"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
lundi 9 mai 2016
Loi Travail: le 49.3, une arme contre la démocratie, par Noël Mamère
Je ne sais si, in fine, le pouvoir utilisera le 49.3 pour passer en force ou s’il en restera à une menace pour forcer la main aux députés frondeurs. Rappelons que Manuel Valls, avant même que soit connu le contenu effectif de la loi, avait revu une interview de la ministre du travail, à « l’insu de son plein gré », pour faire planer la menace d’utilisation de cette arme constitutionnelle de la monarchie présidentialiste.
Alors que la loi est rejetée par la majorité des Français, alors que la plus grande partie des syndicats et des organisations de jeunesse en demandent le retrait depuis des semaines, le Premier ministre et le Président de la République restent droits dans leurs bottes, singeant le Juppé de 1995, arcboutés autour de la défense d’une loi antisociale.
« Eh oh », là-haut ! Ce ne sont pas les voix de Jeanne d’Arc qu’il faut écouter, elles parlent déjà à Macron ( !), mais celles, bien réelles, qui viennent des ateliers, des bureaux, des facs et des lycées, ces centaines de milliers de voix de Gavroche en révolte contre cette société de galère et de misère.
Cet entêtement incroyable de nos gouvernants à vouloir se couper de l’électorat qui les a portés au pouvoir, est un cas d’école en science politique. Ils ne gagnent rien sur leur droite, qui les méprise et ils perdent chaque jour un peu plus sur leur gauche, qui les considère désormais comme des adversaires tout aussi dangereux que les Républicains.
Ce peuple de gauche qui se sent abandonné face à un patronat dont la seule préoccupation, comme on vient de le voir encore une fois à Renault, est de se rémunérer sur le dos de la bête tout en demandant toujours plus de sacrifices aux salariés.
Le résultat est là : le pouvoir socialiste, flanqué de quelques affidés, est seul. Il est nu et sa nudité n’est pas belle à voir : affrontements singuliers entre un Premier ministre et un ministre de l’économie, en concurrence au couteau pour prendre la tête d’un illusoire pôle néo centriste ; Pantalonnades d’un président qui, chaque jour, nous raconte que « ça va mieux »,alors que les pauvres sont toujours plus pauvres, les précaires toujours plus précaires, les paysans toujours plus démunis face à l’agro-industrie et à la PAC, les salariés toujours plus seuls face aux licenciements abusifs…
La débandade de ce pouvoir dit de gauche, 80 ans tout juste après le Front populaire, fait peine à voir. Et le discours pathétique de François Hollande, prononcé à la Fondation Jean Jaurès, tentant de se mettre dans les pas de Jaurès, Blum et Mitterrand n’est que l’expression dérisoire et grotesque d’une ultime tentative pour sauver les meubles.
Nous sommes sur le Titanic, mais le commandant fait jouer l’Internationale par les cuivres et les grosses caisses. Pitoyable… Mais cohérent ! Car, depuis la campagne de 2012, c’est la même chanson : Un Président en campagne « contre la finance » profite du désarroi d’une gauche sans repères pour l’emporter face à une droite « buissonisée »… Puis elle gère à l’identique de son prédécesseur, à coups de menton et en reniant ses engagements.
Ce n’est pas le Front Populaire et 1936 que François Hollande aurait du commémorer, mais l’année 1956, celle des pouvoirs spéciaux et de l’agression franco-britannique contre l’Egypte de Nasser, organisée par Guy Mollet.
Le mollétisme, voilà ce qui caractérise le mieux le PS de 2016 : Un mélange de paroles qui invoquent la gauche et de gestion réelle de droite. Le mollétisme a enfanté la Cinquième République et ce que François Mitterrand a appelé le « coup d’Etat permanent », avant de s’installer dans ce système durant deux mandats ! Espérons que le néo-mollétisme ne sera pas balayé par le national-populisme, déguisé en bleu marine.
La décomposition de la gauche est aujourd’hui à son paroxysme. Il n’est que temps de sonner l’heure du rassemblement contre l’oligarchie. Continuer à se disperser en fonction de son identité idéologique n’a plus de sens, quand le péril mortel frappe à la porte.
Les jeunes de la Place de la République ne sont ni écologistes, ni communistes, ni socialistes, ni trotskistes. Ils sont d’abord contre les 1% qui ont mis en place le gouvernement invisible des multinationales et des lobbys de tout poil. Ils nous montrent la voie de la démocratie radicale, caractérisée par l’irruption citoyenne et l’autonomie.
Notre socle commun est fondé sur la justice sociale et écologique, sur la construction de nouveaux droits et sur la garantie de nos droits fondamentaux à l’emploi, au revenu, au logement, à la santé, à une alimentation saine, à l’éducation, à la culture et à l’environnement.
C’est à cette dynamique du rassemblement qu’il nous faut aujourd’hui travailler si nous voulons donner ses chances à cette transformation. La démocratie part du peuple et le gouvernement doit naitre du peuple.
Or, c’est le contraire que nous constatons. Pour débloquer la crise multiple nous devons déverrouiller le système et mettre en place une nouvelle Constitution. Celle de 1958 a créé un pouvoir monarchique : Tous les cinq ans, un homme - à quand une femme ? - est élu et cette élection détermine notre vie sans que nous ayons réellement de prise sur les décisions de ce « monarque » républicain.
Nous ne voulons plus de ce simulacre de démocratie. De ce point de vue, le 49.3 est le symbole ultime de ce pouvoir personnel. Si le gouvernement l’utilise pour faire passer sa loi, il nourrira le ressentiment une fois de plus, une fois de trop.
Ouvrons les yeux avant qu’il ne soit trop tard. Debout, partout, et passons à la contre-attaque.
Paris, le 69 mars
P.S : J’écoute depuis ce matin les révélations de la presse s’appuyant sur les femmes harcelées par un député EELV. Je suis abasourdi par l’ampleur et la nature des faits qui lui sont reprochés. J’éprouve une honte et un accablement indicibles. Mes pensées vont à ces femmes qui ont gardé tant d’années le silence par peur d’encourir une double peine, celle d’être victimes du harcèlement et celle d’être montrées du doigt faute de preuves suffisantes pour dénoncer ces pratiques abjectes. Pire encore, celle d’être accusées de mettre en cause un parti qui n’a cessé de hisser le féminisme, la parité, l’égalité des droits, au centre de ses valeurs. Que nous est-il arrivé ?
https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog/090516/loi-travail-le-493-une-arme-contre-la-democratie-0
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