"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
vendredi 28 décembre 2012
Retour sur le Sommet européen de Décembre, par Jean-luc Mélenchon, député européen du Front de Gauche
Le sommet européen des 13 et 14 Décembre, un mois à peine après un sommet extraordinaire sur le budget européen n’a pas suscité grand intérêt chez les médias. Peut-être le fait que les documents n’aient pas été traduits en français n’a-t-il pas aidé à suivre. En effet : ordre du jour, note d’information, rien n’a été transmis dans une autre langue que l’anglais !
Le Sommet avait été précédé d’une réunion des ministres de l’économie et des finances. Ils s’étaient mis d’accord sur le versement du prêt promis à la Grèce et sur la mise en route des négociations sur les règlements instituant le fameux « mécanisme de surveillance » dit « union bancaire » qui, après l’échec patent du Système Européen de Surveillance Financière mis en place fin 2010, est censé nous sauver des banque en les mettant sous un contrôle plus important de la BCE (qui les surveille déjà via le Système préalablement cité). Ces deux nouvelles ont fait les gros titres. Pourtant deux autres sujets étaient traités ce jour-là : le lancement du Semestre européen 2013 (qui prépare les budgets nationaux pour 2014) et le renforcement des capacités militaires des Etats membres, conformément au Traité de Lisbonne.
La négociation du prêt FMI-UE à la Grèce continuait malgré l’adoption le 8 Novembre 2012 du 3ème Memorandum, programme complet d’austérité et de privatisations imposé à la Grèce. 49,1 milliards d’euros devraient donc être versés à la Grèce dont 34,3 milliards la semaine suivant le Sommet européen. Mais sachez que cet argent n’ira pas aux grecs. Les 49,1 milliards d'euros débloqués par l'UE ne pourront être affectés aux besoins intérieurs du pays que sur demandes au cas par cas adressées au Fonds européen de secours (FESF). De plus ce prêt n’est pas gratuit, loin de là ! Pour l’obtenir, le gouvernement Samaras s’est engagé à respecter des mesures d’austérité drastiques. Pire : l’accord contient une disposition selon laquelle dans le cas où un objectif du programme n’est pas atteint des mesures de baisse des dépenses publiques (réductions des salaires, des pensions, etc) seront prises sans la moindre consultation ni le moindre contrôle du parlement !
Revenons maintenant sur la fameuse Union bancaire. Conformément à ce qui avait été acté en Octobre, les chefs d’Etat et de gouvernement ont soutenu le lancement de la procédure législative visant à mettre en place du Mécanisme de Supervision Unique (MSU) début 2014. Le fond de l’affaire consiste en le transfert de compétences de surveillance, d’agrément et de sanction du niveau national au niveau d’une institution européenne non élue et irresponsable car indépendante : la BCE. Celle-ci se voit attribuer de nouvelles missions pour surveiller des banques, faire respecter les exigences en matière de fonds propres, d'endettement et de liquidités, pour surveiller les conglomérats financiers, pour organiser des stress tests et pour agrémenter des organismes de crédits. Ce nouveau mécanisme ne concernera qu’un nombre limité de banques. En fait, seules les banques de la zone euro dont les actifs dépassent 30 milliards d’euros. Résultat : seules 200 banques sur 6000 seront concernées. Ce choix absurde a été imposé par l’Allemagne. Il est absurde car rien ne prouve qu’une banque de taille moyenne ne puisse pas mettre en danger tout le système bancaire au contraire. Le cas de la banque espagnole Bankia, très en-dessous de ces chiffres, fait figure de contre-exemple évident.
Pour le reste, les chefs d’Etat et de gouvernement ont surtout réaffirmé leur soutien à l’austérité et à la mise sous tutelle des budgets nationaux. Les conclusions du Sommet indiquent même que c’est leur « priorité immédiate»: «la priorité immédiate est de compléter et de mettre en œuvre le cadre pour le renforcement de la gouvernance économique, qui comprend le paquet relatif à la gouvernance économique ("six-pack"), le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et le paquet relatif à la surveillance budgétaire ("two-pack"). Après les progrès décisifs qui ont été accomplis sur les principaux éléments du "two-pack", le Conseil européen invite les colégislateurs à l'adopter rapidement. » (Si ces noms vous semblent barbares vous trouverez des explications détaillés les concernant sur le blog http://europe.jean-luc-melenchon.fr/ )
Ils ont notamment salué les grands axes budgétaires proposés par la Commission européenne pour le Semestre européen 2013 à savoir: « 1. assurer un assainissement budgétaire différencié, axé sur la croissance; 2. rétablir des conditions normales d'octroi de crédits à l'économie; 3. promouvoir la croissance et la compétitivité; 4. lutter contre le chômage et les conséquences sociales de la crise; 5. moderniser l'administration publique. » Ce sont les têtes de chapitre de l’ « examen annuel de croissance » présenté par la Commission européenne le 28 Novembre dernier. Le Conseil ne donne pas le détail de ce texte, censé fixer les politiques budgétaires pour 2014. Il n’a d’ailleurs toujours pas été traduit en quelque langue humaine que ce soit et n’est disponible qu’en « globish » comme c’est de plus en plus commun dans les institutions européennes. Je vous invite à aller jeter un œil sur les sites de la Commission européenne et du Conseil européen et à juger par vous-même le nombre d’informations non traduites.
