
constituent une composante incontournable.
La mobilisation contre la loi travail continue encore
après deux mois et demi de lutte acharnée et jeudi 19 mai, j’étais très
heureux et fier de retrouver ces militants, comme en 2010, auprès des
syndicalistes de FO, de la CGT, de la CNT ou encore du SLB pour procéder
au blocage du dépôt de pétrole de Verne-sur-Seiche. Je considère qu’à
Rennes, en dépit des désaccords entre nous sur bien des points, les
militants « automnes » sont des camarades à part entière et depuis 2006
il me semble que nous avons réussi à dépasser bien des points de
clivages. Cela nous permet aujourd’hui, face à un Etat bourgeois
implacable dans la mise en œuvre de ses contre-réformes, de nous
concentrer sur l’essentiel, en luttant à la fois contre le sectarisme et
les postures « plus révolutionnaire que moi tu meurs » absolument
stériles. Avec le temps, nous avons appris à nous écouter, à mieux nous
connaître, à mieux nous respecter, en un mot à être capable de compromis
pour éviter que la corde si précieuse de l’unité se rompe.
Pourquoi selon toi, l'Etat en lien avec la Ville de Rennes, a-t-il fait preuve d'un tel acharnement policier ?
Avec mon interdiction de séjour dans le centre-ville
décidée par la préfecture, la multiplication de arrestations de
manifestants, le nombre de blessés (je pense évidemment à notre camarade
Jean-François qui a été mutilé au visage lors de la manifestation du 28
avril) et l’hyper-présence policière qui aura transformée le
centre-ville en une citadelle imprenable, il semblerait que le Ministère
de l’Intérieur a pour objectif de châtier le secteur militant à Rennes
en coupant des têtes. La ville de Rennes, en tant que foyer de
résistance, est devenue, malgré lui, le symbole de la lutte contre la
loi travail et son monde.
On veut aujourd’hui nous faire payer nos deux
mois et demi de lutte contre la loi travail et ce gouvernement
socialiste de droite, notre ingéniosité, notre audace, notre
persévérance, notre arrogance ! Oui, nous payons le prix fort, parce que
nous avons eu l'indécence de crier : " Votre loi néolibérale rêvée par
le Medef et jalousée par la droite revancharde et ultra-décomplexée, on
n'en veut pas et elle doit finir, comme vous, dans les poubelles de
l'histoire "! Face à cette violence institutionnelle débridée, nous
devons faire front, revendiquer notre unité indivisible, mais nous
devons aussi faire preuve d'une grande prudence, car nous voyons ô
combien le couperet ne cesse de tomber ces derniers jours sur les têtes
des nôtres ! Aussi, nous nous devons, me semble-t-il, nous garder
absolument des actions qui mettraient inutilement en danger des
camarades et qui nécessiteraient la mise en œuvre de longues campagnes
de soutien coûteuse en énergie et en moyen. Nous devons privilégier
aujourd’hui les actions en liens étroits avec les syndicats de salariés
engagés dans ce combat commun, comme nous l’avons fait tout au long de
cette semaine.
Le mouvement peut-il encore rebondir ? Comment vois-tu la suite et que devons-nous faire ?
Comme chacune, chacun a pu le remarquer, le mouvement
contre la loi travail est confronté depuis plusieurs semaines à une
tendance baissière. Les dernières journées de mobilisation ont été un
échec au regard du nombre de manifestants. Rennes, une des villes les
plus en pointe, même si elle a été davantage épargnée par cette tendance
lourde, n'échappe pas à cette phase de reflux. Nous n'avions eu de
cesse de présenter la journée du jeudi 28 avril comme une journée
charnière, décisive, pouvant être, en cas de succès remarquable, un
possible moment tournant dans l'histoire de ce mouvement.
Pour ce faire,
nous aurions dû être bien plus nombreux à venir manifester que le 31
mars et des grèves auraient dû éclater dans différents secteurs. Or,
malgré la présence de plusieurs centaines de milliers de personnes,
malgré des heures de haute conflictualité avec les forces de l'ordre
dans la sphère partagée avec une répression mutilatrice, il n'en a rien
été malheureusement, bien au contraire. Les chiffres, émanant des
organisations syndicales et du Ministère de l'Intérieur, furent sans
ambiguïtés. Le couperet est tombé. Le 1er mai et les journées suivantes
ont confirmé cette tendance de fond et la journée d'hier à nouveau, au
point que la CGT n'indique même plus sur son site internet le nombre de
manifestants à l'échelle nationale et par ville tellement les
rassemblements sont devenus confidentiels. A cela, il faut ajouter,
chose loin d'être négligeable car ayant constitué le fil rouge de la
lutte contre la loi travail à l'échelle nationale ces deux derniers
mois, la fin de la mobilisation estudiantine dans les universités, à
Rennes 2 comme partout ailleurs, du fait de la fin de l'année
universitaire.
