mardi 8 novembre 2016

Assassinats ciblés : un président ne devrait ni dire, ni faire ça…, par Clémentine Autain

Parmi toutes les confidences de François Hollande dans Un Président ne devrait dire ça…, celles concernant sa décision de commanditer des assassinats ciblés ont suscité peu de critiques. En dépit de leur gravité et de leur mépris des droits humains. 

Depuis sa parution, Un Président ne devrait dire ça… ne cesse de défrayer et même déchaîner la chronique. Les deux journalistes d’investigation Gérard Davet et David Lhomme, qui avaient déjà commis Sarko m’a tuer chez Stock en 2011, ont vraiment réussi leur coup. 


Il faut dire que les révélations dressent un portrait ahurissant de François Hollande président. Un homme qui n’a rien de normal, pas grand-chose à voir avec la gauche et peu de respect pour sa fonction. Un homme qui croit à sa bonne étoile et s’adonne à des confidences qui le placent sans filtre devant deux journalistes. Un homme qui se révèle davantage candidat au suicide politique qu’au mandat élyséen suivant. 

Tabous de la République 

La stupéfaction générale va croissant depuis la sortie de l’ouvrage, le 12 octobre dernier, au gré des pépites égrenées dans l’actualité. Celles-ci nourrissent des polémiques successives. 

Furent d’abord placés en tête la révélation des mots de François Hollande à l’encontre du monde judiciaire : « une institution de lâcheté ». Puis les propos sur les footballeurs ont largement sidéré : « passés de gosses mal éduqués à vedettes richissimes », ils sont appelés par le président de la République à une « musculation du cerveau ». 

Le Parti socialiste a essuyé les plâtres suivants : « Il faut un acte de liquidation. Il faut un hara-kiri », a-t-il confié sans fard. Proches et fidèles du président ne sont pas épargnés : Claude Bartolone n’a pas « l’envergure », Najat Vallaud-Belkacem est « très forte en langue de bois »… 

Ce livre nous apprend encore que le président est capable d’entretenir une conversation téléphonique avec un autre chef d’État en présence de journalistes qui se trouvent ainsi aux premières loges pour entendre l’échange, sans que ledit chef d’État, Alexis Tsipras en l’occurrence, n’en soit informé ! 

Avec ces révélations, nous tombons de Charybde en Scylla. Mais le sommet est littéralement atteint avec les assassinats ciblés. Il est d’ailleurs troublant que ces aveux n’aient pas été parmi les premiers passages les plus commentés et contestés. Mais nous savons que les opérations "Homo" (pour "homicides") figurent parmi les plus grands tabous de la République. 

En octobre 2015, les deux journalistes ont interrogé François Hollande : « Avez-vous ordonné des mesures de vengeance [aux prises d’otage et autres attaques contre les soldats français] ? » Réponse : « Oui ». Parmi la quinzaine de « cibles à neutraliser » – comprendre de personnes à abattre – désignées par la DGSE, « j’en ai décidé quatre au moins », raconte le président. 

Peine de mort sans jugement 

En guise d’analyse, Hollande livre ces quelques mots qui rompent dramatiquement avec l’image de "flamby" dont il est traditionnellement affublé : « Il y a la question stratégique : est-ce que c’est utile ? Et la question humaine : est-ce que c’est coûteux ? » 

Au diable les droits humains, les conventions internationales, les principes fondamentaux contre la peine de mort ! 

Notez que le même Hollande explique en revanche au sujet du sanguinaire Bachar Al Assad que « neutraliser Bachar, ça signifie faire qu’il soit externalisé, pas tué ». 

Même s’ils se pratiquent dans le plus grand secret des États, même si les romans noirs et films policiers ne lassent pas de conter ce type de pratiques, les assassinats ciblés décidés par le pouvoir exécutif, de façon arbitraire et sans aucun cadre légal, sont contraires au droit de la guerre et au droit international. Car ils reviennent à infliger une peine de mort sans aucun jugement. De telles pratiques tournent le dos à l’esprit du droit moderne. 

La droite vient de s’emparer de ces confidences publiques en hurlant contre la violation du secret défense. C’est pour cette raison que le député LR Pierre Lellouche veut engager une procédure de destitution du président de la République – qui a peu de chance d’aboutir car il faudrait le vote des deux tiers du Parlement. 

Pour la droite, le problème viendrait du fait de le dire et non de le faire. Cachez donc cette pratique politique meurtrière que l’on ne saurait voir ! 

Le ton et la menace peuvent être virulents, cette critique n’en reste pas moins fort courte du point de vue des droits humains et de la démocratie. 

Lui président, c’est un symptôme cuisant de cette Ve République agonisante.

http://www.regards.fr/web/article/assassinats-cibles-un-president-ne-devrait-ni-dire-ni-faire-ca

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