jeudi 18 mai 2017

De quoi Macron est-il le nom ?, par Myriam Martin

Dimanche 7 mai le nouveau président de la république, Emmanuel Macron a été élu, sans trop de surprises en réalité. Mais soyons clairs d’entrée, une grande majorité des votes se sont portés sur sa candidature par défaut, afin de barrer la route au FN. 

 Avec 66,1 % des voix exprimées, c’est à dire 43 % du corps électoral, avec 33,9 % pour son adversaire du FN, avec une abstention et des votes blancs ou nuls, très élevés (respectivement 25,5 % et 11,5%), Emmanuel Macron n’a nullement le droit de croire et d’imposer l’idée que les citoyen-nes de ce pays adhèrent à son projet ! 


Il ne s’agit pas ici de développer une analyse approfondie de cette période électorale et de ce qu’elle signifie. 

Quelques remarques cependant : le score du FN est bien moindre que celui qu’on pouvait craindre. Mais le constat est là : Marine Le Pen a recueilli plus de 4 millions de voix supplémentaires au second tour. Si une crise semble s’ouvrir au sein de ce parti, n’oublions pas qu’il s’est implanté de manière durable et que les raisons de son essor sont toujours là : politiques libérales destructrices, pauvreté, précarité, chômage, avenir incertain et anxiogène pour des millions d’individus. 

Et ce n’est certes pas l’élection de Macron qui peut nous rassurer quant aux politiques qui vont être menées ! Même si les médias nous ont présenté Macron comme le renouveau de la politique, il est nécessaire une fois de plus de soulever quelques contre-vérités. 

Le nouveau patron de l’Elysée a certes fondé son mouvement il y a à peine un an, jouant sur une posture anti-parti et sur la fin du clivage gauche-droite. Mais pour autant incarne-t-il le renouveau d’une vie politique, gangrenée par les affaires sous cette 5ème république pourrissante, et caractérisée par la confiscation du pouvoir par deux partis essentiellement ? 

Macron ne peut pas faire oublier qu’il est surtout issu de la technocratie française et que l’entregent dont il a bénéficié lui a permis de gravir les échelles du pouvoir : Secrétaire de l’Elysée, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique dans le gouvernement de Manuel Valls. Énarque en 2002, Macron a bénéficié de soutien de riches hommes d’affaires. En 2007, le chef de l’inspection des finances, Jean-Pierre Jouyet, débauché par M. Nicolas Sarkozy pour le secrétariat d’État chargé des affaires européennes, présente ce jeune homme prometteur à M. Jacques Attali (l’ancien conseiller de François Mitterrand, qui préside la commission pour la libération de la croissance), le nomme rapporteur général adjoint ( http://www.monde-diplomatique.fr/2017/03/DENORD/57249). 

Ce sont les mêmes qui le présenteront à François Hollande en 2012. Entre temps Macron est passé par la banque Rothschild grâce à la recommandation de ses amis affairistes. Durant ces années il a été nourri au biberon de la compétition, de la concurrence libre et non faussée. 

Formation qui va le conduire une fois ministre à promouvoir une loi préférant le bus au train, le travail le dimanche plutôt que le repos, la privatisation de plusieurs aéroports dont celui de Toulouse Blagnac pour lequel il a favorisé la prise de pouvoir d’actionnaires rapaces (https://www.mediapart.fr/journal/economie/160616/aeroport-de-toulouse-macron-rattrape-par-son-mensonge?onglet=full, https://www.mediapart.fr/journal/economie/030916/aeroport-de-toulouse-un-caillou-dans-la-chaussure-de-macron?onglet=full). 

L’ensemble de ces réseaux constitués tout au long de ces années, se retrouve derrière Macron quand celui ci lance son mouvement « En marche ». 

Emmanuel Macron n’est pas un homme neuf en politique, parti de « rien » et ayant tout bâti ! Il appartient à une élite libérale qui lie étroitement intérêts économiques et pouvoirs politiques. C’est là la première imposture du plus jeune président de la 5ème république. 

Sa jeunesse est incontestable mais sa vision du pouvoir ne l’est pas vraiment. Qui a pu regarder l’émission « Envoyé spécial » jeudi 11 mai, a sans doute remarqué que Macron n’est pas un fervent partisan du renouvellement des institutions et encore moins du changement de république. 

Sa vision du pouvoir est très vieille France en fait : mettre en marche une cohorte de militant-e-s et ou d’adhérent-e-s, réuni-e-s autour « d’un chef » (c’est ainsi qu’il se voit). De l’horizontalité pour le « fun » et le principe de réalité pour les vraies décisions, celles du pouvoir monarchique de la 5ème république. 

