Introduction : la
centralité de la question écologique dans notre projet politique de court
et de long terme dans une perspective d’émancipation.
Avec
celles de la démocratie et de l’organisation économique, la question écologique
constitue l’une des trois questions centrales d’un projet de transformation
écologique et sociale (TES)et des programmes qui en découlent.
En
raison de la spécificité du champ de l’écologie,cette place relève pour l’humanité et pour la planète de
l’urgence et de la nécessité, de traiter à toutes les échelles, lesproblèmes de
dérèglement climatique, de pollutions et de perte de biodiversité, … et les
graves conséquences qui en résultent. Elle tient aussi au caractère
anticapitaliste et anti productiviste des solutions, tout commeau caractère
fondamentalement social des conséquences et des causes de la crise écologique.Cet
aspect prend la forme d'un mouvement circulaire qui enferme les couches
sociales marginalisées, et à l'intérieur de la compétition internationale pour
l'accès aux marchés de bien, de services, et de capitaux, les pays de la
périphérie, dans les situations les plus graves, les plus destructrices et les
plus critiques, collectivement et individuellement, libérant les classes aisées
et les pays du centre, anciens ou nouveaux, de la responsabilité centrale qui
est la leur et qu'ils refusent d'assumer.
Dans le champ du social, symétriquement,
une autre répartition des richesses constitue une partie de la solution qui
doit,en priorité, répondre aux besoins en matière de cadre de vie, de santé, de
revenu, d’emploi … des couches populaires, bénéficiaires et actrices du
changement dans une logique d'utilité sociale et écologique.
Par
son double caractère anticapitaliste et social, la question écologique est un
des moteurs de la transformation de la société tout en étant un des résultats
essentiels de cette transformation.
Cette
configuration d’enjeux et la complexité propre des questions écologiques
imposent à tout programme politique de TES de s’attaquer en urgence aux
difficultés actuelles tout en prenant en compte, avec la plus grande cohérencedans
une approche de long terme, la complexité et la conflictualité des solutions.Cette
préoccupation de long terme repose sur une double nécessité : l’une
technico-économique, certains changements, en énergie par exemple, relevant,pour
un objectif identique, de choix de court terme et de long terme, l’autre
politique, les choix urgents devant préparer les choix plus fondamentaux
ultérieurs. C’est pourquoi, notre projet et le programme qui en découle visent
à articuler les différents niveaux d’objectifs et de solutions, aux plans
écologique, politique, économique et social.
1.
Les
grands axes de notre projet écologique
-
axe 1 : le modèle de développement, ses liens
avec la lutte contre le dérèglement climatique et les relations internationales,les
orientations pour les deux autres axes,
-
axe 2 : le changement radical des objectifs
et des modes de production autour de la question centrale de la production en
général et des usages de l’énergie en particulier,
-
axe 3 : le changement dans les
comportements favorisé par le renforcement des services publics, l’offre de
produits alimentaires,les conditions de l'alimentation, la prévention de la
santé et l'accès aux soins dans des conditions satisfaisantes en termes de
qualité écologique, sociale et humaine, la gestion des biens publics et l’appui
aux innovations, …
Ces trois axes,traduits
pour chaque activité ou domaine en actions,doivent être mis en cohérence, à
chaque pas et dans la durée, par les choix de politique écologique, et
facilités par les instruments généraux : planification, relations
internationales, finances, règlementation …
2.
Principales
orientations, propositions par axe et par activité
L’axe 1
comporte trois interventions principales conduites par le pouvoir
politique central :
-
l’établissement d’un plan climat devant permettre
au pays de répondre en 20 ans aux objectifs fixés dans l’accord de Paris en
matière d’émission de GES ;
-
la mise en œuvre de nouvelles relations
internationales avec le maximum de pays amis pour avancer au plus vite dans
l’action contre le dérèglement climatique et dans de nouvelles relations
commerciales et de coopération (voir 3 3) ;
-
la détermination dans le cadre de la
planification (voir 3.1) des actions sur les axes 2 et 3 et leur adaptation au
changement du contexte international.
L’axe 2
comporte la mise en œuvre d’une politique anticapitaliste difficile en raison
du poids déterminant des forces capitalistes dans trois des secteurs de leur
puissance : énergie, technologie et finance. Pour s'adapter mais aussi
faciliter les modifications technologiques et de production, il s’agit de
combiner au mieux les changements (en volume et en structure) de la
production/consommation d’énergie avec ceux de l’emploi résultant des et
permettant les importantes modifications des technologies et des productions.
