lundi 1 décembre 2014

RTT : du temps pour vivre, du travail pour toutes et tous !, par Bernadette Bouchard, Florence Ciaravola, Bruno Della Sudda et Philippe Gandin, militant-es d'Ensemble! 06


En ces temps de crise globale et d'explosion du chômage et de la précarité, il y a urgence. Celle-ci n'est pas seulement d'ordre social, d'autant plus que le chômage et la précarité font des dégâts considérables dans de nombreux domaines, pour des millions d'hommes et de femmes, jeunes ou moins jeunes privé-e-s d'emploi, comme pour leurs proches et leurs enfants. 

Une force politique ne peut se contenter, dans un tel contexte, de proposer, comme nous le faisons et comme le fait le Front de Gauche -davantage aujourd'hui qu'hier... tant mieux !-, une série de mesures et d'y inclure la RTT parmi d'autres. Il ne s'agit pas ici de séparer la RTT du reste, ni de laisser croire qu'à elle seule elle résoudrait l'ensemble des problèmes. 


Mais la RTT a une portée spécifique considérable qui justifie, non qu'on abandonne nos autres propositions, mais qu'on lui accorde la priorité, pour des raisons fondamentales comme pour des raisons tactiques plus immédiates. Elle devrait a minima être retenue parmi les cinq ou six mesures phares à mettre en avant, sous forme de débats et de campagnes militantes, et faire l'objet de matériel spécifique (brochures, affiches…). 

La RTT est au coeur de l'histoire du mouvement ouvrier, même reléguée au second plan par une partie importante du mouvement syndical dans la seconde partie du XX° siècle. Elle a progressé par bonds, en lien avec l'augmentation de la production des richesses, la réaffectation des gains de productivité et sous la pression des luttes sociales. Elle a été l'un des éléments, tout au long du XX° siècle, de progrès social et de points marqués dans le rapport capital-travail de manière complémentaire des hausses de salaire. 

Elle a été certes été entachée par les aspects négatifs des lois Aubry mais malgré tous ses défauts -sur lesquels il faut impérativement revenir de manière offensive-, ces lois ont eu un effet certes limité mais réel sur les créations d'emploi (1997-2002 : près de 2 millions). 

Ses aspects négatifs sont cependant bien réels et leurs conséquences pèsent encore aujourd'hui : en se refusant à lier la RTT aux indispensables embauches correspondantes, les effets pervers n'ont pas tardé, à travers une dynamique de création d'emplois restée limitée, l'intensification des tâches, la stagnation ou la baisse des salaires. C'est ce qui explique une donnée contradictoire qu'on peut facilement observer : d'une part, une majorité de salarié-e-s reste très attachée à la RTT (ce qui se traduit pas le fait que les attaques contre la RTT du patronat et de la droite sont moins violentes dans les faits que dans les mots) et d'autre part, la RTT est l'objet de critiques -justifiées- par une partie des salarié-e-s (y compris par celles et ceux qui la défendent). 

Si la RTT est au cœur de l'histoire ouvrière, c'est bien parce que fondamentalement elle libère du temps et permet la création massive d'emplois. Or c'est exactement cela qui la rend d'une actualité brûlante aujourd'hui et même, parce que la crise est globale, plus brûlant encore qu'hier. 

En effet, la RTT est la meilleure réponse à apporter à l'emploi précaire que constitue le temps partiel (une sorte de RTT autoritaire pervertie par le patronat et qui, jouant contre les femmes, aggrave les inégalités hommes-femmes). Dans le même temps, la RTT, en dégageant du temps libéré, ouvre sur un possible, celui du partage des tâches domestiques et éducatives et donc de nouvelles avancées dans l'égalité réelle entre hommes et femmes : ainsi, la RTT a une dimension féministe. 

En dégageant du temps libéré et en réaffectant les gains de productivité, la RTT permet aussi de repenser le temps lui-même, de réinterroger le sens de la production et de la consommation : ainsi, la RTT a une dimension écologique. Par ailleurs, le temps libéré ouvre sur d'autres possibles, ceux du temps consacré à soi-même comme aux activités collectives, essentiel pour la culture, la socialisation... et la vie citoyenne et politique, dans le sens de la citoyenneté active, de l'appropriation sociale et de l'autogestion. 

En ce sens, la RTT a une dimension citoyenne, politique, autogestionnaire. Sociale, féministe, écologiste et citoyenne, la RTT prépare et annonce l'émancipation ; elle est inséparable du partage des richesses et de l'invention d'un autre type de développement non-productiviste, un plein emploi socialisé au-delà du travail capitaliste. 

Enfin, même si pour nous ce n'est pas le plus important, ajoutons à cela les vertus tactiques de la priorité accordée à la RTT : elle nous permettrait non seulement de débattre lors des prochaines Assises mais aussi d'agir avec d'autres, forces altermondialistes et associatives, secteurs du mouvement syndical qui sont dans la continuité de cette exigence centrale dans l'histoire ouvrière, forces de la gauche critique et alternative. 

Bien sûr, bien des point seraient à débattre, du bilan des lois Aubry au seuil des 30h par semaine en passant par les modalités législatives indispensables et le contrôle de la RTT par les salarié-e-s elles et eux-mêmes, sans lequel les pièges ne manqueront pas. Mais des frondeurs du PS au NPA et aux libertaires, en passant par EELV et l'ensemble des composantes du Front de Gauche, quel meilleur thème fédérateur que celui de la RTT, auquel toutes ces composantes se réfèrent, même à des degrés divers ? Décidément, il n'y a pas de temps à perdre : oui, pour le débat et l'action, priorité à la RTT ! 

 Bernadette Bouchard (06), Florence Ciaravola (06), Bruno Della Sudda (06), Philippe Gandin (06)

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