Dans cette même émission curieusement alors qu’il a été l’objet de nombreux documentaires en peu de jours, Emmanuel Macron a décrété que les médias ne l’aimaient pas et s’étaient acharnés sur lui. Pourtant durant une année il a bénéficié de l’appui de ces derniers. D’abord parce que le nouveau président de la république a quelques accointances avec les magnats de la communication : « Emmanuel Macron est notre relais, notre porte parole d’entrée auprès du président », Stéphane Richard, président directeur général d’Orange, en janvier 2017, dans un tweet, le co-actionnaire du Monde, Pierre Bergé, annonçait « son soutien sans la moindre restriction à Emmanuel Maccron », soutien sans appel également de « Challenges », on peut noter des relations assez fortes avec aussi l’homme d’affaire Patrick Drahi (SFR, BFM TV, RMC, Libération, l’Express). (https://www.monde-diplomatique.fr/2017/05/BENILDE/57494

Alors Macron candidat des médias ? Cela ne fait pas trop de doutes. Il n’y a qu’à écouter les principales chaînes d’infos relatant l’investiture de Macron dimanche 14 mai ! Mais le mot de la fin sur ce sujet doit revenir à Mr François Bayrou qui s’interrogeait sur BFM TV le 7 septembre 2016 avant son ralliement à Macron, et qui disait avec beaucoup de pertinence (à ce moment là!) : « posez vous la question, pourquoi ces heures de télévision en direct ? Pourquoi ces couvertures de magazines, pourquoi ces pages et ces pages autour de photographies ou d’histoires assez vides ?… Il y a là une tentative qui a déjà été faite plusieurs fois de très grands intérêts financiers et autres qui ne se contentent plus d’avoir le pouvoir économique » (https://www.monde-diplomatique.fr/2017/05/BENILDE/57494).  

François Bayrou avait sans doute raison, le meilleur coup que pouvait réaliser les milieux financiers, c’est de mettre un des leurs à la tête de l’état. 

Le nouveau président de la république a donné le ton, la nomination du maire LR du Havre, Edouard Philippe, montre la voie : sa politique ne sera ni de gauche…ni de gauche ! 

En tant qu’élu-e-s régionaux-ales, il est légitime de craindre donc les politiques qui seront mises en œuvre sous le quinquennat Macron en direction des collectivités territoriales et dont les grandes lignes ont été annoncées par ce dernier. Ligne en fait très libérale sans grande rupture avec le « Hollandisme », nos inquiétudes sont donc bien justifiées ! 

Que dit Emmanuel Macron aux collectivités territoriales ? Je rappelle que ces mêmes collectivités ont connu ces dernières années une cure d’austérité que ne démentit même pas La Tribune puisque, dans un article de janvier 2017, elle affirme : « La baisse drastique des dotations de l’Etat aux collectivités de 11,5 milliards d’euros sur la période 2014-2017 aura en effet durement affecté leur capacité à investir. Et des secteurs comme ceux du bâtiment et des travaux publics, très dépendants de l’investissement public local et pourvoyeurs de nombreux emplois, auront été en difficulté durant cette période. » (http://www.latribune.fr/economie/france/le-quinquennat-hollande-se-conclut-par-la-baisse-des-deficits-630854.html

Dans ses propositions pour ces collectivités, Macron hélas n’indique pas un changement d’orientation. Pire encore, l’objectif du président de la république c’est de supprimer 70 000 postes de fonctionnaires territoriaux. Mais comme ces suppressions ne peuvent être décidées que par les collectivités elles mêmes, Macron propose, si les collectivités territoriales s’engagent à des coupes supplémentaires dans leurs budgets et dans leurs effectifs, « de nouvelles libertés » dans la gestion de leurs ressources humaines. 

Outre les suppressions à venir, les politiques à géométrie variable se poursuivent, remettant encore plus en question le principe de l’égalité et des mêmes droits pour tous et toutes sur le territoire national. 

Comme son prédécesseur, le nouveau locataire de l’Elysée, même avec des « deals » passés avec les collectivités, compte diminuer la dotation de l’état et faire sur 5 ans, une nouvelle économie de 10 milliards d’euros ! (http://www.lagazettedescommunes.com/504489/collectivites-les-sept-travaux-demmanuel-macron/

A ces politiques déjà alarmantes, Macron rajoute la préconisation de la précarité dans les collectivités ! Il indique que les collectivités pourront recruter plus de contractuels, voire procéder à des recrutements de droit privé. (http://www.lagazettedescommunes.com/491766/emmanuel-macron-prescrit-une-cure-de-rigueur-aux-collectivites-territoriales/

Une manière de remettre en question, une fois de plus, le statut de fonctionnaire, ici territorial. Or ces emplois répondent à des besoins sociaux, correspondent à l’activité de services publics, d’autant qu’avec la décentralisation de nombreuses compétences sont passées de l’Etat aux collectivités. 

Plus largement, c’est à toute la fonction publique que Macron veut s’attaquer. Pour justifier ces projets le président parle de rendre la fonction publique « plus moderne ». Emmanuel Macron dans le texte : « il faut lui (à la fonction publique) redonner des souplesses. C’est-à-dire recruter hors du statut pour les fonctions d’encadrement, donner la possibilité d’avoir plus de souplesse dans la gestion des carrières, des rémunérations plus individualisées, et des mobilités. Le statut des fonctionnaires ne sera pas remis en cause, mais il sera modernisé. Il s’agit de mieux reconnaître les plus engagés. » explique-t-il. « Je crois par ailleurs nécessaire de restaurer un jour de carence pour les fonctionnaires » rajoute-t-il. 

Les vieilles ficelles libérales sont de retour avec un discours managérial : « moderniser » c’est casser les statuts légitimement protecteur et l’égalité des droits. Des perspectives peu engageantes donc pour les collectivités. Les élu-e-s que nous sommes auront à cœur de dénoncer ces politiques iniques et de les combattre avec les acteurs du mouvement social. 

 Myriam Martin, 16 mai 2017

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