Ces changements dans l’énergie et dans l’emploi, impliqueront, dans le cadre
d’actions de long terme, l’appui d’un ensemble de forces : organisations
politiques, organisations des travailleurs, mouvements citoyens, organisations
décentralisées de production et d’échange, consommateurs.
Les actions spécifiques à chaque domaine soulèvent plus ou moins de difficultés. L’amélioration des qualités thermiques des bâtiments, à effet important sur le niveau d’émissions de GES et sur les conditions de revenu et de vie, est assez simple à mettre en œuvre. La technologie étant connue, cette amélioration implique principalementune réglementation adaptée et des aides financières dans certains cas, notamment pour favoriser la constitution de groupes d’habitants (coopératives de travaux …). Elle peut en retour favoriser l’adhésion des couches populaires à la politique écologique.
En matière de transports, rendre possibles les changements de comportement implique une politique plus complexe car nécessitant des règlements, des tarifications adaptées et cohérentes entre modes, l’arrêt des projets inutiles et plus largement des choix pour le développement des réseaux de services publics, des règles d’urbanismeet de recours aux Technologies de l'Information et de la Communication. Si la mobilité des personnes demeure une question importante, c’est d’abord à la logique du transport de marchandises qu’il faut s’attaquer en résistant à la déréglementation européenne afin de restaurer des services publics, de limiter les transports longue distance (relocalisation de la production et des échanges…), de favoriser le rail et les voies d’eau par rapport au fret routier.
-
une forte évolution de la majorité des modes de
production agricole pour un passage progressif d’une agriculture très
majoritairement productiviste à une agriculture écologique,
-
une modification du pouvoir et des choix des
industries et du commerce d’amont et d’aval de l’agriculture, (y compris par
création ou reprise avec du capital socialisé d’entreprises de production et de
commerce) pour favoriser cette évolution de l’agriculture et celle de
l’alimentation,
-
un changement significatif des régimes
alimentaires articulé avec les évolutions de l’agriculture et des entreprises
industrielles et commerciales : moins de viande, produits plus sains, …
-
instauration, en contradiction avec les règles
de la PAC, de l’OMC et des accords de libre-échange de certaines protections
négociées avec les pays exportateurs (mais pas de protectionnismevoir 3.3).
Ces
orientations nécessitent notamment d’articulerfortement, dès la mise en œuvre
de la nouvelle politique, politique agricole et politique alimentaire et de les
rendre indépendantes des firmes et des lobbys de l’agroalimentaire (voir
notamment les nombreuses révélations sur les conflits d’intérêts, dont la
dernière en France, sur l’étiquetage alimentaire).
3 Les moyens de cette
politique
Une victoire
électorale et l’appui des forces socialesne suffiront pas à la mise en œuvre et
la réussite d’une telle politique. Un ensemble de moyens doivent être
rapidement mis au point et mobilisés dans plusieurs domaines :
planification, finances, gestion des emplois, relations internationales,
critère (s) de choix…
Dans un premier temps, une telle démarche de long terme pourrait s’appliquer au domaine particulier de quelques biens,comme les produits agricoles et alimentaires, essentiels, sur un plan écologique et sur l’économie des pays, hors UE, agro exportateurs et ou déficitaires. L’instauration par la France de protections tarifaires et ou règlementaires, serait progressivement envisageable dans le cadre d’accords de réciprocité. Il s’agirait bien de « protection » et non de protectionnisme, ce dernier relevant d’un modèle politique non coopératif, asymétrique et systématique à l’égard de tous, pour un ou de plusieurs produits, qui s’attache à défendre les seulsintérêts du pays protectionniste.
Difficile avec certains pays hors
UE, cette politique le serait encore davantage au sein de l’UE, compte tenu de
la portée de ses traités internes, des accords internationaux qu’elle a nouéset
de la PAC. Là aussi un ensemble de dérogations serait à proposer sur la base
d’autres fondements que ceux des traités actuels sans pour autant menacer de
sortir de l’Union. De fait, la moindre mesure écologique d’ampleur nécessite de
rompre avec les traités européens en vigueur mais également de résister aux
traités internationaux en cours de négociations comme le TAFTA ou le CETA. Cela
implique d’envisager quel type de relations internationales est en jeu derrière
les questions environnementales : à la libéralisation des marchés et à
l’impérialisme (tant en matière énergétique, agricole ou encore concernant la
gestion des déchets) nous devons opposer un renouveau de l’internationalisme et
de la solidarité entre les peuples qui passe notamment par la reconnaissance de
la dette écologique et par la défense du principe de souveraineté et
d’autonomie alimentaire.
