mercredi 19 mars 2014

« L’espoir d’une autre ville, dans un autre monde. La gauche, c’est vous ! »- Succès du meeting rassemblant les six listes de la gauche alternative hier soir à Nantes.


Le pari était difficile. Il a été réussi, avec plus de 350 personnes réunies salle Bretagne à Nantes « Il y a quelques mois, nous voulions être le phare des invisibles. Cet engagement, nous l'avons réalisé. Avec cette campagne, nous sommes parvenus à faire entendre une autre voix que celle du renoncement ou de la xénophobie. A Nantes et delà dans l'agglomération » affirmait d'ailleurs d'emblée Guy Croupy, premier des huit intervenant-e-s, avant de sensibiliser sur le Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement entre l’Union européenne et les Etats-Unis. « Avec les coupes sombres décidées par ce gouvernement qui vont affecter encore plus le financement des collectivités locales, le Grand Marché Transatlantique constitue une autre menace grave pour nos municipalités : celle de les mettre sous la coupe des entreprises transnationales et des marchés financiers qui feront la loi dans nos communes ». 


Seconde flèche décochée par Guy Croupy au cour de cette soirée, contre la métropolisation : « En portant atteinte à l’unicité de traitement républicaine, la métropolisation ouvre la porte au démantèlement du territoire national, à la déstabilisation de nos administrations locales, à l’effacement des départements, des communes au profit d’une conception centralisatrice des régions et des métropoles ». Avant de conclure, sous des applaudissements nourris « Nous ne laisserons pas le champ de l'expression politique de gauche aux mains des Solfériniens et de leurs supplétifs. Mais nous saurons aussi prendre nos responsabilités face à une menace de la droite désormais totalement poreuse aux idées nauséabondes de Marine Le Pen » …. « Malgré le Gouvernement qui veut nous dépouiller à force de reculs sociaux, de taxations, de gel des salaires et des retraites, malgré ce Gouvernement qui nous a fait toutes nos poches, nous trouverons quand même au fond de celles-ci, le seul bulletin de vote qui compte : celui des listes vraiment à gauche, anti austéritaires, solidaires et écologiques ». 

Après les interventions des porte-parole des différentes listes présentes, Saint Herblain à Gauche toute, Couëron à gauche autrement, Rezé à gauche toute, Bouguenais Agir solidaire, Nantes à Gauche toute ! Place au Peuple ! , entrecoupées d'intermèdes musicaux, et un débat avec la salle, il appartenait à Françoise Verchère, conseillère générale et ancienne maire de Bouguenais, de conclure la soirée. Avec talent et conviction. 

« Chers amis, chers camarades,  

J’ai lu dans un quotidien local qu’il allait falloir que je remplace à moi seule Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou et autres leaders. Excusez du peu ! Je ne sais pas si vous espériez vraiment que je puisse le faire, mais je préfère vous prévenir, vous risquez d’être déçus !       
        
Enfin, ça ne sera pas pire qu’avec François Hollande qui lui est capable de décevoir même ceux qui n’en attendaient rien ! Nous n’attendions rien mais nous avons été déçus ! Déçus n’est peut-être pas le terme d’ailleurs. Surpris ? Pas davantage.    
Moi, je dirais plutôt «  triste et en colère » : triste et en colère de voir que les socialistes une fois encore piétinent les valeurs de gauche auxquelles nous restons si attachés. De voir qu’ils ont oublié depuis longtemps la vraie vie où le SMIC ne suffit pas pour vivre, où le logement est un casse-tête, où l’augmentation de la TVA renforce les difficultés quotidiennes. 