Même chose du côté du Parlement européen où en tant que parlementaires nous devons désormais demander à ce que certains discours ou textes nous soient traduits et à justifier notre demande pour y avoir accès dans notre langue !
Le texte commence par un paragraphe qui mérite d’être traduit intégralement. Il exprime clairement le cynisme et l’aveuglement idéologique des commissaires européens : « La crise économique et financière que traverse l'Union européenne a été un catalyseur pour mettre en place des changements profonds. Son impact est visible dans la restructuration profonde de nos économies, qui a actuellement lieu. Ce processus est perturbateur, politiquement stimulant et socialement difficile – mais il est nécessaire de jeter les bases de la croissance future et de la compétitivité qui devra être intelligente, durable et inclusive. » Je crois que ça se passe de commentaires…
La suite n’est pas mieux. La Commission y annonce qu’en 2013 « le PIB devrait baisser de 0,4 % dans la zone euro et de 0,3 % dans l'UE » et qu’ « il faudra un certain temps avant d’arriver à une reprise durable ». Elle admet même que si « les systèmes de protection sociale ont amorti les effets de la crise dans un premier temps, l'impact est maintenant perceptible dans tous les domaines. Le chômage a beaucoup augmenté et la précarité et la pauvreté aussi. Ces difficultés sont particulièrement visibles dans la zone euro, mais également au-delà ». Elle constate qu’ « au cours des douze derniers mois, le nombre de chômeurs a augmenté de 2 millions, pour atteindre plus de 25 millions dans l’UE » et que « le taux de chômage est désormais de 10,6 % dans l'UE et de11 ,6 % dans la zone euro ». Elle signale aussi que « compte tenu de la durée des périodes de chômage, de la restructuration rapide de l'économie et des difficultés pour trouver un emploi, il y a un risque que le chômage devienne structurel et qu'un nombre croissant de personnes soient exclues du travail. Il y a aussi des signes clairs que les risques de pauvreté et d'exclusion sociale augmentent dans de nombreux Etats membres. Les pressions sur les systèmes de protection sociale affectent également sur leur capacité à exercer leurs fonctions de protection sociale ».
Mais cet aveu criant du résultat désastreux de l’application de ses recettes de casse des services publics n’amène pas la Commission à remettre son modèle en question. Au contraire, elle persiste et signe.
Côté dépenses, la Commission recommande notamment de poursuivre la « modernisation des systèmes de protection sociale » et demande notamment que « les réformes des régimes de retraite soient intensifiées ». Elle propose aussi « des subventions ciblées pour l’emplois des nouvelles recrues, notamment les peu qualifiés et les chômeurs ».
Côté recettes la Commission se félicite des augmentations de TVA et préconise notamment de « réduire considérablement la pression fiscale sur le travail » et de « regarder si les taxes sur la consommation, sur le foncier et les taxes environnementales peuvent être renforcées». Elle demande en outre « la réduction ou l’élimination des exonérations fiscales, des taux de TVA réduits et des exonérations sur les droits d'accise » ainsi qu’une réduction de l'impôt sur les sociétés.
La Commission appelle en outre les institutions publiques à garantir les investissements des banques privées dans les PME, à faciliter l’accès au capital risque, à mettre en œuvre complètement la directive services (Bolkenstein), et à achever la réalisation le règne de la concurrence libre et non faussée dans le marché unique et ce notamment dans le domaine du numérique. Elle demande aussi aux Etats de «moderniser les marchés du travail » notamment en « développant le travail flexible y compris le travail de courte durée ».
Voilà donc ce que nous préparent les chefs d’Etats et gouvernement et dont la presse ne vous a parlé nulle part. Notez par ailleurs que les chefs d’Etat et de gouvernement se sont aussi penchés sur la politique de défense. L’occasion pour eux de réaffirmer leur soumission totale à l’OTAN. Conformément aux engagement pris dans le cadre otanien et dans celui du Traité de Lisbonne ils se sont engagés à «développer leurs capacités militaires », à « être prêts à fournir des capacités tournées vers l'avenir, à la fois dans le domaine civil et dans le domaine de la défense » et à « faciliter les synergies entre les initiatives sur le plan bilatéral, sous-régional, européen et multilatéral, y compris l'initiative de l'UE portant sur la mutualisation et le partage et celle de l'OTAN portant sur la défense intelligente ».
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