"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
lundi 7 juillet 2014
Du bon usage des sanctions contre BNP Paribas, par Pierre Khalfa (Fondation Copernic)
Une banque sévèrement punie pour avoir violé une législation, voilà, à première vue, une bonne nouvelle, d’autant plus qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle banque. BNP Paribas est une des principales banques européennes dont les actifs sont équivalents au PIB de la France. Bien que fortement secouée par la crise financière de 2008, au point que l’Etat dû lui venir en aide, elle réussit à grossir encore en rachetant Fortis une banque belge au bord du dépôt de bilan. Fortement présente dans les paradis fiscaux, elle y réalise un chiffre d’affaires de près de 8 milliards d’euros, soit 20 % de son chiffre d’affaires total, et y emploie 28 500 salariés contre 56 585 en France.
Comme les autres banques françaises, elle a fait un lobbying forcené pour que la loi bancaire de séparation entre banques d’affaires et banque de dépôts soit vidée de son contenu. Bref, qu’elle soit prise les doigts dans le pot de confiture et punie, est plutôt réjouissant, sauf que… BNP Paribas est condamné par la justice américaine pour avoir violé, avec des transactions en dollars à travers sa filiale suisse, l’embargo imposé par les Etats-Unis à Cuba, à l’Iran et au Soudan. Au-delà même du fait que ces embargos sont pour le moins politiquement discutables - étrangler économiquement des pays n’a jamais fait avancer la cause de la démocratie -, ils relèvent d’une décision unilatérale des Etats-Unis.
En sanctionnant BNP Paribas, ils considèrent que le droit américain a vocation à régir le monde entier et qu’il peut sanctionner des entités qui ne sont pas sur son territoire. L’extraterritorialité du droit américain est ainsi affirmée sans complexe. Que cet impérialisme juridique soit accepté par le gouvernement français, qui s’est simplement contenté de signaler les risques encourus par la banque au vu du montant de l’amende envisagée, et que l’Union européenne n’ait dit mot ne laissent pas d’étonner. Cette capitulation augure mal des négociations en cours sur le Grand marché transatlantique et justifie a posteriori le combat des mouvements de la société civile contre ce projet.
Trois leçons peuvent être tirées de cet épisode. Tout d’abord, on peut taxer les banques et même fortement, sans que d’ailleurs celles-ci en soient ébranlées. De ce point de vue les Etats-Unis montrent l’exemple : avant BNP Paribas, qui a écopé de 9 milliards de dollars, JP Morgan a s’est acquittée en 2013 de 13 milliards de dollars d’amende. D’autres banques américaines ont certes été beaucoup moins sanctionnées, mais ces pénalités contrastent avec la pusillanimité du gouvernement français et des institutions européennes à réprimer les pratiques du monde de la finance. Ainsi, le gouvernement américain vient de décider que tous les établissements financiers, quel que soit leur lieu d’activité et leur nationalité, devraient donner à l’administration fiscale, sous peine de graves sanctions, toutes les informations relatives aux citoyens américains. A quand des mesures similaires en France et en Europe ?
Le second point tient au rôle de la monnaie. Le dollar représente les deux tiers des échanges sur le marché global des changes et 85 % des opérations de change sur le marché international des matières premières. Son rôle de monnaie internationale ne s’est guère affaibli malgré l’existence de l’euro qui vient de se voir d’ailleurs dépassé par le yuan chinois dans les échanges mondiaux. Or l’Union européenne est une zone économique dont le poids est équivalent à celui des Etats-Unis, mais elle reste un acteur mineur sur le plan monétaire car c’est un nain politique. Contrairement à la vision dominante parmi les classes dirigeantes européennes, dont a procédé la création de la BCE, la monnaie n’est pas simplement un instrument neutre destiné simplement à faciliter les échanges, elle a un rôle économique et politique majeur. Les Etats-Unis en font régulièrement la démonstration.
Enfin, les Etats-Unis nous montrent la voie sur le plan juridique. Pourquoi ne pas suivre leur exemple ? Ils ont décidé qu’ils pouvaient appliquer leur législation à des entreprises n’exerçant pas sur leur territoire. Faisons comme eux ! Pourquoi accepter, par exemple, sous prétexte que les entreprises concernées sont de nationalité américaine, que la protection des données privées des européens soit soumise aux lois des Etats-Unis ?
Dans un point de vue publié par Le Monde (1er juillet 2014), la juriste Mireille Delmas-Marty propose de créer un Parquet européen capable de rivaliser le procureur des Etats-Unis. Au-delà même de cette mesure, c’est de volonté politique dont nous avons besoin pour refuser l’impérialisme juridique des Etats-Unis.
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