Toutefois, il y a, enfin, une mobilisation
conséquente et prolongée dans un secteur clé de l’économie, à savoir les
raffineries, comme en 2010 ! Il faut donc continuer à œuvrer au blocage
des dépôts pour assécher encore davantage les pompes et ainsi perturber
considérablement la normalité quotidienne. Le texte n’a pas encore été
adopté et donc encore passé par le Sénat dominé par la droite, qui ne
manquera pas de l’amender dans un sens ultralibéral, et nous devons
continuer à tout tenter et même si nous perdons nous devons faire
regretter à ce gouvernement socialiste de droite sa provocation, sa
volonté de faire autant de mal à la classe ouvrière ! L’autre date
charnière sera évidemment la manifestation centralisée à Paris le 14
juin prochain ! Cela sera une grande première depuis 2003 et la
mobilisation de la fonction publique contre la contre-réforme des
retraites de François Fillon ! Il nous faut la préparer à fond et être
des centaines de milliers à Paris pour provoquer un mardi noir dans la
capitale ! Alors que l’État PS tentera d'appeler piteusement à la
concorde, au rassemblement et à la réconciliation nationale autour de
l'équipe de France et l'hymne nationale, Euro 2016 oblige, nous
appellerons, nous à la lutte à outrance contre les décideurs, à la
guerre sociale ! Même si la défaite devait devenir un fait accompli,
nous pourrons éprouver une vraie fierté d'avoir su nous rendre utile,
d’avoir été au service d'un mouvement dont la seule existence constitue
déjà une victoire en soi, car celui-ci est historique : c’est la
première fois depuis 1981 et l'accession de François Mitterrand à la
présidence de la République qu'un gouvernement dit de "gauche" se trouve
confronté à une mobilisation sociale provenant de sa propre base
électorale, de son propre camp.
Aussi, soyons fiers de ce que nous avons déjà
accompli depuis deux mois et demi et faisons en sorte que le meilleur
reste à venir…et, au moins, la droite revancharde, qui compte les jours,
est prévenue : le mouvement social est de retour !
Propos recueillis par Yves Juin.
PS) Une atteinte scandaleuse au droit de manifester
Le
17 mai dernier, Hugo Melchior l'un des animateurs du mouvement des
étudiants sur Rennes 2 s'est vu signifier par arrêté préfectoral, une
interdiction de séjour dans le centre ville de Rennes, pendant 15 jours.
Hugo a fait appel de cette interdiction avec le soutien d'Ensemble! et
celui de nombreux camarades qui animent le mouvement. L'interdiction de
séjour dans le périmètre des manifestations à Rennes, a été suspendue,
lundi 23 mai, par le tribunal administratif de Rennes.
Cette décision est un camouflet pour la préfecture d'Ille-et-Vilaine
et donc pour le ministre de l'intérieur B. Cazeneuve. Cette interdiction
courait jusqu'au 25 mai. L’Etat est, par ailleurs, condamné à verser
500 euros, pour les frais de justice.
Il s'agissait là d'une victoire pour notre camarade Hugo Melchior, enseignant et militant à Rennes, ainsi que pour l'ensemble des manifestant-e-s qui se mobilisent depuis maintenant prés de 2 mois pour le retrait de la loi travail.
Mais le préfet d'Ille et Vilaine est mauvais joueur : il a produit mercredi soir un nouvel arrêté interdisant Hugo de séjourner dans le centre-ville de Rennes de 7h à minuit. Et donc de participer à la manifestation du 26 mai. Pas le temps de déposer un recours.
La conférence de presse avec ses avocats devant la préfecture Martenot à 10h ce jeudi 26 mai a été l'occasion de dénoncer l'arbitraire d’État et l'acharnement du préfet contre les militants rennais...
Voilà l'usage politique qui est fait de la loi de 1955 relative à l’État d'urgence pour criminaliser et entraver des militants politiques! Nous sommes loin de la lutte contre le terrorisme !
Sylvie Larue
Il s'agissait là d'une victoire pour notre camarade Hugo Melchior, enseignant et militant à Rennes, ainsi que pour l'ensemble des manifestant-e-s qui se mobilisent depuis maintenant prés de 2 mois pour le retrait de la loi travail.
Mais le préfet d'Ille et Vilaine est mauvais joueur : il a produit mercredi soir un nouvel arrêté interdisant Hugo de séjourner dans le centre-ville de Rennes de 7h à minuit. Et donc de participer à la manifestation du 26 mai. Pas le temps de déposer un recours.
La conférence de presse avec ses avocats devant la préfecture Martenot à 10h ce jeudi 26 mai a été l'occasion de dénoncer l'arbitraire d’État et l'acharnement du préfet contre les militants rennais...
Voilà l'usage politique qui est fait de la loi de 1955 relative à l’État d'urgence pour criminaliser et entraver des militants politiques! Nous sommes loin de la lutte contre le terrorisme !
Sylvie Larue
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