Le mouvement de lutte contre la
loi travail a incontestablement remporté une victoire politique le 23 juin, en
rétablissant le droit de manifester, mais surtout en faisant plier Manuel Valls
le boutefeu de Matignon qui ne songe qu’à sa carrière politique. Même l’éditorialiste
Michel Noblecourt, qui écrit chaque jour des tableaux cauchemardesques sur l’isolement
de la CGT, est cette fois obligé de le reconnaitre : « La CGT et FO ont obtenu l’essentiel :
elles ont fait plier le gouvernement » (Le Monde 24 juin).
Certes, il y a eu un compromis,
et le tour du bassin de l’Arsenal en partant de la place de la Bastille avait
un aspect dérisoire (« Ce n’est pas
une manif, c’est un zoo » lisait-on sur une pancarte). Mais c’est bien
le pouvoir politique qui s’est ridiculisé et discrédité par ses atermoiements,
ses coups de menton, ses volte-face, alors que l’intersyndicale est restée
inflexible sur la position « Nous
manifesterons », soutenue par une pétition signée par plus de
120 000 personnes en quelques jours, par des déclarations de
personnalités, par un front politique unitaire de gauche (EELV, Ensemble, MRC,
NGS, Nouvelle Donne, NPA, Parti de Gauche, PCF, PCOF, POI, République & Socialisme)
qui a tenu une conférence de presse sur la place de la Bastille la veille de la
journée de lutte.
Plusieurs dizaines de milliers de
personnes ont donc manifesté à Paris et dans les régions, la brutalité du
gouvernement renforçant l’envie d’agir. A Paris, le cortège a pris une tournure
très politique en ciblant, y compris dans les rangs syndicaux CGT, le Premier ministre : « Valls Démission », ou encore
« Manuel Valls tu vas plonger dans
le bassin de l’Arsenal ». Mais aussi la pancarte : « Hollande : destitution ! ».
Quant aux délégations de PSA ou Renault, on y entendait : « Nous sommes des ouvriers, pas des
casseurs ! Les casseurs sont au patronat ». Et partout : la
légitimité et la démocratie sont « ici »,
dans la rue, pas dans un gouvernement obstiné, minorisé partout, dans l’opinion
et à l’Assemblée, et dont la seule défense devient la hargne anti-syndicale, la
violence, le mensonge grotesque (exemple : « un Hôpital Necker pris d’assaut» le 14 juin, selon Valls).
Il est particulièrement irresponsable,
dans ces circonstances défavorables au gouvernement, que des petits groupes violents aient cru
intelligents d’aller briser dans la soirée les fenêtres du local national de la
CFDT, prenant ainsi sciemment le risque d’affaiblir la force majoritaire du
mouvement, et alors qu’une fois de plus, des syndiqués de la CFDT métaux
manifestaient dans la rue. On n’attaque pas des locaux syndicaux !
Pour gagner : la crise politique
Le gouvernement sort donc encore
un peu plus affaibli de cette semaine de tensions. Tous les témoignages venant
des proches du pouvoir concordent : Valls a été désavoué. Valls joue son
propre jeu, et pour lui la loi travail n’est qu’un prétexte à clarifier le
champ politique à son profit, à l’intérieur du PS ou dans le syndicalisme. Il
le répète d’ailleurs sans arrêt, il n’y a pas plus cynique que lui. Mais
jusqu’à quand cela peut-il durer ? L’hypothèse d’un gouvernement
« empêché » par ses propres contradictions et par son isolement total
est bien celle sur laquelle il faut miser pour gagner.
Certes, les grèves se sont
arrêtées, l’été approche, la fatigue pèse. Mais il semble bien que ce
gouvernement, moins que jamais, ne parviendra à rassembler une majorité lors du
retour de la loi à l’Assemblée nationale. Moins que jamais parce que dans le
syndicalisme, le soi-disant front des « réformistes » est en train de se lézarder de plus en plus,
avec une CFE-CGC qui demande la suspension du débat parlementaire et une
renégociation de l’article 2 de la loi. Avec des syndicats UNSA comme la Fédération
banques-assurances qui est vent debout contre ce recul des droits, qui réclame
la « sanctuarisation » de
la hiérarchie des normes, la suppression des référendum d’entreprise, et qui
rappelle que le dernier congrès du PS a voté en juin 2015 la prééminence
des conventions et des branches sur les accords d’entreprises ! Avec une
direction nationale de l’UNSA qui estime que « le compte n’y est toujours pas ». Il n’y a donc plus que Laurent Berger pour
sauver le soldat Hollande, et lui-même a été contraint d’envoyer une
protestation à ses amis des ministères contre la folle menace d’interdiction de
manifester.
On va donc probablement vers une
nouveau 49-3, un désaveu de majorité aggravé à l’Assemblée, un étalage de
faiblesse, et de nouvelles motions de censure, à gauche et à droite. Il faudra les voter toutes. Cette loi doit
vallser par tous les moyens. Il se pourrait peut-être que dans les hauts
cercles du pouvoir, l’envie de se débarrasser de Manuel Valls prenne forme…
Un front commun de la vraie
gauche s’impose
Le front syndical des sept
organisations (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL) opposées à la loi
travail tient bon. C’est même remarquable. Il attire d’autres forces dans
l’UNSA, la CGC, la CFDT. Il mobilise les intellectuels, même si les initiatives
peinent à se coordonner.
Tout dernièrement, le front
syndical a été rejoint par un front de forces de gauche. Ensemble ! y a
contribué depuis plusieurs semaines. Mais ce front reste trop timide, trop
empêtré dans des prudences inexplicables, comparées aux enjeux de gagner contre
cette loi scélérate. Pour la première fois le 23 juin, un cortège des forces
politiques (LO, NPA, Ensemble, PG, EELV, PCF) s’est inséré dans la
manifestation. Mais ce cortège manquait de convictions et d’allant. Les forces
du Front de gauche n’étaient pas rassemblées. Le meeting du dimanche 12 juin au
théâtre Dejazet à Paris (suscité par la Fondation Copernic) avait pourtant été
dynamique et des porte-parole politiques y avaient lâché la phrase
suivante : « Nous sommes une
force ».
Oui ! Il faut démentir les assertions des supporter du
pouvoir : il y a une alternative, elle est possible, il faut la vouloir.
Pas d’abord pour 2017. Mais pour faire capoter cette loi et avec elle, ce
pouvoir de droite. Ce front de gauche d’un nouveau type attirerait des
socialistes, des forces citoyennes, et redonnerait un souffle supplémentaire à
la lutte. Il pourrait commencer par organiser des réunions publiques partout,
autour de mesures communes contre le chômage, pour les droits sociaux, pour une
nouvelle Europe. Il appuierait des
votations citoyennes de rue, en complément des initiatives syndicales.
Prochaine manifestation le 28
juin. On ne lâchera pas.
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