Car depuis le discours du Bourget et les  célèbres promesses de  «  moi, président… », on a vu ce qu’on a vu : la finance terrorisée, la courbe du chômage inversée (selon le sens où vous la regardez ou selon les mois, ou selon le ministre qui la commente), la justice fiscale assurée, les lobbies tenus en respect, et même les comptes en suisse avoués. Tout cela « les yeux dans les yeux », la main sur le cœur mais  le mensonge à la boutonnière…              

Or, chaque mensonge, chaque lâcheté, chaque reniement porte un coup supplémentaire à la crédibilité du politique, met à mal  la confiance des citoyens et tue à petit feu la démocratie. Près de 70% des français pensent désormais que les politiques sont le plus souvent corrompus. Combien d’électeurs vont-ils choisir de ne pas choisir, choisir l’abstention par dégoût et  désespérance ? Qui osera les en blâmer ? Car il faut être bien accroché, reconnaissons le, pour démêler le vrai du faux dans le discours politique d’aujourd’hui, y compris dans le discours local, y compris dans le discours qui se dit de gauche.               

J’ai regardé bien sûr les documents de campagne des équipes sortantes, à Nantes, à Saint-Herblain, Rezé, Couëron, Bouguenais, La Montagne. J’y ai vu ce qui aurait dû me faire plaisir, du rouge et du vert. Mais le rouge se cantonne aux écharpes que portent les candidats en campagne (une fois tous les six ans), et le vert est partout, mais  en couche superficielle parce qu’il ne faudrait tout de même pas s’attaquer  à l’agriculture intensive ou au nucléaire, ou aux énergies carbonées…

Quant aux mots, je les ai tous trouvés bien-sûr : ville équilibrée, ville durable, solidarité, logements pour tous, accueil des petits, des anciens, des familles de tout poil ( ah non on ne dit plus poil, de toutes sortes donc), et du citoyen et de la concertation et de la démocratie participative, et du partage !  Les couleurs et les mots qui sont ceux de la gauche, ils les ont gardés tout en les vidant d’une grande partie de leur substance, et même si certains de ces mots, ne soyons pas injustes ont parfois été traduits en action, il y en a aussi d’autres qui  trahissent une dérive idéologique désormais décomplexée : je pourrais parler par ex de la vidéosurveillance dont l’idée progresse, mais je préfère m’attarder sur trois mots qui reviennent  en boucle : attractivité, compétitivité, métropolisation. Voilà le triptyque « décliné » comme on dit maintenant à l’envi, rabâché et présenté comme la solution à tous nos maux. Trois mots qu’on s’attendrait plutôt à trouver à droite et qui montrent bien la dérive idéologique des socialistes dont le logiciel est désormais au centre (et quand je dis centre, c’est à peine au centre gauche !!!)

Ah, la belle métropole qu’on vous promet : de taille européenne bien sûr, attractive en diable, portant avec elle le bonheur et le plein emploi ! Oui, oui, oui, Même qu’avec cette belle métropole on sera au cœur de l’Europe et plus du tout à l’Ouest comme le dit la géographie…On se demande si certains ne sont pas vraiment à l’Ouest, car derrière le slogan qu’y a-t-il ? Il y a la fameuse concurrence et la fameuse compétitivité, l’horizon indépassable de l’humanité vous savez… Pour attirer entreprises et habitants, sans regarder à qui éventuellement on les « prend ». 

Il y a une certaine idée de l’aménagement du territoire, qui reproduit les erreurs du centralisme,  crée des féodalités et  produit des barons petits et grands attachés à leur pouvoir et à leur réseau d’influence.   Et il y a donc les actes qui traduisent cette abdication idéologique : course perpétuelle à la construction de logements, ce qui implique derrière la course à la réalisation d’équipements,  rêves de grandes infrastructures, préférence donnée à l’image et à l’événement. Des logements, bien sûr ! qui serait contre ?  Mais pour qui ? Avec quel prix de sortie ? Et quel profit pour les promoteurs ? Question impertinente (carré Lafayette avec des logements au prix de 6000 euros le m2)! Vous n’avez pas encore compris qu’il faut des riches pour faire travailler les pauvres !   Des infrastructures, bien-sûr ! Une utilisation intelligente de l’étoile ferroviaire pour améliorer le quotidien de la population par ex ? Un investissement sur le périphérique inondé plusieurs jours cet hiver ? Vous n’y pensez pas, il nous faut un nouvel aéroport, pour les hommes d’affaires. Et puis, il faut bâtir que diable, faire tourner le BTP et l’immobilier ! Au nom du progrès, au nom de l’avenir, au nom des chômeurs même !   De la culture, bien-sûr ! Des pratiques pour tous, un soutien aux initiatives et aux artistes locaux ? Allons, voyons, d’abord de l’image et de l’attractivité, chéquier ouvert aux hommes qui feront parler de Nantes !   

