"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
vendredi 17 juin 2016
Comment élargir le mouvement de contestation ? un chantier public avec un horizon après-capitaliste, par Pierre Zarka
Au-delà du plus visible, la situation actuelle met en lumière une obsolescence de la politique traditionnelle. Après le 49-3, on peut crier au coup de force et au déni de démocratie. Mais cela me paraît court.
Le système politique est en voie de décomposition, la République en train de se déliter. Rapprochons le 49-3, l'état d'urgence, la banalisation de l'usage de la force contre les manifestations, la répression syndicale, la criminalisation de manifestants ou d'affiches, la loi travail, le Tafta, ou encore la réforme territoriale.
Si l'on fait le lien entre tous ces éléments, on voit une cohérence se profiler : tout concourt à casser la prééminence de la loi commune au profit des liens individuels d'allégeance au capital. Nous sommes face à un mouvement rampant vers un totalitarisme comme nouvelle phase du capitalisme.
Redéfinir une société et un système politique est devenu une urgence. Or, ce mouvement ouvre une phase nouvelle des luttes populaires.
Pour la première fois depuis longtemps, il n'attend pas un recours institutionnel, la déligitimation du pouvoir va audelà de l'actuel gouvernement. Le mouvement veut faire par lui-même. Les Nuits debout sont des laboratoires de recherches.
Des salariés envisagent un affrontement sans concession. Tous se transforment en acteurs politiques. Les ressorts régressifs dont l'attrait de l'être providentiel se retrouvent du côté du FN. À sa manière, Macron s'y essaie, tentant de récupérer le ni droite ni gauche. Mais ils doivent faire face au recul du sentiment de devoir dépendre d'un puissant.
On comprend alors la rage qui anime les forces du capital, PS inclus, à l'égard des syndicats : ils peuvent contribuer à donner corps à un mouvement d'ensemble.
Mais à pratiques populaires nouvelles doivent correspondre des idées nouvelles.
Pour devenir une puissance transformatrice et être à armes égales avec le capital, le mouvement a besoin de trouver les mots pour construire une charpente idéologique sans laquelle pas de mise en perspective.
Le 49-3 est un symptôme supplémentaire que le système représentatif ne correspond plus aux besoins des uns et des autres. Pour les dominés, il est une mise à l'écart de leur pouvoir de décision.
L'indépendance des élus à l'égard des mandants est de plus en plus rejetée.
Pour la bourgeoisie, le système est encore trop sensible à la pression psage immédiat afin de libérer les attentes citoyennes des logiques du système.
La perception d'une alternative constitue le prochain facteur de dynamisation et d'élargissement du mouvement. Les forces du capital font le pari de l'absence de toute projection ouvrant sur une réelle alternative et sur l'embarras des forces traditionnelles. Il faut bien reconnaître que le silence est assourdissant. Apporter son soutien n'est pas suffisant.
C'est dans le désir d'alternative que se situent les attentes donc une disponibilité nouvelle. Comment l'apport de perspectives politiques s'inscrit-il dans les interrogations émises ?
Et s'il est si peu question de la présidentielle dans les rassemblements, ce n'est pas signe de dépolitisation : les acteurs du mouvement savent que cette élection a été conçue pour empêcher tout changement. Ils ne veulent pas se détourner de ce qui est en train de naître.
Il est temps d'en subvertir le sens en rassemblant dans un chantier public ayant pour objectif un horizon après-capitaliste. C'est autour de celui-ci que pourront converger des actions diversifiées. Cela vaut la peine d'y consacrer toutes les énergies.
Pierre Zarka est animateur de l'Observatoire des mouvement de la société et membre d'Ensemble!
tribune publiée dans le quotidien l'Humanité du 16 juin
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