jeudi 16 octobre 2014

« Totem » et « tabou » : « Procès en sorcellerie » ?, par Jean-Jacques Chavigné (Démocratie et Socialisme)


Il ne manquait plus que ça : le religieux envahit maintenant le discours du gouvernement de Manuel Valls et de la direction du Parti socialiste. Emmanuel Macron refuse les « tabous » qui pourraient empêcher un gouvernement de gauche de discuter de l’opportunité de baisser le montant des allocations-chômage, de les rendre dégressives et d’en réduire la durée. 

Najat Vallaud-Belkacem affirme qu’on fait à Emmanuel Macron « beaucoup de procès en sorcellerie. (…) Il ne compose pas, il parle avec clarté et il appelle un chat un chat » Jean-Christophe Cambadélis répond à Emmanuel Macron : « La gauche n’a pas de tabous, mais elle a quelques totems, en particulier le fait que quand le président de la République s’exprime, les ministres appliquent ». 

Malgré les affirmations d’Emmanuel Macron et de Jean-Christophe Cambadélis, les « tabous » pullulent à la direction du Parti socialiste et au gouvernement : ils s’opposent, en rangs serrés, à toute proposition de gauche sur des sujets essentiels. 


Lors de la réforme des retraites, en 2013, tout devait « être mis sur la table » mais jamais la la possibilité d’une importante augmentation des cotisations sociales patronales n’a été opposée à l’allongement de la durée de cotisation. C’était « tabou » ! 

Un « tabou » encore plus fort interdit tout débat sur la réduction du temps du temps de travail pour lutter contre le chômage de masse. 

Un « tabou » tout aussi lourd empêche de poser une question pourtant simple : comment la dette publique et le déficit public pourraient-ils ne pas augmenter avec une politique d’austérité qui étouffe la croissance ? 

Un autre « tabou », tout aussi résistant, interdit de discuter des milliards d’euros de « niches fiscales » qui transforment l’impôt sur les sociétés en passoire. 

Un « tabou », aussi pesant, impose l’idée néolibérale que les seuls « vrais » emplois sont les emplois privés et frappe d’excommunication toute discussion sur la possibilité de créer un million d’emplois publics pour deux à trois fois moins chers que les 41 milliards d’euros accordés à des entreprises qui se refusent de garantir qu’elles créeront un seul emploi supplémentaire. 

Un autre « tabou » s’oppose à toute discussion sur l’opportunité de coups de pouce au Smic et de la fin du blocage du point d’indice dans la fonction publique pour relancer la croissance et, tout simplement, permettre aux gens de vivre. 

Un « tabou » de première importance car il protège le « Saint des saints », la Finance, conjure toute proposition de séparation, autre qu’homéopathique, entre les activités spéculatives des banques (80 % du total de leurs bilans) et leurs activités utiles à l’investissement productif. 

Un autre « tabou » interdit de poser la question du bienfondé de l’intervention d’institutions européennes non-élues (Commission européenne, Cour de justice européenne…) pour censurer les décisions d’institutions élus aux suffrages universels, comme l’Assemblée Nationale française… 

Jamais, en fait, un gouvernement de gauche n’a eu autant de « tabous » ! 

Le « totem » que Jean-Christophe Cambadélis tente d’opposer à Emmanuel Macron n’est pas de gauche. Il lui oppose la Constitution de la Vème République qui donne un pouvoir quasi monarchique à un seul homme, le président de la République et qui tend à tout caporaliser, du Parlement au Conseil des ministres. 

Les seuls « tabous » que François Hollande et Manuel Valls ont fait ou proposent de faire tomber sont ceux qui séparent la gauche de la droite. Ces « tabous » concernent l’augmentation de la TVA, la diminution des allocations-chômage, la facilitation des licenciements et de la précarité du travail, l’allongement de la durée de cotisation pour la retraites, la diminution des prestations sociales, la mise sous condition de ressources des allocations familiales, la stigmatisation des Roms, les milliards de cadeaux fiscaux accordés au patronat, l’assurance-maladie réduite à rembourser uniquement les pathologies importantes, comme vient de la proposer Pascal Terrasse, la suppression des « seuils sociaux », la suppression des élections prud’hommes, la facilitation des licenciements, l’explosion des CDD, la mise en question du repos du dimanche, la fin de l’indépendance de l’inspection du Travail… 

Najat Vallaud-Balkacem a raison, « il faut appeler un chat un chat » : un banquier d’affaires reste un banquier d’affaires et « ne compose pas », même s’il est ministre de l’Economie d’un gouvernement de gauche. 

Il faut, aussi, constater que les seuls « tabous » que le gouvernement Valls appelle à faire sauter sont ceux qui protègent le salariat de l’avidité des 0,1 % de la population qui détiennent le pouvoir économique et qu’un autre « tabou », le plus inflexible de tous, ne permet surtout pas de leur disputer.

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