Compte tenu de la complexité et
de la diversité des choix à réaliser dans le cadre de cette politique, il est
tentant de rechercher un critère unique ou un nombre restreint de critères pour
guider ces choix. Mais on n’échappera pas aux effets pervers de l’usage abusif
du PIB comme guide politique en le remplaçant par un « bon » critère
écologique, au prétexte que la question n’est plus la croissance mais l’avenir
de la planète. Déjà, dans le cas d’un choix en apparence purement technique, le
choix entre deux façons de produire de l’énergie par exemple, le critère
technique (outputs/inputs énergétiques, niveau d’émissions de GES, …) trouve
vite ses limites dans son propre champ. S’il peut être utile de comparer deux techniques,
celles-ci sont toujours, hors laboratoire, insérées dans un processus social
dans lequel seule une évaluation multicritère sera utile mais là encore de
portée limitée. Face à cette difficulté, la tentation du critère unique est vaine,
voire dangereuse car ce serait oublier que la grande majorité des choix
complexes comme ceux relevant de l’écologie doivent combiner des éléments
politiques, techniques, sociaux, économiques, culturels propres à toutes les
activités humaines socialisées.
La réponse ne peut
qu’êtredémocratique et politique. Il reviendra à la planification démocratique
et décentralisée de proposer par grand type de choix, des procédures comprenant
éventuellement des critères adaptés à chaque pas du choix. L’idéal serait que
le jeu démocratique, nourrit des informations nécessaires, suffise.
4. Des questions en suspens
Ce qui précède
ne devrait pas poser de problèmes au Parti de Gauche avec lequel nous
partageons un large accord sur des questions essentielles en matière d’orientation
écologique. Néanmoins, les débuts de la campagne JLM2017 nous questionnent sur
deux aspects contenus dans le chapitre « Porter la France aux frontières
de l’humanité », à savoir ce qui est dit sur la mer et sur l’espace.
Concernant le premier point, JLM a raison de pointer les menaces qui pèsent sur
les océans (pollution, productivisme, etc.) et le potentiel que ceux-ci
recèlent en particulier en matière de production d’énergie. Pour autant, à
vouloir faire des produits de la mer le nouvel or vert pour la relance de
l’activité, à travers la production d’algues ou la pisciculture, on risque de
céder à la même illusion qu’a été celle des agrocarburants, en cherchant un
joker technique à des problèmes sociaux et environnementaux.
Par ailleurs,
l’évocation de la France comme puissance maritime au nom de sa présence sur les
cinq continents ne semble pas la meilleure porté d’entrée pour envisager une
gestion partagée entre les peuples, solidaire, internationaliste et
respectueuse des écosystèmes. Quant aux deuxième point, sans sous-estimer les
enjeux liés à l’espace, il semble d’une part qu’il y aurait matière à clarifier
les positionnements sur tout ce qui concerne les usages militaires de
l’espace ; d’autre part, certaines propositions sont marquées d’un
prométhéisme problématique : « Etre capable d’envoyer des vols
habités français », « Sortir de l’orbite terrestre »,
« viser un vol habité interplanétaire vers Vénus et Mars », tout cela
n’est pas sans rappeler la course à l’espace dans le cadre de la concurrence entre
grandes puissances, et est potentiellement contradictoire avec une
réorientation des budgets (notamment de la recherche) vers des domaines
d’utilité sociale et écologique.
Avec tout ça comment préparer
l’avenir ?
Nous sommes convaincus qu’une
telle politique ne sera pas possible avec une seule victoire électorale même
appuyée par un fort mouvement populaire. Une telle victoire, indispensable,
doit engager les forces de TES à rendre possible une réelle transition
écologique en préparant les conditions d’une rupture avec le système actuel,
pour cela :
-
mobiliser, au-delà des forces sociales déjà engagées
dans les luttes, les résistances, les pratiques alternatives un mouvement large
pour le climat, l’agriculture/alimentation, la santé, la solidarité internationale,
-
notamment en élaborant/vulgarisant un
projet/programme mobilisateur car bénéficiant au plus grand nombre et mettant rapidement
en œuvre des mesures socialement et écologiquement efficaces aux yeux du
mouvement,
-
en prenant appui sur cette nouvelle avancée du
mouvement pour affaiblir le système en place et engager la rupture avec de
nouvelles décisions.
Cette contribution n’a pas vocation à évoquer
toutes les questions à traiter dans le cadre d’un programme d’écologie sociale.
Elle part par ailleurs du constat d’une grande proximité avec les thèses du
Parti de Gauche et/ou de la France Insoumise. Cette proximité et les quelques
éléments d’analyse esquissés ici sont une invitation à poursuivre le débat avec la campagne JLM2017.
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