Et le bonheur dans tout ça ? Pour plus tard, toujours, quand on aura encore inauguré, construit, marqué le territoire et refait un ou deux autres mandats…   

Depuis plusieurs années, la communauté urbaine, bras institutionnel de la Métropole a un discours bien rôdé, parfaitement dans cet air du temps avec juste ce qu’il faut de vert et de rose pâle pour donner le change. Mais dans les masses budgétaires qui sont affectées aux politiques publiques, il n’y a aucune rupture avec le modèle dominant qui nous emmène dans le mur. Ce n’est pas une métropole toujours en expansion que nous voulons mais des villes vivables ; ce n’est pas un centre ville « gentrifié » que nous voulons mais une ville où tout le monde puisse vivre ; ce ne sont pas des communes sous la coupe de la ville-centre que nous voulons mais des communes où la différence et l’expérimentation restent encore possibles et où les citoyens aient d’autres pouvoirs que de choisir simplement la couleur des rideaux de la mairie. Ce n’est pas une métropole qui parle forêt et agriculture périurbaine mais n’y consacre que quelques dizaines de milliers d’euros tout en continuant à gaspiller des espaces agricoles et naturels que nous voulons mais d’une métropole qui mette en cohérence ses paroles et ses actes et s’engage dans une véritable transition écologique et énergétique.   

On me dira que  ce n’est pas au niveau local qu’on peut régler la question des paradis fiscaux ou lutter contre la politique d’austérité de l’Europe, certes ! Mais il y a tout de même des marges d’action pour résister et changer la vie (grands services de l’eau, choix des priorités budgétaires, débat sur l’utilité publique). Voter aux élections municipales, ce n’est donc pas seulement  choisir les futurs gestionnaires de sa commune et de l’intercommunalité,  c’est aussi choisir ceux qui portent une vision de l’avenir, c’est  affirmer ses choix de société.   

Alors même si on nous a volé nos mots, si on les a vidés trop souvent de leur force de subversion, si on les a récupérés pour que rien ne change, si beaucoup de nos concitoyens sont désabusés, je vous le dis ce soir : la gauche n’est pas morte : c’est vous qui l’incarnez, c’est vous qui en portez l’esprit, c’est vous qui gardez la flamme allumée. Vous qui vous êtes lancés dans la bataille  municipales avec vos différences, vos engagements partitaires ou non, votre méfiance justifiée du pouvoir, vos  doutes et vos questions sur le meilleur chemin à prendre pour que demain soit plus vivable qu’aujourd’hui, c’est vous qui devez porter l’espoir ! La gauche, c’est vous ! 

Surtout,  n’allez pas croire ce que les « soucieux socialistes » pour paraphraser Boris Vian disent: que vous vous trompez d’ennemis, que vous faites le jeu de la droite, et même de l’extrême droite tant qu’à faire. Non, ne les croyez pas : c’est eux qui  sont les fossoyeurs de l’espoir, incapables de la moindre mesure courageuse, oublieux de l’éthique qui doit être le socle de l’action publique. La gauche,  c’est vous !   

Dans les six communes de l’agglo où vous vous présentez, il n’y a pas de risque de passage à droite,  que vos propositions donnent aux électeurs l’espoir d’une autre ville, dans un autre monde. La gauche, c’est vous ! »

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