mardi 2 mai 2017

Battre Le Pen dans les urnes et dans la rue!, par Michael Lowy

Le mot d'ordre proposé par certains camarades, "Pas un seul vote pour Marine Le Pen", n'est pas suffisant. On peut "ne pas voter" MLP en votant blanc ou en s'abstenant, en allant à la pêche, etc. On ne vote pas pour elle, mais on ne fait rien pour l'empêcher d'être élue... Si on veut vraiment la battre, il faut mettre un bulletin avec le nom de son rival. 

"Battre le Pen dans les urnes et dans la rue !" : ce fut, en 2002, le mot d'ordre de la Ligue communiste révolutionnaire, au moment d'un deuxième tour opposant Jean-Marie Le Pen à Jacques Chirac. Pourquoi ne serait-il pas valide en 2017, dans ce deuxième tour entre Marine Le Pen et Emmanuel Marcron ? Est-ce que la fille est moins dangereuse que le père ? Est-ce que Macron est plus à droite que Chirac ? Ou est-ce que la LCR de 2002 manquait de fibre révolutionnaire ? 


Je comprends parfaitement la dégoût des militants de la gauche radicale et/ou anticapitaliste pour Emmanuel Macron : il incarne tout ce que nous détestons : l'arrogance du banquier "modernisateur", la soumission aux intérêts du capital financier, l'intention affichée de continuer avec toutes les misérables politiques néo-libérales. Bref, une continuation, en pire, du désastreux quinquennat de François Hollande. Mais nous n'avons pas choix : si nous voulons faire barrage à Marine Le Pen, il faut voter pour l'autre candidat. 

Le mot d'ordre proposé par certains camarades, "Pas un seul vote pour Marine Le Pen" n'est pas suffisant. On peut "ne pas voter" MLP en votant blanc, ou en s'abstenant, allant à la pêche, etc. On ne vote pas pour elle, mais on ne fait rien pour l'empêcher d'être élue... Si l'on veut la battre, il faut mettre un bulletin avec le nom de son rival. 

Personne, ou très peu de gens dans la gauche de la gauche, pense que MLP et EM sont équivalents, "blanc bonnet et bonnet blanc", comme on disait en 1969 face au choix Pompidou vs. Poher. Pourquoi alors le refus de voter Macron ? Parce que, répondent certains, il sera élu de toute façon, il n'a pas besoin de notre vote. 

Cet argument me semble problématique à plusieurs égards : 

- C'est un peu comme si l'on disait : " nous on ne se salit pas les mains en votant Macron, d'autres feront ce sale travail pour nous, nous on garde notre pureté…". C'est parfaitement incohérent. 

- Une victoire de Le Pen est peu probable, mais pas impossible. L'élection de Trump montre la possibilité de ce genre de surprises désagréables et imprévues. Si la gauche décide de s'abstenir, si la droite se divise au milieu, et si les Dupont-la-Joie soutiennent MLP, elle serait majoritaire. 

Derrière le refus de choisir se cache une sérieuse sous-estimation de ce que signifie le Front National. Est-ce possible que l'escroquerie de la "dé-diabolisation" a contaminé une partie de la gauche radicale ? J'ai du mal à le croire. Le FN n'est pas un parti bourgeois comme les autres. Certes, il a un programme bourgeois, au service du capital ("national"), mais c'est un parti d'extrême droite, raciste et autoritaire. Et, surtout, c'est un courant politique qui a des racines profondes dans le fascisme français, celui de Vichy et de la collaboration, et celui, colonialiste, de l'OAS. Plusieurs de ses cadres sont, comme l'ont montré les recherches de journalistes de "Mediapart", des fascistes avoués, issus du GUD ou d'Occident, et certains sont même des néo-nazis. 

Que resterait-il de la démocratie en France en cas de victoire du FN ? Quel type de répression va tomber sur les grèves, les manifestations, les occupations ? Assistera-t-on à des pogroms contre les refugiés, les immigrants, les sans papiers, les Rroms, les musulmans ? Une fois la peine de mort rétabli, qui seront les gens guillotinés ? Je ne sais pas la réponse à ces questions, mais je préfère ne pas avoir à goûter aux surprises d'une France lépéniste... 

Voter pour Emmanuel Macron ne relève d'aucun "Front Républicain" : il est notre ennemi, et une fois élu, notre principal objectif sera de la déstabiliser et neutraliser - par un troisième tour social. Dès le 8 mai, nous nous occuperons de lui ! 

Bien évidemment, Macron ne constitue pas un rempart durable contre le FN : il faut une mobilisation antifasciste dans la durée au quotidien, en construisant un large front unitaire du mouvement ouvrier et de la jeunesse contre le racisme et le FN. Battre Le Pen dans les urnes et dans la rue : c'était juste en 2002 et cela reste juste en 2017 ! 

Michael Löwy 

https://blogs.mediapart.fr/michael-lowy/blog/010517/battre-le-pen-dans-les-urnes-et-dans-la-rue

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