Le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes a donné lieu et donne encore lieu aujourd'hui à plusieurs types de contentieux et de procédures.
Le contentieux de l’expropriation et de l'éviction :
Les agriculteurs et habitants locaux qui ont fait l'objet d'expropriation et d'éviction ont d'abord contesté la déclaration d'utilité publique qui a été validée le 31 juillet 2009 par le Conseil d’État.
Depuis,
plusieurs dizaines de personnes ont refusé de négocier à l'amiable leur
expropriation ou éviction (locataires) de la zone du projet. Dans la
très grande majorité des cas, le juge de l'expropriation leur a accordé
des indemnités plus élevées que celles qu'AGO (Vinci) leur proposait.
Leur contestation était donc parfaitement fondée.
En janvier 2016, le juge nantais a refusé la démesurée demande d'astreinte d'AGO (Vinci) à l'égard des agriculteurs dont l'expulsion a été ordonnée.
Le contentieux de l'accès aux documents administratifs :
A
4 reprises, les opposants (associations environnementales et
d'opposants) ont du saisir la CADA pour forcer l’État à leur communiquer
des documents administratifs qui leur avaient été refusés. Tous les
avis rendus par la CADA ont été favorables aux opposants. Dans un cas,
concernant les chiffres de la DGAC, les opposants ont du saisir le
tribunal administratif de Paris parce que l’État refuse d'exécuter la
décision de la CADA. Dans les autres cas, l’État a fini par s'exécuter,
faisant perdre aux opposants au projet un temps d'analyse précieux du
dossier. L’État a parfois également oublié de communiquer certains
documents demandés par les opposants, comme une note de la DREAL sur le
Lac de Grand-Lieu.
Les autorisations environnementales :
4
procédures ont été lancées contre les arrêtés concernant la loi sur
l'eau et les espèces protégées (deux pour chaque thématique, concernant
la plate-forme et la desserte). Le 17 juillet 2015 le tribunal
administratif de Nantes a rejeté 3 des 4 procédures, et a accueilli
partiellement les opposants sur l'une des 4 procédures en ordonnant la
modification du projet de plate-forme aéroportuaire. Ces 4 procédures
ont fait l'objet d'un appel devant la Cour administrative d’appel de
Nantes. L’arrêté de dérogation relatif au campagnol amphibie n’a
toujours pas été publié.
Il en est de même du recours engagé par les
opposants à l'encontre de la déclaration d'utilité publique du programme
viaire, rejeté le 17 juillet 2015 et faisant l'objet d'un appel en
cours.
La procédure européenne sur le versant environnemental :
La
commission européenne a adressé à la France une mise en demeure de se
mettre en conformité avec la directive sur l'évaluation environnementale
des plans et programmes s'agissant de la stratégie d'aménagement du
Grand Ouest dont le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est la
composante centrale. La commission demande à la France de régulariser sa
situation en intégrant la problématique globale de l'aéroport dans un
document d'orientation général, le SCOT Nantes – Saint Nazaire, et en
procédant à une évaluation environnementale de ce document. Si l’État
français rend une copie satisfaisante (évaluation environnementale), la
commission européenne pourra refermer la procédure d'infraction (encore
ouverte aujourd'hui).
Les aides d’État et la concession aéroportuaire :
Le
Conseil d’État a validé dans un arrêt de 2012 le décret de concession
adopté en 2010 pour confier la réalisation du projet d’aéroport à VINCI,
par le biais de la société AGO (aéroport du grand ouest). Le Conseil
d’État a considéré qu’aucune obligation de notification d’aide d’État ne
pesait sur l’État français.
Saisie par les opposants dans le cadre d’une pétition européenne, la commission européenne a démenti l’analyse du Conseil d’État et a constaté l'absence de notification préalable des aides perçues par Vinci pour la construction de l'aéroport. Une régularisation a donc été demandée, et est intervenue en Juillet 2013. Les opposants ont demandé à Vinci de rembourser les intérêts des aides perçues de manière prématurée : le tribunal administratif de Nantes leur a donné raison le 1er juillet 2015. Près de 900 000 € ont dû être remboursés par Vinci au syndicat mixte aéroportuaire et à l’État français.
