dimanche 8 mai 2016

Religions : je persiste et signe, par Michel Warschawski

Même si j’ai porté la kippa pendant les vingt premières années de ma vie et pratiqué tous les commandements de la Torah, y compris les plus futiles, je suis aujourd’hui un athée qui mange à Kippour et adore la côte de porc. A la synagogue je ne vais que pour des fêtes de famille, et mon enterrement se fera hors des rites et des cimetières juifs. 

J’ai cependant développé une véritable allergie aux laïcards français. Je spécifie français parce que c’est une maladie typiquement hexagonale, et je ne pense pas qu’en Grande Bretagne, par exemple, il y ait moins d’athées ou d’agnostiques qu’en France, mais ils sont, pour la plupart, exempts de cette haine du religieux. 

Eh oui, même si je collabore à Sine Mensuel et aime beaucoup Bob, je suis loin de partager leur haine des religieux. 


Pourquoi cette clarification ? Parce que Catherine Sinet m’a fait suivre un courrier me concernant où on pouvait lire : "c’est quoi cet article de WARSCHAWSKI ? Certes, Valls est à vomir, mais est-ce une raison pour défendre les religions dans Siné ?!! La France sent mauvais. Difficile de contredire un tel titre. Cela dit, dans quel autre pays un canard comme Siné mensuel pourrait exister ? Si on élimine tous les pays où la religion est au pouvoir totalement ou partiellement ça fait pas lerche. Quant à considérer le voile comme un simple signe religieux, alors là je m’étrangle au point que j’aurai sans doute du mal à acheter le prochain numéro le mois prochain. Certes, combattre l’obscurantisme religieux est on ne peut plus délicat quand on est sans cesse parasité par des nuisibles qui en profitent pour y insérer du racisme, mais fait chier quand même.

Je ne sais pas ce que c’est que "défendre les religions". Je sais par contre ce que signifie la liberté, et le droit de chacun de vivre sa vie comme il/elle l’entend, tant que cela ne porte pas préjudice à l’autre. Préjudice n’inclut évidement pas "ce qui me dérange" : si, comme dit, j’aime la côte de porc (quand elle n’est pas trop cuite), je n’aime pas par contre la cuisine indienne et l’odeur des plats au curry m’importune. Pourtant je n’ai jamais envisagé qu’on ferme pour cette raison les restos indiens. 

Le port de la kippa ou du fez, du foulard ou de la perruque est une histoire de choix individuel… qui, comme tous les choix ou les goûts, est formaté par la culture ambiante, l’école, la famille, voire l’église. 

Quand, en plus, une communauté est stigmatisée, le port de ses signes distinctifs est souvent un acte d’affirmation de soi et de mise au défi du racisme ambiant. Si l’on interdisait la kippa en France, je crois bien que je défierais la loi et mangerait ma côte de porc avec une kippa sur la tête. 

La laïcité est faite de la séparation totale de l’État et des religions, et du droit de chacun de vivre ses croyances, philosophiques ou religieuses, comme il/elle l’entend. 

La France a été à l’avant-garde de la bataille historique pour cette laïcité, et ses valeurs ont rayonné à travers le monde entier. Mais quand cette laïcité prend les accents de Madame Badinter, c’est de racisme qu’il s’agit, dans la droite ligne du "rôle civilisateur du colonialisme". 

Car, mais faut-il le rappeler ?, la France laïque et républicaine a tenté d’imposer sa civilisation aux peuples sauvages, au prix de millions de morts. Aujourd’hui, elle n’a aucun problème à faire des affaires juteuses avec l’Arabie Saoudite… où le port du voile est obligatoire. 

Et j’irai même un peu plus loin : un peuple qui a applaudi pendant près de quatre ans le Maréchal et son régime, qui a collaboré, activement ou passivement, à la déportation de ses citoyens juifs ou roms, se doit d’être modeste quand il critique les mœurs civilisationnels des autres. 


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