On ne peut qu’être inquiet sur les marges de manoeuvre du nouveau ministre, qui va naviguer en territoire hostile. Dans ce secteur, comme dans d’autres, Il n’y a pas d’homme providentiel capable de résoudre, comme par magie, ces problèmes, surtout quand le gouvernement est dirigé par un homme d’Areva, nommé par un énarque dans la pus pure tradition nucléariste et productiviste.
Dès que j’ai connu la nouvelle de la nomination de Nicolas Hulot au gouvernement, j’ai aussitôt réagi en lui adressant mes vœux de réussite. : “Bon courage, Nicolas. Nous t’aiderons s’il le faut.” Et je maintiens ces encouragements ! Nous sommes nombreux, en effet, à placer beaucoup d’espoirs dans sa nomination,
désespérés que nous sommes de voir l’écologie passer systématiquement
au second plan des préoccupations des pouvoirs qui se succèdent, alors
que la menace climatique est plus que jamais présente, que les dégâts du
« progrès » à la mode ultra libérale détruisent chaque jour un peu plus
notre environnement, s’attaquant aux bases mêmes de la survie de
l’humanité sur notre vieille planète.
En même temps - pour reprendre l’expression favorite du jeune monarque républicain qui nous gouverne - je n’ai pu m’empêcher de penser avec la même force : Mais dans quelle galère va-t-il se fourrer ? Les
dossiers qui attendent le nouveau locataire du ministère de « la
transition écologique et solidaire » sont aussi nombreux que
conflictuels: Notre-Dame-des-landes, la mise en œuvre de la loi sur la transition énergétique, votée en 2015, qui comprend notamment la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, la fermeture de la centrale de Fessenheim, Bure, le chantier du Lyon-Turin, le diesel et la pollution de l’air, les pesticides… Et j’en passe.
On ne peut qu’être inquiet sur les marges de manoeuvre du
nouveau ministre, qui va naviguer en territoire hostile. Dans ce
secteur, comme dans d’autres, Il n’y a pas d’homme providentiel capable
de résoudre, comme par magie, ces problèmes, surtout quand le
gouvernement est dirigé par un homme d’Areva, nommé par un énarque dans
la pus pure tradition nucléariste et productiviste. Ces deux-là n’ont
jamais fait de l’écologie leur priorité, qui considèrent le retour à la
croissance comme un Graal.
Je sais que Nicolas Hulot a toujours été tenté par le
dépassement du clivage droite-gauche, mais il prend le risque de n’être
qu’une caution pour assurer une majorité au nouveau président. Mais je
me doute aussi qu’il n’est pas entré dans ce gouvernement sans garanties
sérieuses. La première preuve nous est apportée par
Notre-Dame-des-landes, qui ne se fera pas. Mais au prix de combien de
couleuvres à avaler ? Savoir quelles sont les lignes rouges à ne pas
dépasser, qu’il a exigé d’Emmanuel Macron , nous permettrait au moins de
comprendre ce qui peut apparaître aux yeux de certains écologistes
comme un jeu de dupes.
Plus profondément, on ne peut que s’interroger sur cette
volonté de montrer que l’écologie pourrait transcender les conflits,
qu’elle serait en dehors des contradictions sociales, qu’elle pourrait
se satisfaire d’un libéralisme effréné qui s’en prendrait aux conditions
de travail et de rémunération des Français sans impacter
l’environnement. C’est considérer que l’écologie n’est pas une question
sociale à part entière, qu’elle serait apolitique. C’est ce que pensent
aujourd’hui tous les partisans du greenwashing. A commencer par les
entreprises du CAC 40, qui se disent toutes « éco-responsables » et
favorables à un environnement de qualité, surtout quand elles font
produire leurs marchandises par des enfants , des femmes ou des
prisonniers en Ethiopie, en Chine ou au Bangladesh . On peut laver plus
vert sans rien toucher aux structures de l’économie. Mieux, par effet
positif de « ruissellement », le marché peut permette de résoudre les
problèmes qu’il a lui même engendré !
Le candidat de la fusion entre la classe
politique et l’oligarchie financière, dans la ligne d’un certain
ministre de l’Economie, nommé Macron, a lui-même répondu à cette fable
durant sa campagne en montrant que la compétitivité ne pouvait pas être
entravée par des contraintes et des normes, fussent-elles écologiquement
responsables. Pire, quand il était ministre, il a défendu le diesel,
l’EPR D’Hinkley Point, en Grande Bretagne et autorisé des recherches
d’hydrocarbures au mépris de l’interdiction des gaz de schiste.
Dans ses derniers films, comme dans ses dernières initiatives et actions, Nicolas Hulot s’est toujours attaché à démontrerce
lien indissociable entre le social et l’écologie. Comment pourra-t-il
le faire au sein d’un gouvernement nommé par un président défenseur de
la libération des contraintes de l’économie ?
En réalité, quel que soit l’avenir de Nicolas Hulot dans le
gouvernement d’Edouard Philippe, quelle que soit la durée de son
exercice, que nous souhaitons le plus « durable » possible, les
questions posées par deux écologies que tout oppose : l’écologie de
marché, qui accompagne le capitalisme en le verdissant et l’écologie
sociale de transformation, ne pourront être masquées bien longtemps.
L’écologie politique n’est pas une marchandise. Une de nos
principales tâches aujourd’hui est de désintégrer l’idéologie du
capitalisme vert, qui empêche le véritable dévoilement des problèmes en
le recouvrant d’un langage où n’existe ni classes sociales, ni conflits
d’intérêts, ni lobbyistes, ni lanceurs d’alertes, ni prédateurs, ni
victimes. Nous serions tous verts dans l’océan bleu du libéralisme
décomplexé. Mais ça ne marche pas comme ça. Si personne ne se lève
contre les puissants et leur monde, la situation ne fera qu’empirer.
Mon maître, Jacques Ellul, m’avait dit un jour : « vous
voulez faire de la politique, mais c’est la politique qui vous fera ».
Il n’avait pas tort ! Comme j’ai pu le constater durant ces trente
dernières années ! Et cette maxime du grand penseur gascon, auteur,
entre autres, de « l’illusion politique », vaut aussi pour Nicolas
Hulot…Auquel je dis et répète : « bon courage ».
https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog/220517/nicolas-hulot-bon-courage-en-territoire-hostile
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