"Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte !" Asli Erdogan
vendredi 17 juin 2016
"Nous continuerons à manifester !". Tribune
Les déclarations de Manuel Valls et de François Hollande, qui visent à interdire toute manifestation dans la capitale, constituent une manœuvre révoltante et portent atteinte aux droits essentiels des citoyens.
L’attaque délibérée de forces de police et les actes de dégradations d’édifices publics et privés sont clairement réprouvés par les syndicats organisateurs de ces rassemblements.
Il y a aujourd’hui sans doute de multiples raisons de se révolter. Mais les conduites d’agression et de destruction ne peuvent avoir pour résultat que de tourner l’opinion publique contre le mouvement social. Elles font le bonheur du pouvoir, qui les encourage en leur donnant une publicité constante et démesurée, dont l’objet est de rendre illisibles et d’occulter toutes les formes d’expression du mouvement social.
Nous condamnons avec force ces amalgames et manipulations de l’opinion publique. Et nous appelons à la défense du droit de manifester.
Exactions policières
Ce gouvernement joue délibérément la carte de la tension et même davantage : l’option de la provocation irresponsable contre les manifestants, encerclant et bousculant brutalement les cortèges pacifiques, sans égard pour les journalistes, les lycéens jeunes, les salariés âgés, les retraités. Quand a-t-on vu cela dans ce pays ? C’est insupportable, intolérable, indigne.
De telles exactions policières, personne n’avait imaginé qu’elles deviendraient la règle sous ce quinquennat. Il y a là une stratégie constante, engagée depuis l’arrivée de M. Valls au ministère de l’Intérieur et poursuivie aujourd’hui.
Tu es à Sivens. Un jeune type, fac de biologie, t’as les mains en l’air. Aucune sanction, pas d’excuse de M. Valls. Mort pour avoir dit non. Pacifiquement. Tu t’appelles Rémi Fraisse. Le tir de grenade t’arrache le visage. C’était il y a un an.
Le droit de dire «non»
Tu es écolo, c’est la COP 21. Tu vis à Rouen, à Rennes, à Bordeaux, à Paris, à Nantes. C’est sûr qu’avec tes quinze potes, tu constitues une menace grave pour la République. Tu veux juste dire aux puissants de la COP : «cette fois, pas comme à Kyoto, respectez vos engagements !». Tu es fou ou quoi ? À 6 heures du matin, des policiers forcent ta porte. Tout de suite, tu es allongé par terre, ils cassent tout chez toi, éventrent les matelas.
Tu es un danger parce que tu veux manifester ? Tu es assigné à résidence, ils reviennent après, de temps en temps. Tu es ouvrier. À Goodyear. Ou ailleurs, vraiment l’embarras du choix. Tu es licencié. La suite, tu l’as direct devant les yeux : les crédits, tu peux plus payer, la maison, non plus, du boulot, pas avant longtemps; tu t’en sortais à peine, c’est la galère pour longtemps.
Pourquoi ? Parce que t’es ouvrier ? Parce que ta «boîte» fait des profits, mais en veut toujours plus. Plus pour qui ? Tu résistes. Tu retiens un DRH. Direction Palais de justice. Tu es criminel de résister.
Tu es criminel d’être un syndicaliste qui résiste. Mais un syndicaliste, ça doit faire quoi ? Et il faut dire : etc.
Et il faut croire qu’est de gauche ce gouvernement qui autorise ces violences ? Jusqu’où ira-t-il ? Un autre Malik Oussekine ? Qui croit-il impressionner ? Sinon lui-même.
Pour un instant s’imaginer matador, viril, martial. Il n’est qu’apeuré. Et en tous cas, nous n’allons pas laisser tomber les droits de dire non. Ils viennent des luttes d’hier menées par toute la gauche.
Nous continuerons à manifester.
Signataires Etienne Balibar (philosophe), Jacques Bidet (philosophe), Jérôme Bourdieu (économiste), Christophe Charle (historien), Benjamin Coriat (économiste), Christine Delphy (sociologue), Eric Fassin (sociologue), Olivier Fillieule (sociologue), Bastien François (politiste), Jean-Marie Harribey (économiste), Sabina Issehnane (économiste), Esther Jeffers (économiste), Pierre Khalfa (coprésident de la Fondation Copernic), Rose-Marie Lagrave (sociologue), Frédéric Lebaron (sociologue), Philippe Légé (économiste), Dany Lang (économiste), Willy Pelletier (sociologue), Jonathan Marie (économiste), Gérard Mauger (sociologue), Christian de Montlibert (sociologue), Léonard Moulin (économiste), Gérard Mordillat (romancier), Gisele Sapiro (sociologue), Johanna Siméant (politiste), Violaine Roussel (politiste), Christian Topalov (sociologue)
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