Les espèces protégées oubliées, et le campagnol amphibie :
les associations de protection de la nature ont été obligées de mettre en demeure le Préfet de prendre en compte les espèces protégées non intégrées dans les arrêtés environnementaux pour qu'enfin une procédure de régularisation soit engagée.
Qui perd qui gagne ?
Dans de nombreux litiges, il n'y a pas
de gagnant évident. En matière d'expropriation, si les expropriations
sont confirmées, le juge est lié par la validation de la DUP par le
Conseil d’État – il ne peut pas décider autrement que de valider les
expropriations. Par contre, les juges ont très régulièrement revus à la
hausse les offres indemnitaires en demandant à AGO / Vinci de payer
davantage que ce qu'ils proposaient.
Les procédures européennes sont menées sous la forme de régularisations. Mais on peut constater qu'en matière d'aide d’État et d'évaluation environnementale, la France a méconnu la réglementation européenne et a dû procéder (et procède encore !) à une régularisation de sa situation. Cette dernière passe par :
- la révision du SCOT pour les aspects environnementaux et la réalisation d'une nouvelle évaluation environnementale ;
- le remboursement des intérêts pour les aspects relatifs aux aides d’État.
Le contentieux de l'accès aux documents
administratifs a recadré l’État qui se vantant de transparence est remis
à l'ordre par la CADA à 4 reprises, permettant de réduire le manque de
transparence de l’État dans le dossier de NDDL.
Le contentieux environnemental est en
appel. Il n'a pas fait l'objet d'un rejet en bloc car un des 4 arrêtés
contestés a été modifié sur injonction du juge nantais.
Alors qu'il a abouti au succès de la
demande des opposants, le contentieux du remboursement des aides d’État
est considéré par les soutiens au projet comme ayant engendré de
nombreux « recours perdus » puisque les demandes des opposants
avaient été adressées tant au syndicat mixte aéroportuaire qu'aux
différentes collectivités le composant, individuellement. Le juge a
préféré globaliser la demande en annulant le seul refus de demande de
remboursement du syndicat mixte aéroportuaire (et de l’État) et rejetant
les demandes adressées aux collectivités. Il s'agit pourtant
indiscutablement d'une victoire contentieuse globale des opposants.
Au regard de ces éléments, le chiffre
annoncé par les partisans du projet de 160 décisions favorables à l’État
est une déformation de la réalité entretenue par les soutiens au projet
d'aéroport aux fins d'une propagande visant à discréditer les
opposants. Ce chiffre est infondé car il cumule les multiples requérants
et les procédures d'appel, et aboutit à gonfler artificiellement le
nombre de décisions. Il ne reflète pas la réalité du contentieux sur le
projet d'aéroport, où les décisions tranchent souvent au milieu des
demandes de l'une ou l'autre des parties, ou bien rejette partiellement
en accueillant une partie d'une demande, en rejetant une autre partie, mais aucune de ces décisions n'a pour objet d'obliger l’État à construite un aéroport à NDDL. En outre, il suffirait qu'une seule des décisions environnementales soit annulée pour que le projet soit remis en cause dans son intégralité.
Il n'y a aucun usage abusif de la justice dans ces contentieux. On n'a retrouvé aucune décision condamnant les opposants à payer des frais de justice de leur adversaire, et encore moins d'amende pour recours abusifs.
En conclusion
Il nous apparaît que l'indication dans
le document de synthèse à destination du public d'un « chiffre » du
nombre de recours perdus ou gagnés par l’État dans le cadre du projet
d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est extrêmement difficile à opérer.
Elle procéderait à la déformation de la réalité aux fins d'une
simplification bien accommodante pour les soutiens au projet, alors que
cette réalité est bien plus contrastée que ce qu'ils souhaiteraient.
Seule une présentation de cette réalité contrastée est de nature à
assurer une information objective des électeurs, conformément à
l'article L. 123-26 du code de l'environnement.
Thomas DUBREUIL le 7 juin 2016
Avocat
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